"C'est insensé et peu judicieux" : des élus nantais répondent au gouvernement sur une supposée responsabilité de la municipalité dans la mort de Steve
Le Premier ministre a expliqué mardi que "des interrogations sur la préparation" de la Fête de la musique restaient posées, interrogeant implicitement la responsabilité de la Ville dans la mort du jeune homme.
"Il ne faut pas procéder par approximation quand il y a mort d'homme." La voix ferme, Gilles Nicolas, maire-adjoint à la sécurité de la ville de Nantes (Loire-Atlantique), annonce au téléphone la couleur : "Il faut être précis et je vais être précis." L'élu entend bien répondre à ce qu'il qualifie d'"insinuations" de la part du gouvernement sur l'éventuelle responsabilité de la mairie de Nantes dans la mort de Steve Maia Caniço.
Mardi 30 juillet, le Premier ministre a rendu publiques les conclusions de l'IGPN concernant la mort du jeune homme, selon lesquelles "il ne peut être établi de lien entre l'intervention des forces de police et la disparition de Steve Maia Caniço." Edouard Philippe a cependant précisé que "des interrogations sur la préparation de cet événement" restaient posées et qu'il saisissait l'Inspection générale de l'administration "pour faire toute la lumière" sur la mort de l'animateur périscolaire de 24 ans.
Que veut dire le chef du gouvernement par "la préparation de cet événement" ? Réponse du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, dans Ouest France : "Le rapport de l'IGPN indique, par exemple, qu'il y avait deux agents d'une société de sécurité privée mandatés par la Ville afin d'empêcher la foule de tomber dans le fleuve. Il indique aussi que la Ville avait fait poser des barrières le long d'une partie seulement du quai Wilson, alors que les 'sound systems' étaient installés jusqu'au bout du quai", détaille Christophe Castaner. En clair, selon le gouvernement, la responsabilité de la Ville dans la mort de Steve Maia Caniço se pose.
"L'heure n'est pas à la polémique"
Face à ces accusations, la maire de Nantes, Johanna Rolland (PS) a brièvement répondu dans Ouest France, mardi. "Plus que jamais l'heure n'est pas à la polémique, mais à la recherche de la vérité, réplique la socialiste. Je constate qu'après cinq semaines d'enquête, l'IGPN n'est toujours pas en mesure de dire ce qu'il s'est passé dans la nuit du 21 au 22 juin dernier, sur le quai Wilson, à Nantes. C'est pour le moins troublant et inquiétant."
Son adjoint Gilles Nicolas va plus loin et répond point par point. "La Fête de la musique, nous l'organisons dans le centre-ville où je prends un arrêté, des mesures anti-intrusion et où l'on met en place notre police municipale. Pour les 'sound-systems' qui s'installent sur le quai Wilson, la Ville ne délivre aucune autorisation car cela relève de la police spéciale du préfet relative à l'organisation des 'free parties'", explique-t-il à franceinfo.
"Bien que juridiquement non compétente, la Ville reconduit chaque année un dispositif de prévention avec un canot de sauvetage et deux agents de sécurité qui sont là pour faire la liaison avec le poste de secours situé dans le hangar à bananes [une ancienne friche portuaire aujourd'hui peuplée de bars]." Concernant les propos de l'exécutif, ce commissaire divisionnaire à la retraite est très clair : "Les insinuations d'hier sont très approximatives et ne reflètent pas la réalité juridique. Il y en a qui ne mesurent pas l'émoi que cela suscite dans l'opinion publique et ces manières de procéder peuvent en susciter beaucoup d'autres."
La municipalité réserve ses réponses aux enquêtes, mais je peux vous dire qu'elle ne manque pas d'arguments.
Gilles Nicolas, adjoint en charge de la sécurité à la mairie de Nantesà franceinfo
D'autres élus s'interrogent aussi sur le choix de rendre public le rapport de l'IGPN le jour de la découverte du corps de Steve Mai Caniço. "On a un drame terrible et on attend le jour de la découverte du corps de Steve pour sortir des résultats qui n'apportent pas de conclusions vraiment probantes, constate Mahaut Bertu, conseillère municipale. Je ne sais pas s'ils cherchent à pointer la responsabilité de la Ville mais si c'est le cas, c'est insensé et peu judicieux", ajoute cette élue qui espère maintenant "des réponses rapides" sur la mort du jeune homme.
Aymeric Seasseau va encore plus loin que sa collègue. "Nous ne nous sentons pas responsables de ce qui s'est passé pour une raison très simple : les vidéos sont accablantes", explique cet adjoint PCF à franceinfo. Et de poursuivre : "En 2017, il s'est produit une scène similaire, où les forces de l'ordre avaient choisi un repli tactique, plutôt que d'engager une action près de la Loire. Il y a ces installations depuis vingt ans à Nantes, il y a des 'sound-systems' tous les week-ends dans toute la France, souvent près de cours d'eau. La question qui est posée est donc celle de l'intervention policière et exclusivement celle de l'intervention policière."
Edouard Philippe a mis cinq semaines à nous faire savoir qu'il ne sait pas grand-chose. Il reste droit dans ses bottes sur la politique qu'il conduit au nom du président Macron. J'ai deux réactions : la colère et la honte.
Aymeric Seassau, adjoint de la maire de Nantesà franceinfo
Tous espèrent maintenant que l'enquête judiciaire conduite par deux juges d'instruction permettra de faire la lumière sur les circonstances du drame. "Il faut maintenant faire agir la justice au plus vite afin d'obtenir la vérité pour Steve", conclut Aymeric Seassau.
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