"L'amertume est toujours là" : à Nantes, plusieurs milliers de personnes réclament "justice" pour Steve Maia Caniço
Environ 3 500 personnes ont participé dimanche après-midi à la marche organisée en mémoire du jeune éducateur périscolaire de 24 ans, disparu lors de la Fête de la musique de 2019.
"T'étais venu pour danser toute la nuit, tu pensais rentrer avant midi. Oui, maintenant dansez pour lui." Composée en mémoire de Steve Maia Caniço, cette chanson a illuminé la marche d'hommage au jeune homme, dimanche 21 juin à Nantes (Loire-Atlantique). Tout l'après-midi, 3 500 personnes environ ont battu le pavé pour réclamer "Justice pour Steve", un slogan qui n'a guère changé depuis l'intervention de police menée sur le quai Wilson, il y a un an jour pour jour, lors d'une teuf organisée pour la Fête de la musique.
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"Continuer à se battre pour avoir le droit de vivre"
"La musique alternative peine à trouver sa place dans notre société", a déclaré Aliyah, lors d'une prise de parole au pied de la grue Titan, à quelques mètres du lieu où a été retrouvé le corps de son ami, le 29 juillet. "La free party, c'est un sentiment de liberté dans un monde qui nous opprime. C'est ce qu'était Steve. C'était une partie intégrante de sa vie, et c'est ce qu'on essaie de détruire." K-Ro, une autre amie, s'est elle aussi lancée au micro, pour dénoncer la mauvaise image des teuffers en France. "Depuis quand un goût musical t'impose une mentalité ?", s'est-elle interrogée. "Nous avons un look atypique, une musique qui dérange... Mais nous continuons à nous battre pour avoir le droit de vivre."
En tête de cortège, une sono crachait du hardcore et du hardstyle, ces sous-genres de la techno tant chéris par Steve Maia Caniço, qui font vibrer tout le corps. Au moment des hommages et de la minute de silence, la famille de l'éducateur périscolaire, très discrète depuis le début de l'affaire, est restée à l'écart, des roses blanches à la main. Et quand Aliyah a salué le "courage exemplaire" d'Oscar Maia Caniço, en ce jour de fête des pères, ce dernier s'est contenté d'un signe de la tête, rempli de chagrin. Stéphane, le parrain du jeune homme, a toutefois tenu à remercier la foule, fier de cette "diversité" fidèle à Steve.
Dans le cortège, les participants de la "teuf" du quai Wilson se souviennent encore des gaz lacrymogènes, de la cohue et des scènes de panique. "L'amertume est toujours là", résume Romain, qui dénonce une intervention aussi "disproportionnée que dangereuse". Pour le jeune homme, ce qui est arrivé à Steve Maia Caniço est "d'autant plus injuste" qu'il représentait "des valeurs de partage et de musique communes à nous tous. A aucun moment, on ne pouvait le voir comme une menace." Ce soir-là, poursuit une autre participante, "j'ai pris des gaz et puis, j'ai vu mon petit copain coursé par les policiers et un ami en sang". Encore marquée par la scène, elle attend toujours des réponses de l'enquête, dépaysée à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Cette marche était le seul événement autorisé par la préfecture pendant le week-end, après les arrêtés préfectoraux interdisant les événements festifs de la Fête de la musique et un autre rassemblement, annoncé pour le début de soirée. De leur côté, et par égard pour les proches, les organisateurs avaient interdit les slogans politiques ou hostiles à la police pendant la marche. Avec plus ou moins de succès, tant la colère était vive parmi certains participants, passant du slogan "Tout le monde déteste la police" à "La police déteste tout le monde". La marche s'est toutefois déroulée sans heurts, en présence d'une escorte des forces de l'ordre chargée de faire appliquer le tracé validé par les autorités.
"Pas de justice, pas de paix"
A Nantes, l'affaire a laissé de profondes cicatrices dans les esprits. Comme l'an passé, la fontaine de la place Royale est de nouveau constellée d'affiches réclamant justice et dénoncer l'ensemble des "violences policières". Pour Nathalie, qui a l'âge des parents du jeune homme, "cette ville culturelle est aujourd'hui comme amputée par cette mort survenue lors d'une Fête de la musique. Steve est un peu devenu l'enfant de tout le monde." Il faut dire que profil de l'éducateur périscolaire, décrit par ses amis comme une personnalité attachante, sympathique et douce, a suscité un fort sentiment d'injustice dans une partie de la population.
Cette incompréhension et cette colère ont rejailli dans les slogans : "Un an écoulé, une rage pas écoulée", "Pas de justice, pas de paix"... Après les enquêtes administratives contestées de l'IGPN et de l'Inspection générale de l'administration, les soutiens de Steve Maia Caniço mettent tous leurs espoirs sur l'information judiciaire ouverte pour "homicide involontaire". Deux autres enquêtes sont ouvertes pour "mise en danger de la vie d'autrui" concernant l'intervention policière et une autre pour violences sur "personne dépositaire de l'autorité publique" s'agissant de la prise à partie des forces de l'ordre.
En amont de cette marche, vendredi soir, la maire PS Johanna Rolland avait déjà rencontré la famille du jeune homme et réclamé que "toute la lumière" soit "faite" sur les "motivations et les modalités d'intervention des forces de l'ordre". Pour Loïc, ami de Steve Maia Caniço, le temps judiciaire paraît trop long, d'où sa présence ici, "pour cet ami qui est tombé dans la Loire" et qu'il ne reverra "jamais". Entre deux consignes aux participants, vêtue d'une chasuble orange, K-Ro a ressenti "plein d'émotions à la fois" devant cette foule mêlant "toutes les générations et toutes les opinions, des plus militants aux plus pacifistes. Et ça, il n'y a qu'un mec qui pouvait le faire, c'est Steve."
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