: Enquête France 2 "Ici, ce n'est plus la République française" : "L'Œil du 20 heures" s'est infiltré au cœur du mouvement complotiste One Nation
Cibles des complotistes : les institutions, le Covid, le vaccin… Leurs thèses prolifèrent sur internet. Jusqu'à parfois appeler à s'affranchir des lois de la République. "L'Œil du 20 heures" a infiltré un mouvement qualifié de conspirationniste par la Mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires.
Sur les réseaux sociaux, ils se font connaître sous le nom de One Nation. Comprenez en français : une nation. Dans leurs vidéos, ils appellent à faire sécession. Ils vont jusqu'à dévisser leurs plaques d'immatriculation, pour ne plus être identifiables, et mettent même parfois le feu à leur passeport… One Nation délivre à ses membres ses propres cartes d'identité ou permis de conduire. En quelques semaines, avec un nom d'emprunt, nous sommes parvenus à gagner la confiance de la cheffe de file du mouvement, Alice Pazalmar, sur Telegram. Jusqu'à pouvoir participer à l'un de ses ateliers. "L'Œil du 20 heures" a infiltré le mouvement durant trois jours.
"Cette vague d'émancipation a été qualifiée à plusieurs reprises, par des journaleux tendancieux en mal d'audience, de secte", déclare cette femme de 34 ans, mère de deux enfants et ancienne infirmière en psychiatrie, sur sa chaîne YouTube qui compte 35 000 abonnés et près de 1,5 million de vues. "T'as pas l'air de comprendre, chère République française, c'est pas moi qui ai voulu la guerre, c'est toi qui l'as déclarée."
Sur une messagerie cryptée, elle est en outre en lien permanent avec 4 000 membres, disséminés en France et aux quatre coins du monde. Rendez-vous est donné dans un gîte isolé, à quarante kilomètres de Valence. On y retrouve vingt-cinq membres de One Nation. Les participants viennent de toute la France. Ils ont entre 25 et 65 ans. Tous les milieux sociaux sont représentés. Pendant trois jours, huit heures par jour, Alice Pazalmar va enchaîner les monologues antisystème.
"Dans ma vision, c'est hyper important de faire ces oasis One Nation. Ici, c'est plus la République française (...) il faut libérer la terre de cette matrice-là."
Alice Pazalmar, leader de One Nationlors d'un séminaire du mouvement
Son discours semble séduire les participants. "Je suis ici pour me libérer et participer à la libération de l'humanité", confie l'un d'eux. Un autre ajoute être "prêt à passer à l'action". Pour distiller sa propagande et passer à l'action, One Nation a franchi un palier supplémentaire le mois dernier. Le réseau a fait la une de la presse en annonçant son intention d'acheter un vaste terrain dans le Lot pour y créer une communauté. Alice Pazalmar a lancé une cagnotte : 260 000 euros récoltés en quelques jours seulement. Mais devant l'inquiétude des autorités, la vente a finalement été annulée.
France 2 a rencontré une participante au séminaire, d'abord séduite par l'idée de s'installer dans le Lot. Mais celle-ci a ouvert les yeux sur la personnalité d'Alice Pazalmar, quelques heures seulement après son arrivée :
"[Alice] va utiliser des gens qui sont paumés, qui vont contribuer à son projet tout simplement. C'est une nana qui se prend pour un gourou. Qui veut être un gourou."
Une participante anonymeà "L'Œil du 20 heures"
Ce mouvement compte des membres très actifs. Lola Montemaggi, mère de la petite Mia enlevée en avril dernier, avait rejoint One Nation dont elle partageait les théories. Dans un message sonore enregistré sur Telegram, elle déplorait : "On est limités dans ce système… Tout est fait pour nous limiter. Nous, on veut la liberté. Regardez les vidéos d'Alice." Sur cette messagerie cryptée, des membres du mouvement lui conseilleront de "fuir" ou de "cacher sa fille". Une femme l'invitera même à contacter Rémy Daillet, figure conspirationniste, suspecté d'avoir organisé l'enlèvement de la petite Mia.
Pour Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, l'observatoire du complotisme en France, One Nation serait un mouvement dangereux : "On retrouve chez Alice Pazalmar un discours qui est celui du complotisme le plus radical. On voit là les germes de ce qui pourrait être une dérive sectaire."
"A la faveur de cette crise, on a vu basculer irrémédiablement des gens qui n'étaient pas auparavant spécialement clients de ce type de thèses."
Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watchà "L'Œil du 20 heures"
Selon nos informations, le réseau One Nation est actuellement placé sous surveillance des services de renseignement. Contactée, Alice Pazalmar a refusé de nous accorder une interview.
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