Meurtre de Vanille : un infanticide sur fond de conflit avec l'Aide sociale à l'enfance devant la cour d'assises d'Angers
Son sort avait ému toute la France. Le 7 février 2019, le corps de Vanille, un an, était retrouvé dans un conteneur à vêtements à Angers. Pour la première fois depuis la mise en place du dispositif, l'alerte enlèvement déclenchée pour retrouver l'enfant s'était soldée par une issue funeste. Nathalie Stephan, la mère du bébé, comparaît devant la cour d'assises du Maine-et-Loire à partir du lundi 6 février. Elle avait reconnu avoir étouffé sa fille avec du scotch dans un parc de la ville, le jour de l'anniversaire de Vanille.
La personnalité de cette femme de 42 ans et sa relation avec les services de la protection de l'enfance devraient être au cœur des débats. Nathalie Stephan a elle-même été placée en foyer de ses 16 à 19 ans, après avoir dénoncé des agressions sexuelles de la part de son père, peintre en bâtiment. Membre d'une fratrie de trois enfants, elle a grandi à Angers aux côtés de parents sourds et muets, avant un déménagement inexpliqué de la famille à Bordeaux (Gironde). Dans son ordonnance de mise en accusation, la juge y voit une possible volonté du père de mettre à distance les services sociaux.
Une première fille confiée à la garde de son père
Les experts psychiatres qui ont rencontré Nathalie Stephan décrivent une "enfance difficile", "carencée", marquée par les "violences paternelles", la "soumission de la mère", femme au foyer, et un "défaut d'alimentation". Pendant son placement, la jeune femme s'oriente vers les métiers de la petite enfance puis décroche un BEP sanitaire et social. S'ensuit une décennie de relative stabilité dans sa vie, après sa rencontre avec le père de sa première fille, née en 2008. Mais le couple se sépare et Nathalie Stephan commence à mener une vie d'errance dans le sud de la France, avant de revenir à Angers.
"C'est quelqu'un qui était sur une pente descendante et c'est aussi une des causes de la séparation", observe Olivier Rolland, l'avocat du premier compagnon, partie civile au procès. Et de rappeler que son client a obtenu la garde exclusive de leur fille, âgée aujourd'hui de 14 ans et particulièrement marquée par les faits.
"Elle avait de bonnes relations avec Vanille, elles se voyaient tous les 15 jours. Elle n'aura plus de petite sœur, c'est fini."
Olivier Rolland, avocat de l'ancien compagnon de Nathalie Stephanà franceinfo
Vanille rapidement prise en charge par un assistant familial
Un mois après la naissance de Vanille, fruit d'une courte relation, Nathalie Stephan fait une tentative de suicide et un séjour de 48 heures en hôpital psychiatrique. L'inadéquation de son comportement avec sa seconde fille entraîne leur hébergement au sein d'un centre maternel angevin et la prise en charge du bébé par un assistant familial. Dominique M. relève chez le nourrisson "des signes de retrait relationnel précoces et des difficultés alimentaires". "Il est l'un des seuls à pouvoir parler de cet enfant, souligne son avocate, Mathilde Livenais. On n'a vu de Vanille qu'une photo de l'alerte enlèvement." Une petite bouille qui regarde l'objectif de ses grands yeux noirs, une main dans la bouche.
"Mon client veut juste venir décrire la personnalité de cette toute petite personne et le lien qu'il a tissé avec elle."
Mathilde Livenais, avocate de l'assistant familialà franceinfo
En mai 2019, le bébé est placé sur décision d'un juge des enfants, avec un droit de visite pour sa mère d'une nuit et d'une demi-journée par semaine. En réalité, Vanille partage son quotidien entre le domicile de Dominique M. et le centre maternel, où sa mère est toujours hébergée. Nathalie Stephan nourrit le secret espoir que le placement ne soit pas prolongé. Mais en décembre, la justice le renouvelle avec toutefois un droit de visite élargi, et place officiellement Vanille chez Dominique M., qui travaille désormais dans un autre foyer de l'enfance. Nathalie Stephan se voit notifier la fin de son hébergement au centre maternel, le département refusant de financer le placement de l'enfant dans un lieu et le logement de sa mère dans un autre.
Un refus d'hébergement comme mobile du crime
Après avoir exprimé "un sentiment d'abandon très fort, et la peur d'être oubliée", selon une responsable du centre entendue par les enquêteurs, la mère de Vanille semble apaisée et sereine à partir de début janvier 2020. En réalité, elle a décidé de tuer Vanille le jour où elle a appris qu'elles ne pourraient plus séjourner au centre maternel, comme elle le reconnaîtra en interrogatoire. Elle se débarrasse progressivement des affaires de sa fille et l'idée de l'étouffer avec du scotch lui vient en préparant ses cartons, dit-elle. Le 7 février, trois jours avant la date prévue de son départ, elle met fin aux jours de Vanille et s'enfuit à Nantes avant d'être interpellée.
Devant la juge, Nathalie Stephan dit regretter son geste, mais soutient qu'il n'y avait pas d'autre solution, rejetant la responsabilité sur les professionnels de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Face aux suspicions de dysfonctionnement institutionnel, le président du département de l'époque, Christian Gillet, tient une conférence de presse aux côtés du procureur. "Il n'y a absolument pas eu de négligence de l'ASE, je suis formel", martèle-t-il, rappelant que l'accueil en centre maternel, faute de places suffisantes en Maine-et-Loire, est limité aux quatre mois de l'enfant. La défense de Nathalie Stephan ira-t-elle sur ce terrain pendant le procès ? Sollicitées par franceinfo, ses avocates n'ont pas donné suite. Mais peu après les faits, son conseil Olivia Brulay avait regretté le refus de double financement.
"On s'est heurtées à des questions budgétaires. Dès qu'on sort du cadre, les services n'essaient pas de trouver une solution adéquate, au cas par cas."
Olivia Brulay, avocate de Nathalie Stephanà franceinfo, le 12 février 2020
Du côté des parties civiles, on balaie cet argument. "En dépit de ce que Nathalie Stephan indique, le personnel du centre et l'ASE lui ont laissé du temps pour pouvoir trouver un logement", relève l'avocate Mathilde Livenais.
Les experts psychiatres et psychologues qui l'ont examinée ont diagnostiqué chez elle une personnalité borderline. Selon les médecins, la mère de Vanille a été "en capacité de réaliser cet acte de manière froide et de ne pas s'en approprier franchement la responsabilité, la rejetant plutôt sur les intervenants socio-judiciaires". Ne relevant ni altération ni abolition du discernement au moment des faits, ils estiment qu'elle présente une "dangerosité élevée". Nathalie Stephan encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
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