Violences sur mineurs en famille d'accueil : les victimes "vont mal", dénonce l'une des avocates d'Innocence en danger

"C’étaient déjà des enfants en grande difficulté, en souffrance et on continue avec la violence", s'indigne maître Myriam Guedj-Benayoun, l'une des avocates de l'association, qui défend dix parties civiles dans le procès qui s'ouvre lundi à Châteauroux.
Article rédigé par franceinfo - avec France Bleu Limousin
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Myriam Guedj-Benayoun (G) et Pauline Loirat, avocates de parties civiles dans le procès de 19 personnes jugées à Châteauroux (Indre) pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, le 14 octobre 2024. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Les victimes "vont mal, c’étaient déjà des enfants en grande difficulté, en souffrance et on continue avec la violence", déplore lundi 14 octobre sur France Bleu Limousin maître Myriam Guedj-Benayoun, l'une des avocates de l'association Innocence en danger, qui défend dix parties civiles dans le procès qui s'ouvre à Châteauroux (Indre). 19 personnes sont jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains ont subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé.

Entre 2010 et 2017, des dizaines d'enfants ont été confiés illégalement par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Nord à la structure Enfance et Bien-Être dans l'Indre notamment, qui ne disposait pas de l'agrément nécessaire. Les enfants "étaient soumis à des règles d’esclavagisme, étaient gardés sous le règne de la domination et de la peur, des enfants à qui on faisait faire des travaux forcés", décrit leur avocate. Ils ont "creusé des piscines, abattu des murs, fait des peintures, des enfants qu’on terrorisait par des violences physiques mais également sexuelles", décrit leur avocate, qui précise que ces dernières "n’ont pas été retenues". Elle décrit ainsi que dans certaines familles, "les jeunes filles n’avaient pas le droit de porter de sous-vêtements et c’était vérifié au touché tous les jours".

Logements insalubres, esclavagisme

Pour elle, "on est dans une situation inimaginable et inentendable". Les enfants placés étaient "déjà en difficulté, placés par un organisme d’Etat sous couvert du conseil départemental, qui est censé agréer ces familles, donc vérifier ne serait-ce que les conditions d’hébergement".

"Certains d’entre eux dormaient dans des caves à vin pourries, sans eau, ni électricité, ni chauffage."

Myriam Guedj-Benayoun, avocate de parties civiles

à France Bleu Limousin

L'avocate reproche aussi au département du Nord de ne pas avoir vérifié "si ces personnes étaient habilitées". Or sur les 19 prévenus, "deux étaient déjà condamnés pour agression et viol sur mineur avec une interdiction à vie de travailler avec des mineurs." Elle regrette aussi que le département n'ait "pas porté assistance à ces enfants après. Ces enfants ont continué à être jetés, sans suivi psychologique ni médical, nous aurions bien aimé que le département soit au moins sur les bancs des parties civiles aux côtés des victimes."

"État de stress-post traumatique"

Aujourd'hui, toutes les victimes sauf une sont désormais majeures. "Ils vont mal, c’étaient déjà des enfants en grande difficulté, en souffrance et on continue avec la violence, quand on les place dans ces familles-là, et on continue avec la violence quand on s’en débarrasse après, sans suivi psychologique", déplore maître Myriam Guedj-Benayoun. Les enfants ont été examinés par des psychologues bénévoles et des psychiatres. Ils ont été "diagnostiqués comme étant en état de stress post-traumatique", rapporte leur avocate. "Il y a de l’anorexie, des phobies, des incapacités de travail, des tentatives de suicide, ce sont des enfants en grande souffrance", poursuit maître Myriam Guedj-Benayoun.

Néanmoins, les victimes doivent venir à la barre pour témoigner. "On veut leur rendre leur humanité qu’on leur a volée, confie leur avocate. Ils vont pouvoir venir voir un président de tribunal, leur dire : 'Voilà les violences qu’on a subies'". Pourtant ils ont aussi "extrêmement peur d’affronter à nouveau leurs bourreaux, mais ils sont presque fiers de pouvoir dire : 'On s’en est sorti même si c’est très dur, voilà ce qu’on a vécu et on vient témoigner pour que d’autres jeunes ne vivent pas ce qu’on a vécu'", conclut leur avocate.

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