Les chiffres "biaisés" de la délinquance
Faut-il douter des chiffres
de la police en matière de délinquance ? Un rapport de la mission d'information
sur la mesure statistique des délinquances semble dire que oui. France Info a pu
consulter ce document, remis ce mercredi à l'Assemblée nationale.
La commission parlementaire met en cause les données policières et judiciaires de receuil de statistiques qui sont "partielles, biaisées et insuffisantes ". Elle considère que l'outil statistique des forces de l'ordre, "l'état 4001", qui classe les infractions en fonction des plaintes recueillies en se basant sur 107 index, "ne peut être considéré comme un outil de mesure ".
"Quand on mesure la performance d'un service à partir de données qu'il renseigne lui-même, le risque de distorsion et de manipulation est important" (rapport parlementaire)
Les parlementaires ont recommandé de renforcer l'indépendance de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), qui diffuse les chiffres et qui est très proche du ministère de l'Intérieur. La Commission souhaiterait que le président de cet observatoire soit nommé par les parlementaires.
Gonfler et minorer les chiffres
Dans la police ou la
gendarmerie, depuis de nombreuses années, on observe les mêmes techniques
individuelles ou collectives pour manipuler les chiffres à la source : un
commissariat qui limite l'enregistrement des plaintes et oriente les plaignants
vers la main-courante, un gendarme qui gonfle le nombre d'infractions pour
augmenter son taux d'élucidations d'affaires, ou encore un agent qui requalifie
des faits pour "coller aux objectifs du service".
Ces pratiques, explique le
document, ne sont pas nouvelles. Elles n'ont pas non plus débuté avec la "politique
du chiffre" du précédent gouvernement, mais bien avant.
"Tous les débats sont
biaisés par ces références permanentes à des chiffres dont on sait qu'ils ne
sont pas fiables" (Jean-Hugues Matelly auteur de Police : des
chiffres et des doutes)
Pour rédiger ce rapport, les
députés ont auditionné des dizaines d'experts, policiers, magistrats,
sociologues et même des ministres (Christiane Taubira et Manuel Valls) depuis le mois d'octobre. Jean-Hugues Matelly
a témoigné en tant que chercheur et auteur de Police : des chiffres
et des doutes . Il estime qu'à partir du moment "où l'on a fait
peser une pression comme indicateur de performance publique, l'ensemble des
acteurs ont eu tendance à se dire : pour avoir de bons résultats d'affichage,
il faut que mes chiffres soient meilleurs ". Conséquence selon lui : "La
pression " n'est plus "dans la lutte contre la délinquance, mais
dans la lutte contre les chiffres ".
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