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Qu'est-ce que le Fnaeg, qui a permis de résoudre l'affaire de la "petite martyre de l'A10" ?

Plusieurs affaires ont été relancées grâce à un recoupement avec des traces d'ADN contenues dans ce fichier créé en 1998.

Article rédigé par Catherine Fournier, Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Depuis 2003, le Fneag autorise les prélèvements ADN des personnes mises en cause dans la plupart des affaires délictuelles ou criminelles. (MAXPPP)

Après 31 ans d'enquête, le mystère est enfin en passe d'être résolu. La "petite martyre de l'A10", dont le corps avait été découvert en 1987 au bord de l'autoroute A10 à Suèvres dans le Loir-et-Cher, a été identifiée et ses deux parents ont été mis en examen, jeudi 14 juin, pour "meurtre", "recel de cadavre" et "violence sur mineur".

Les investigations ont connu une subite accélération grâce à l'interpellation d'un homme dans une affaire de violences. Il s'agit en fait du frère de la fillette. Son ADN a été prélevé, comme l'autorise la loi, et une correspondance a été trouvée avec des traces conservées dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg).

Ce n'est pas la première fois que cette base de données permet de faire la lumière sur un dossier, des années après. Mais comment fonctionne-t-il ? Qui figure dedans ? Combien de temps les données sont-elles conservées ? Franceinfo répond à vos questions.

De quand date le Fnaeg ?

Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques a été créé en 1998, dans la foulée de l'interpellation du tueur en série Guy Georges. Il était destiné au départ à permettre "l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles". Commun à la police et la gendarmerie, le Fnaeg servait alors à "centraliser les traces et empreintes génétiques" des personnes condamnées pour viols ou agressions sexuelles, mais aussi pour certaines atteintes aux mineurs, indique le site du ministère de l'Intérieur.

Son champ d'application a été élargi à plusieurs reprises. En 2001, le fichier s'étend aux crimes de sang, de terrorisme et de grand banditisme. Deux ans plus tard, il est élargi à toutes les atteintes aux personnes et aux biens. Le ministère de l'Intérieur résume en indiquant qu'il concerne aujourd'hui "la plupart des infractions punies d'une peine d'emprisonnement". Seules exceptions : les délits routiers mineurs (excès de vitesse, utilisation du téléphone portable au volant…) et les infractions financières.

Comment est-il alimenté ?

Géré depuis le Service central de police technique et scientifique d'Ecully (Rhône), le Fnaeg est alimenté par deux sources. D'abord, les traces collectées sur les individus : cela concerne les personnes condamnées, mais également depuis 2003 les personnes simplement mises en cause dans le cadre d'une enquête. L'autre source de données ADN provient des prélèvements effectués sur les scènes de crimes et de délits. Leur provenance n'est donc pas forcément identifiée.

Il est aussi à noter que la loi autorise depuis 2003 "l'enregistrement de l'empreinte génétique des cadavres non identifiés et des personnes disparues (et de leurs ascendants/descendants)" dans le cadre d'enquêtes sur les causes d'une mort suspecte ou d'une disparition inquiétante, précise le ministère de l'Intérieur. C'est ainsi que l'ADN du frère de la "petite martyre de l'A10" a pu être mis en relation avec les prélèvements effectués sur le corps de la petite fille, dont l'identité n'était alors pas connue.

Sachez que si vous refusez un prélèvement génétique, vous vous exposez à une peine d'un an de prison et 15 000 euros d'amende. Une sanction portée à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende si vous êtes condamné pour un crime, avec en prime la suppression des remises de peine. Mais la justice a parfois donné raison à des personnes qui avaient refusé d'être prélevées, relève Le Monde.

Combien de temps est conservé l'ADN ?

Pour les personnes condamnées, les données sont conservées pendant quarante ans à compter de la condamnation définitive – le prélèvement doit être effectué dans l'année suivante. Les prélèvements ADN pour les personnes décédées, les personnes disparues et les traces inconnues sur une scène d'infraction sont également conservées quarante ans. Elles sont détruites dès la découverte de la personne ou dès l'identification du cadavre. S'agissant des personnes mises en causes, leur empreinte génétique ne peut être conservée au-delà de vingt-cinq ans.

Comment savoir si je figure dans le Fnaeg ?

Si vous avez déjà été placé en garde à vue et qu'un policier ou un gendarme a prélevé votre salive en frottant une sorte de coton tige à l'intérieur de vos joues, vous avez de fortes chances de figurer dans le Fnaeg. De 2002 à 2016, le nombre de personnes fichées est passé de 4 369 à près de 3,5 millions ! Soit autour de 5% de la population française. Votre ADN pourrait aussi se retrouver dans le Fnaeg sans que vous le sachiez puisque le fichier recense également plus de 370 000 traces inconnues, prélevées sur des scènes d'infraction. Cette trace peut ne jamais être reliée à votre nom, à moins que vous ayez maille à partir avec la justice pour un délit ou un crime.

Pour savoir si vous figurez dans le Fnaeg, la loi Informatique et liberté prévoit un droit d'accès au fichier. Il s'exerce auprès du directeur central de la police judiciaire, au ministère de l'Intérieur (l'adresse pour lui envoyer votre courrier est disponible sur le site de la Cnil). Pour faire effacer votre empreinte génétique, parce que vous avez été mis hors de cause dans une affaire par exemple – classement sans suite, relaxe, non-lieu ou acquittement –, il faut écrire au procureur de la République compétent. En cas de refus, vous pouvez introduire un recours devant le juge des libertés et de la détention puis, en cas de nouveau refus, devant le président de la chambre de l'instruction.

Dans quelles affaires a-t-il été utile ?

Plusieurs affaires ont connu un épilogue grâce à un recoupement avec le Fnaeg. Cela a été le cas, tout récemment, dans l'affaire des bébés de Galfingue. La mère de ces quatre nourrissons retrouvés morts en 2003 a été confondue grâce à un prélèvement effectué dans le cadre d'une banale querelle de voisinage.

Le Fnaeg s'est aussi illustré dans l'affaire des disparues de Perpignan. En 2014, une trace ADN prélevée sur la chaussure de l'une des victimes a permis d'identifier un homme : Jacques Rançon. Son empreinte génétique avait été enregistrée à la suite d'une condamnation pour viol et agressions sexuelles. En mars dernier, le sexagénaire a été condamné à la perpétuité.

Le meurtrier d'Élodie Kulik, 24 ans, a également pu être identifié grâce à une correspondance dans le fichier. Cette jeune femme a été violée et tuée dans un bois de la Somme en février 2002. Dix ans plus tard, l'ADN d'un homme emprisonné pour une agression sexuelle sur mineurs a partiellement correspondu à une trace retrouvée sur les lieux du meurtre. Son fils, Grégory Wiart, a finalement été identifié comme étant l'un des auteurs du crime. Et ce alors qu'il s'est tué dans un accident de voiture en 2013.

Autre exemple, l'affaire des disparues de l'A6. En 1996, le corps de l'une des victimes, Christelle Blétry, 20 ans, est retrouvé lardé de 123 coups de couteau à Blanzy. De l'ADN est prélevé sur sa dépouille. Dix-huit ans après, en 2014, cet ADN conservé sur des scellés est intégré au Fnaeg. Il "matche" avec le profil d'un homme, arrêté pour une tentative d'agression sexuelle avec arme sur une autre femme. Pascal Jardin avoue le meurtre de Christelle Blétry. Il a été condamné en février 2017 à la perpétuité.

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