: Récit "Ils étaient venus pour tuer" : à Crépol, le bal du village vire au cauchemar quand Thomas, 16 ans, meurt d'un coup de couteau
L'ambiance était lourde, mercredi 22 novembre, à Romans-sur-Isère (Drôme), où près de 6 000 personnes ont participé à une marche blanche en hommage au jeune Thomas, tué le week-end dernier. L'adolescent de 16 ans a reçu un coup de couteau en marge d'un bal qui a viré au cauchemar, dans le village de Crépol, après une "bagarre d'une violence inouïe", a raconté Marie-Laure Pezant, la porte-parole de la gendarmerie nationale, sur franceinfo.
Invité dans l'émission "C à vous", sur France 5, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a qualifié le drame d'"ignoble" et "inacceptable", évoquant une "faillite générale de notre société". Depuis, neuf personnes ont été interpellées, dont le principal suspect, un homme "âgé de 20 ans", de "nationalité française", a déclaré le procureur de Valence, Laurent de Caigny, dans un communiqué. Il a été "formellement désigné comme auteur du coup de couteau mortel".
Tout avait pourtant bien commencé, samedi 18 novembre, dans ce village de 500 habitants, où 400 personnes sont venues célébrer le bal d'hiver, organisé par le comité d'animation du village. Une soirée, "accessible sur inscription, réservation ou à défaut, après paiement le soir même d'un droit d'entrée", a précisé le procureur de Valence.
"J'entends des cris et des pleurs ensuite"
En tout cas jusqu'à ce qu'un groupe d'une dizaine de jeunes, "extérieurs" au village, et "non-inscrits" à l'événement, fasse irruption, selon le parquet. Certains d'entre eux se voient d'abord refuser l'accès à la soirée par les quatre agents qui assuraient la sécurité de l'événement.
La tension monte et la situation dégénère vers 2 heures du matin, quand le bal se termine : un "incident" oppose alors "un des quatre agents de sécurité" présent sur les lieux à l'un des membres du groupe de jeunes. L'agent reçoit un coup de couteau et plusieurs personnes sortent de la soirée pour lui venir en aide. Une bagarre générale éclate alors à l'extérieur de la salle des fêtes.
Le groupe de jeunes attaque les participants avec "des couteaux et des pavés", témoigne Martine, présente ce soir-là, sur France Bleu. "Ce sont des gens qui sont venus tuer d'autres gens", insiste-t-elle. Une retraitée, qui vit à côté de la salle des fêtes, raconte dans Le Dauphiné libéré que "tout s'est passé très vite".
"Au début, j'ai cru que c'était une attaque terroriste."
Une retraitée, voisine de la salle des fêtesdans "Le Dauphiné libéré"
"Ça dure environ 10 minutes, j'entends des cris, j'entends parler de coups de couteau, et des pleurs ensuite", raconte un autre riverain, réveillé par le bruit en pleine nuit, à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes.
L'une des organisatrices de la fête, Emmanuelle Place, décrit dans Le Parisien une scène d'horreur, "un carnage". Selon son récit, plusieurs personnes ont été poignardées et, alors qu'elle cherche son fils de 17 ans, qui participait à la soirée, elle voit "un blessé sur une chaise à qui on fait un massage cardiaque".
"Je n'arrêtais pas d'appeler les pompiers parce que plus le temps passait, plus on découvrait de nouveaux blessés."
Emmanuelle Place, organisatrice du bal d'hiver de Crépoldans "Le Parisien"
"Dans les toilettes, un autre avait reçu un coup de couteau dans le dos", détaille-t-elle encore dans le quotidien francilien.
"La salle ressemblait à un abattoir"
Une participante assure à BFMTV que les lames des couteaux du groupe de jeunes "étaient au moins de 20 à 25 cm de long. On en a récolté deux, qui ont été données à la gendarmerie". Après leur départ, elle décrit une scène d'horreur : "La salle ressemblait à un abattoir. Tous ceux qui rentraient étaient blessés, on les couchait par terre, comme à la guerre, et on les soignait."
"Ce n'était pas une rixe : ils sont venus pour tuer. Et heureusement qu'il y avait les vigiles qui ont pu les arrêter. S'ils n'avaient pas été là, peut-être qu'on ne serait plus là pour raconter."
Une témoinsur BFMTV
Marie-Laure Pezant, la porte-parole de la gendarmerie nationale, partage cet avis. "Une rixe, ce sont deux groupes de jeunes qui ont décidé de prendre rendez-vous et de s'affronter. Ici, on n'est pas dans cette configuration-là", a-t-elle observé sur franceinfo, deux jours après la soirée cauchemardesque.
Le bilan est très lourd : deux jeunes, âgés de 23 et 28 ans, sont grièvement blessés, dont l'un a reçu un coup de couteau au thorax. Tous deux sont pris en charge en urgence absolue et transportés à l'hôpital de Valence. Six autres victimes sont plus légèrement blessées et huit autres personnes, en état de choc, sont prises en charge par les 39 pompiers envoyés sur place, précise France Bleu.
Le pronostic vital des deux blessés en urgence absolue n'est plus engagé. "Ça va mieux, ils s'en sortent", a assuré Josette Place, une retraitée membre du comité des fêtes, qui se tient au courant de leur état depuis leur hospitalisation, à l'AFP.
"C'était un jeune homme plein de vie"
Mais Thomas n'a pas eu leur chance. "J'étais vers l'entrée et j'ai vu Thomas se faire planter un couteau dans le cœur et dans la gorge", a confié Hugo, 18 ans, dans les colonnes de La Dépêche. Le garçon de 16 ans est transporté en urgence, en hélicoptère, à l'hôpital de Lyon, située à une centaine de kilomètres de là. En vain. L'adolescent est mort durant le trajet.
Le lycéen était en terminale à Romans-sur-Isère, une ville située à une vingtaine de kilomètres de Crépol.
"Il était souriant, n'avait jamais de problèmes. Il réglait les conflits. C'était vraiment quelqu'un de profondément gentil."
Un camarade de lycéesur France 2
Passionné de rugby, Thomas était le capitaine de son équipe junior, le RC Romans Péage. Une quinzaine de jeunes du club ont marché mercredi avec leurs maillots, barrés d'un "Thomas repose en paix".
"C'était un jeune homme plein de vie, très aimé de ses amis", a confié sa mère à Paris-Match. Il n'était autorisé à sortir que depuis récemment, a-t-elle précisé au magazine. "Cet été, on l'avait autorisé à aller à quelques bals de village. Et pour celui de Crépol, il avait hâte. C'est juste à côté de chez nous, et sur les 300 ou 400 participants, il devait connaître 80% des jeunes. Tous les copains de Thomas devaient dormir à la maison... Ça n'est jamais arrivé."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.