Meurtre d'Angélique : la castration chimique obligatoire pour les violeurs empêcherait-elle les récidives ?
Le président des Républicains Laurent Wauquiez a plaidé pour que les "prédateurs sexuels" subissent une "castration chimique". Pour la psychiatre Magali Bodon-Bruzel, interrogée par franceinfo, l'automatisation d'un tel traitement n'est pas réalisable.
"Cela permet de diminuer de manière très importante le risque qu'un violeur récidive." Le président des Républicains (LR) Laurent Wauquiez s'est prononcé dans une interview à 20 minutes, mercredi 2 mai, pour rendre obligatoire la "castration chimique" des "prédateurs sexuels", après le meurtre d'Angélique Six, 13 ans. L'auteur présumé des faits était inscrit au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS), après une condamnation pour viol en 1996. "Cela consiste en une injection de produits, à peu près tous les trois mois, pour diminuer les hormones et les pulsions sexuelles, a martelé Laurent Wauquiez. C'est un traitement réversible."
Franceinfo a interrogé Magali Bodon-Bruzel, psychiatre et chef de pôle à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) et auteure d'un ouvrage sur le sujet, Sex crimes, paru chez Stock.
Franceinfo : Qu'est-ce que la "castration chimique", que propose de rendre obligatoire Laurent Wauquiez pour les violeurs ?
Magali Bodon-Bruzel : D'abord, c'est faux de parler de "castration chimique", puisque c'est un traitement réversible. Les médicaments dont parle Laurent Wauquiez sont des traitements "freinateurs", ou des aides à la maîtrise pulsionnelle. On freine les pulsions sexuelles pendant un moment, puis elles reprennent. C'est un outil qui fait baisser la libido, l'envahissement sexuel et provoque des difficultés, voire une impossibilité, à avoir des érections. L'objectif est de permettre au patient de maîtriser son comportement sexuel. Les médicaments fonctionnent de deux façons : soit cela fait baisser la testostérone, soit cela bloque son action.
Ce type de traitement n'est pas nouveau. Il y a deux molécules en France qui ont l'autorisation de mise sur le marché pour pouvoir être prescrites dans des cas de "déviance" sévère. L'une se donne par injection tous les trois mois, ce qui est efficace puisque le patient a son traitement pendant une période donnée. L'autre se prend avec un ou deux comprimés par jour. Mais là, la prise est moins sûre.
Est-ce que cela aurait un intérêt de rendre ce traitement "obligatoire" pour les violeurs ?
Rendre obligatoire la "castration chimique", c'est rendre obligatoire une modalité de soin, c'est-à-dire un médicament en particulier. Et ça, ça n'existe pas. C'est comme si un juge demandait de prescrire du paracétamol plutôt que de l'aspirine. Un magistrat ordonne un soin, il n'ordonne pas une modalité du soin : c'est au médecin de décider quel médicament sera prescrit. Tous les auteurs d'agressions sexuelles ne répondent pas à ce type de soins. Certains continuent, par exemple, à avoir des érections avec ces traitements. Tous les auteurs de violences sexuelles ne doivent pas suivre ce type de traitement, car chacun réagit de manière individuelle. Les soins médico-psychologiques sont vastes.
Quelle est l'efficacité de ce genre de traitement ?
Ça marche bien, notamment le produit qui se prend par injection. Je suis actuellement deux patients qui ont commis des agressions sexuelles et leurs soins ont été ordonnés par un juge. Ils sont toujours sous traitement et n'ont plus d'intérêt sexuel. Quand on leur demande s'ils veulent arrêter le traitement, ils refusent, parce qu'ils ne veulent plus subir leurs pulsions sexuelles. Pour ces sujets, il n'y a plus d'agression.
Il s'agit de médecine. Ce n'est pas : "Prends le médicament et puis voilà". Il y a tout une prise en charge de psychothérapie. Le plus important pour maîtriser ses comportements sexuels, se sont les freins psychiques que le patient met lui-même en place. Et cela passe par un travail en psychothérapie. C'est un peu comme l'alcoolisme. Les sujets qui arrêtent de boire, ils travaillent et décident de changer de comportement. Dans le cas des auteurs d'agressions sexuelles, il peut arriver d'avoir besoin d'un médicament pour changer son comportement.
Mais si un patient n'exprime ni d'empathie, ni de remords pour la victime, et ne reconnaît pas la gravité de son acte, on suppose que peu de freins psychologiques ont été mis en place et là il faut poursuivre le traitement.
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