Seine-Saint-Denis : ce que l'on sait des fusillades mortelles à Sevran

La piste d'un règlement de comptes est une "hypothèse de travail" dans la première affaire tandis qu'elle est "privilégiée" pour la seconde, selon le parquet de Bobigny. Les tireurs sont toujours en fuite et recherchés.
Article rédigé par franceinfo
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Un gendarme sécurise l'endroit où deux hommes ont été tués lors d'une fusillade à Sevran (Seine-Saint-Denis), le 5 mai 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Trois morts et sept blessés en moins de quarante-huit heures. Deux fusillades mortelles sont survenues à Sevran (Seine-Saint-Denis), les vendredi 3 et dimanche 5 mai, sur fond de trafic de stupéfiants, mais sans qu'aucun lien ne soit pour autant établi entre les deux affaires. Alors que la traque des suspects se poursuit, mardi 7 mai, franceinfo résume ce que l'on sait des victimes et des circonstances dans lesquelles ces coups de feu ont été tirés.

Une première fusillade vendredi soir

C'est un passant qui a donné l'alerte. Vendredi 3 mai, à 23h50, les policiers du commissariat de Sevran sont intervenus pour une fusillade dans le quartier des Beaudottes, lieu emblématique de cette ville de 52 000 habitants, située en Seine-Saint-Denis. Les fonctionnaires ont découvert "cinq individus", "nés entre 1990 et 2001", donc "tous majeurs", qui présentent "diverses blessures occasionnées par l'usage d'une arme à feu", d'après Eric Mathais, le procureur de Bobigny. Une trentaine de munitions de calibre 7,62, "compatibles avec l'usage d'un fusil d'assaut AK 57", ont été retrouvées sur place, selon le parquet.

L'un des jeunes hommes, âgé de 28 ans, "atteint de deux projectiles", a rapidement succombé à ses blessures. Quatre autres victimes, dont le pronostic vital était dans un premier temps engagé, sont "à ce jour dans un état de santé stabilisé", précise Eric Mathais. Le procureur de la République explique que vingt minutes après l'intervention des policiers, trois autres victimes de la fusillade se sont présentées à l'hôpital. L'une d'elles est repartie avant d'être examinée. Ce qui porte le bilan de ces coups de feu à un mort et sept blessés.

Une enquête, ouverte pour homicide volontaire en bande organisée et tentatives d'homicides volontaires en bande organisée, a été confiée à la brigade criminelle. D'après les premiers témoignages recueillis, "un individu cagoulé" est descendu d'une voiture, conduite par une autre personne, "avant de faire feu sur les personnes présentes sur le parking". Les investigations se poursuivent sous la direction du parquet de Bobigny.

Des tirs dans un autre quartier dimanche

Moins de quarante-huit heures après, un double homicide est survenu au cœur d'un autre quartier, la Cité basse, d'après Eric Mathais. Les tirs sont signalés vers 18h15 dimanche. Sur place, à un kilomètre et demi de la première fusillade, les policiers découvrent deux individus blessés par arme à feu. L'un d'eux présente "deux impacts, dont un au niveau de la tête", et l'autre "six impacts répartis sur l'ensemble du corps", détaille le procureur de la République, qui précise que les victimes sont mortes rapidement. Ils étaient âgées de 35 et 31 ans, selon le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez.

D'après les premiers témoignages, "un seul individu au visage masqué" est "arrivé et reparti à pied après avoir fait feu sur deux victimes ciblées". Le suspect a laissé un chargeur d'arme automatique et 18 douilles à proximité des victimes, selon le parquet. La brigade criminelle et la police judiciaire de Seine-Saint-Denis sont chargés de l'enquête ouverte pour assassinat.

La scène du crime a rapidement attiré les riverains par dizaines, observant à distance les forces de l'ordre travailler autour des corps recouverts de draps blancs.

Des habitants de Sevran (Seine-Saint-Denis) derrière le cordon de sécurité des forces de l'ordre après une fusillade, le 5 mai 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

"Il y a des jeux d'enfants juste à côté, on est au milieu de la cité. Il était 18 heures. S'il y avait eu une belle journée ensoleillée, il y aurait eu plus de monde dehors. Il y a un gros sentiment de crainte, de peur d'une balle perdue et que ça recommence", a réagi Stéphane Blanchet, le maire de Sevran, auprès de l'AFP.

Deux probables règlements de comptes

Pour l'instant, aucun lien ne peut être fait entre les deux fusillades, affirme le procureur de Bobigny. En ce qui concerne la première fusillade, "un mobile en lien avec un règlement de comptes lié au narco-banditisme reste au stade d'une hypothèse de travail", prévient le procureur, qui souligne qu'"aucune des victimes ne présente d'antécédents de cette nature". En revanche, le magistrat est plus formel au sujet de la seconde fusillade : "L'hypothèse d'un règlement de comptes en lien avec le narco-trafic est privilégiée."

"On a de bonnes raisons de penser que les faits de ce soir ne sont pas complètement étrangers au trafic de stupéfiants."

Laurent Nuñez, préfet de police de Paris

sur les lieux de la fusillade

Après Marseille, la ville de Sevran avait fait l'objet le 25 mars d'une opération antidrogue dite "place nette XXL", comme celles qu'ont mené les forces de l'ordre depuis plusieurs semaines afin de porter un coup d'arrêt aux trafics. Le point de deal de la cité Rougemont avait été "éradiqué", selon la préfecture de police de Paris. "On a conscience que quand on fait ça, on déstabilise le trafic, on crée des convoitises et parfois il y a des affrontements pour récupérer des territoires", a ajouté Laurent Nuñez.

De son côté, le maire de Sevran a également pointé, sur franceinfo, "les conséquences" du trafic de drogue, "d'une économie du crime". Selon lui, la présence policière "est réelle et massive" dans sa ville, mais "il faut faire encore davantage, taper, taper très fort". "Ce n'est pas le Far West, c'est une ville qui a besoin que l'Etat mette les moyens", explique-t-il. "Il y a une inégalité territoriale qui est absolument injuste. Il n'y a pas de commissariat de plein exercice dans notre commune depuis 30 ans", dénonce-t-il.

A l'instar du maire de Sevran, la députée insoumise Clémentine Autain, élue de la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis, réclame "un commissariat de plein exercice". "Pour une ville de plus de 50 000 habitants, il est insensé que nous n'ayons pas, comme les autres, les prérogatives et les moyens dont nous devrions bénéficier, conformément aux principes républicains", a-t-elle écrit dans un communiqué sur le réseau social X. Comme les "habitants des quartiers populaires", "je voudrais que tout cela cesse", ajoute-t-elle.

Un commissariat de plein exercice à Sevran "ne changera rien", a rétorqué Julien Schenardi, secrétaire du syndicat Alliance Police en Ile-de-France, au micro de franceinfo. Selon lui, le fonctionnement actuel est efficace, avec "des commissariats qui peuvent protéger différentes villes". Il soutient qu'il faut plutôt mettre les moyens "en matière d'effectifs" policiers et "avoir une réponse judiciaire ferme".

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