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Mort de l'ancien ministre Robert Boulin : "Le juge d'instruction, aujourd'hui, a les noms des deux commanditaires", affirme l'écrivaine Sylvie Matton

Elle dénonce sur franceinfo le "maquillage de crime en suicide et d'une omerta qui perdure depuis des décennies". 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sylvie Matton en 2017.  (PHILIPPE JUSTE / MAXPPP)

Sylvie Matton, écrivaine, auteure de Un homme à abattre - contre-enquête sur la mort de Robert Boulin aux éditions Fayard (2007), a affirmé dimanche 6 décembre sur franceinfo que "le juge d'instruction, aujourd'hui, a les noms des deux commanditaires", qui sont derrière la mort Robert Boulin, l’ancien ministre gaulliste. La thèse du suicide de l'ancien ministre de Valéry Giscard d’Estaing n'est plus la version officielle. Un rapport d'expertise médico-légale établit en effet qu'il est impossible de s'en tenir à cette thèse.

franceinfo : Arrive-t-on à l’épilogue de l’affaire Boulin ?

Sylvie Matton : C’est l'affaire d'un maquillage de crime en suicide et d'une omerta qui perdure depuis des décennies. Il y a tout de même énormément de personnes qui sont informées de la vérité et qui continuent à maquiller ce crime en suicide. Donc, les nouveaux éléments sont que le juge d'instruction qui a été nommé il y a quelque temps a finalement fait faire une contre-expertise à la demande de Fabienne Boulin, fille de Robert Boulin, et de son avocate Marie Dosé. Une contre-expertise par quatre médecins légistes se référant aux deux premières expertises médico-légales, puisqu'il y en a eu une en 1979, à la suite de la mort de Robert Boulin, qui était un leurre absolu. Ce fut quelque chose de tragicomique dans la mesure où les médecins légistes ont été stoppés dans leur travail par le procureur de Versailles, qui leur a interdit d'étudier le visage et la tête de Robert Boulin, de procéder à ce qui, logiquement, devait être fait. Des poumons étaient dans des bocaux, la langue, le larynx, des éléments extrêmement importants qui devaient être étudiés et ces bocaux ont disparu mystérieusement d'un réfrigérateur de l'Institut médico-légal sans effraction.

La deuxième expertise a lieu dans les années 80. On sait qu'un procureur a menti puisqu'il dit que Robert Boulin est tombé sur la margelle en pierre pour expliquer un coup sur le visage. Sauf qu’il n’y a pas de margelle en pierre où il a été retrouvé.

Je peux vous l'affirmer puisque j'étais présente lors de la reconstitution civile qui a eu lieu il y a un an. J'ai été convié par la famille à les accompagner, ainsi que quelques journalistes qui suivent cette affaire depuis longtemps et nous avons pu faire cette reconstitution. Et bien entendu, nous n’avons vu qu’un étang très peu profond, sans margelle de pierre, en état vaseux. Cet homme a sans doute été torturé et peut-être noyé dans une salle de bain. En tout cas, il a reçu énormément de coups parce que la fracture qui a été détectée lors de la seconde autopsie est forcément la conséquence d'un coup porté à la face. Puisque Robert Boulin ne s'est pas suicidé, c'est prouvé aujourd'hui, puisqu'il n'est pas mort accidentellement dans de telles violences, c'est une lapalissade, c'est donc effectivement un assassinat. Et ceux qui vont continuer aujourd'hui encore à affirmer que Robert Boulin s'est suicidé ont sans doute des raisons de le faire. Et c'est cela qui est intéressant aujourd'hui. Ils révèlent leur complicité dans le maquillage du crime en suicide.

Qui est derrière cette mort, vous avez une idée ?

Oui, j’ai plus qu’une idée et nous sommes nombreux à avoir une idée. Je ne peux certainement pas le dire. Je pourrais le dire parce qu'ils sont morts et qu'il n'y a pas de diffamation dans la loi française à l'encontre d'un mort. Mais ce n'est certainement pas à moi de le dire.

Vous écrivez dans votre tribune parue dans L'Obs il y a quelques jours que Robert Boulin allait dénoncer des malversations au RPR.

Oui, absolument. Il avait sorti de son bureau le jour de sa mort, le 29 octobre 1972, des dossiers du coffre de son bureau qui ont tous à voir effectivement avec les mannes financières, qui seront découvertes plus tard, Elf, la Françafrique, l'Arabie saoudite, etc. Il fallait le faire taire. Dans toute l'histoire, on trouve des exemples de personnes qui ont été assassinées sans que l'ordre de l'assassinat ait été donné. Il suffit que le responsable prononce des mots tels que "il ne faut surtout pas qu'il parle", "Il faut l’empêcher de parler", "il faut qu'il se taise" pour que derrière, il y ait des bras armés. Alors il est certain qu'à l'époque, il y avait le Sac (Service d'action civique) qui avait tous les bras armés qu'il fallait pour mener à bien cette opération de liquidation.

Connaîtra-t-on un jour la vérité ?

L'ancien ministre Guy Charbonnel, qui est mort, avait déposé dans un coffre les deux noms sur un papier. Sa veuve a été entendue par le juge. Le juge d'instruction, aujourd'hui, a les noms des deux commanditaires. Laetitia Sanguinetti (fille d'Alexandre Sanguinetti, co-fondateur du Sac) demande à être entendue par un juge depuis des années, car son père lui avait raconté toute l'affaire. Elle sait tout ce qui s'est passé. Elle connaît les commanditaires, les bras armés. Elle sait tout.

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