Pédocriminalité : "On ne peut pas établir de lien systématique entre le fait d'avoir été victime et d'être auteur", assure la présidente de l'Inirr

Le journal "Le Parisien" a révélé qu'un pédocriminel, agressé sexuellement dans son enfance, a touché 60 000 euros de la part de l'Inir, l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation dans l'Eglise. La présidente conteste tout "effet miroir" dans cette décision.
Article rédigé par franceinfo
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La présidente de l'Autorité nationale indépendante pour la reconnaissance et la réparation (Inirr) de l'église française Marie Derain de Vaucresson donne une conférence de presse à Paris le 24 février 2022. (ALAIN JOCARD / AFP)

Un pédocriminel agressé sexuellement par un prêtre durant son enfance a reçu 60 000 euros de la part de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) dans l'Église. L'avocat du pédocriminel a déclaré dans les colonnes du journal Le Parisien, lundi 15 juillet, que l'Inirr a reconnu "l'effet miroir" dans la vie tourmentée de son client. À comprendre qu'il aurait commis des violences sexuelles parce qu'il en a été victime durant son enfance. "L'effet miroir n'est pas une notion abordée par l'Inirr", conteste Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Inirr, contactée par France Inter lundi.

Jean-Yves Schmitt a été agressé sexuellement par un prêtre, Félix Hutin, entre l'âge de 12 et 15 ans dans un lycée de Bourg-en-Bresse, durant les années 1960. Il a ensuite été condamné cinq fois pour pédocriminalité, dont une condamnation à 10 ans d'emprisonnement en 2004. Aujourd'hui, il est suivi, à ses frais, par un psychiatre, souligne son avocat.

Une indemnisation justifiée par "des faits graves et qui ont duré un certain temps"

"L'Inirr n'intervient que pour les personnes victimes au sein de l'Église durant leur enfance, et ce sont uniquement ceux-là qui ont été pris en compte", souligne Marie Derain de Vaucresson. La présidente de cette instance, qui a indemnisé 679 personnes depuis mars 2022 (chiffre arrêté au 12 juillet 2024), précise que l'Inirr "regarde forcément l'intégralité de la vie des personnes et le parcours de vie des personnes. Mais d'une part, l'effet miroir est une notion qui n'a absolument pas été abordée par l'Inirr et d'autre part, on ne peut pas établir de lien systématique entre le fait d'avoir été victime et d'être auteur", insiste-t-elle.

Marie Derain de Vaucresson souhaite aussi rappeler qu'on ne peut pas prendre ce critère en compte, tout simplement parce que "la plupart des enfants qui ont été agressés dans leur enfance (...) ne deviennent pas des agresseurs". Pour le cas bien précis de Jean-Yves Schmitt, aujourd'hui âgé de 73 ans, il a reçu 60 000 euros de la part de l'Inirr parce qu'il "a été victime dans son enfance et son adolescence, et c'est justifié aussi par le fait que ce soient des faits graves et qui ont duré un certain temps", explique la présidente de l'instance. Dans le courrier qui explique sa décision, que France Inter a pu consulter, l'Inirr ne fait aucune mention de "l'effet miroir".

"Des choses graves au sein de l'Eglise pendant de très nombreuses années"

Contacté par France Inter, l'avocat de Jean-Yves Schmitt maintient sa version : c'est la première fois que l'Église "reconnaît qu'un abusé par un prêtre devient un abuseur du fait du comportement du prêtre sur l'adolescent qu'il était", affirme Me Emmanuel Ludot. Ce dernier se dit "reconnaissant devant la volonté financière" de l'Église et que cette dernière reconnaît "qu'il y a eu des choses graves qui se sont passées et au sein de l'Église pendant de très nombreuses années".

L'avocat a un regard bien plus critique sur la justice française "quand elle a poursuivi et puni son client". Une justice qui "ne s'est pas intéressée à ce qu'il était réellement et quelle était la cause de son comportement de l'abuseur". Les 60 000 euros d'indemnisation ne vont "pas forcément le rendre plus heureux", note Me Emmanuel Ludot. Son client a "tout perdu" : son épouse est partie "depuis fort longtemps, ses enfants ont rompu tout lien affectif, (...) il a appris qu'il était grand-père, il ne verra jamais ses petits-enfants".

Depuis mars 2022, 1 453 personnes ont saisi l'Inirr (chiffre arrêté au 12 juillet 2024), 969 personnes ont été ou sont accompagnées par l'Inirr dont 679 (70%) ont reçu une réparation financière allant de 9 000 à 60 000 euros.

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