Au cœur du trafic de faux papiers d'identité
Sur les réseaux sociaux, des dizaines de comptes anonymes, motivés par l’appât du gain, proposent permis de conduire, passeports, visas et autres documents administratifs. En quelques clics, nous avons pu entrer en contact avec l’un des vendeurs qui se présente comme “le meilleur de France" : "Pour une vraie carte, ça vous coûtera 800 euros. Le moyen de paiement est par cryptomonnaie, en Bitcoin. C’est facile et rapide".
Et 72 heures plus tard, nouveau message du vendeur : “Ta carte est déjà produite. Je vais t'envoyer une vidéo, tu vas voir”
Le trafiquant m’envoie la vidéo de ma carte d’identité. Pour me prouver que celle-ci ressemble à s'y méprendre à une carte officielle. Nous interrompons la discussion. Et mettons fin à la transaction car ceci est illégal. En effet, la fabrication ou l'usage d'une fausse carte d'identité est un délit, qui peut coûter jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Pourtant, le recours aux faux papiers est une pratique de plus en plus répandue selon les services de police. Et notamment chez les mineurs, très présents sur les réseaux sociaux. Comme en témoignent ces élèves de seconde croisés devant un lycée parisien : “J’en ai fait une, oui, ça m'est arrivé, pour acheter une bouteille avant une soirée. Pour du tabac ou des cigarettes électroniques".
Certains nous montrent sur leur téléphone la facilité avec laquelle ils ont obtenu leur fausse pièce d'identité en ligne. De leur propre aveu, il y a plusieurs prix pour une fausse carte :100, 300 euros.
Le trafic de fausses pièces d’identité prospère en ligne. Mais pas seulement. Direction Barbès à Paris, quartier surnommé “Capitale des vendeurs à la sauvette” par la police. Ici, en pleine rue, s’organise un marché clandestin à ciel ouvert.
Il nous suffit de quelques minutes seulement pour établir un premier contact. Le vendeur affirme : “Je peux te le faire moi avec mon ami. Tu veux une carte française ? Belge ? Tu veux la résidence ou la carte de nationalité ? Il y a des cartes à 200, 250, 350 euros mais la meilleure, c’est la carte à 1200 euros." A ce tarif-là, le vendeur m’assure que la carte sera enregistrée officiellement en préfecture. En utilisant un vrai nom, déjà existant. Et il nous explique comment cela est possible : “Ma mère est française. Je te donne le nom de ma mère et avec la date de naissance, tu fais la carte sur le nom de ma mère avec ta photo. Et là, même s'ils [la police] contrôlent, ils vont savoir que tu existes ici en France.”
L’homme nous demande un acompte de 600 euros et nous promet une carte sous 24 heures. Nous ne donnons pas suite, évidemment.
Utiliser les nom, prénom et données d’un tiers, à son insu pour produire de faux papiers. Cette technique d’usurpation d’identité représenterait aujourd’hui à elle seule 11% des documents frauduleux saisis par la police.
La Division de l’Expertise en Fraude Documentaire et à l’Identité (DEFDI) est chargée de détecter les papiers contrefaits en circulation sur le territoire français. Pour le commandant, Jean-Rodoph Monet, la tâche n’est pas toujours facile, au premier regard : “Les cartes d'identité sont des documents qui peuvent être facilement pris pour des documents authentiques. Ce type de document circule beaucoup.”
Depuis deux ans, une nouvelle carte d’identité française remplace progressivement l’ancien modèle. Réputée infalsifiable, elle pourrait pourtant déjà avoir certaines failles : “Les faussaires s’adaptent aux documents proposés par les Etats. On a des outils qui ont évolué et plus facilement accessibles aux officines de faux documents. Il y a un véritable enjeu à surveiller ce type d’activité sur Internet.”, affirme Jean-Rodolph Monet.
Le 5 juin dernier, un réseau a été démantelé. Plusieurs personnes ont été arrêtées, soupçonnées d’avoir fourni des centaines de faux papiers. La filière aurait notamment bénéficié du soutien d’agents de Préfectures en région parisienne.
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