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Course-poursuite mortelle à Paris : les policiers ont-ils le droit de réquisitionner des véhicules ?

Un conducteur qui refusait de s'arrêter a été tué dans une course-poursuite, dans la nuit de mardi à mercredi, à Paris. Le policier a réquisitionné un véhicule dans ce cadre. Selon son avocat, la loi le lui permettait. Un avis qui fait débat.

Article rédigé par franceinfo - Mahaut Landaz
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un homme a été tué par un policier, dans la nuit de mardi à mercredi 15 août 2018, à l'issue d'une course-poursuite où le gardien de la paix a réquisitionné un scooter et son conducteur.  (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

La procédure a-t-elle été respectée ? Un automobiliste de 26 ans a été abattu par un gardien de la paix après une course-poursuite dans le centre de Paris, dans la nuit du mardi 14 au mercredi 15 août. Il était 23 heures, boulevard Sébastopol, comme l'a confirmé la préfecture à Libération, lorsqu'un conducteur a refusé de se soumettre à un contrôle de police et s'est enfui. Le gardien de la paix a alors réquisitionné un scooter et son conducteur pour le poursuivre. Si la scène n'est pas rare dans les films, ce cas de figure est-il prévu par la loi ? 

Interrogé par franceinfo, l'avocat Thierry Vallat est formel : la réponse est non. "Le Code de procédure pénale ne prévoit pas de réquisition de véhicules", avance l'avocat pénaliste. Son article 60, qui encadre la réquisition, ne concerne pas les véhicules, explique-t-il. "Les policiers peuvent, dans ce cadre, réquisitionner un serrurier par exemple, ou bien ordonner à un témoin d'un délit de rester sur place", précise-t-il. Mais pas de réquisitionner un véhicule. 

"On peut réquisitionner les personnes"

Au Parisien, Jérôme Moisant, secrétaire national d'Unité SGP-FO, livre pourtant une autre interprétation de la loi. "On peut réquisitionner les personnes et les moyens matériels nécessaires à notre mission", assure-t-il. Franck-Laurent Liénard, l'avocat du policier, est sur la même longueur d'onde. Évoquant une "jurisprudence vieille d'un siècle", il affirme, dans un autre article du quotidien, que la police peut recourir à des "collaborateurs occasionnels du service public". 

Pour Thierry Vallat, il s'agit d'une extrapolation du texte de loi. "Contrairement à ce que dit Me Liénard, pour moi cela reste une sollicitation, une demande, à charge pour le propriétaire de dire oui ou non. Mais il est libre de refuser, surtout si ça met sa vie en péril", poursuit-il. Un avis partagé par une source policière citée par l'Agence France Presse : "Juridiquement, il s'agit d'une demande et non d'une réquisition, donc il est possible de refuser." 

On n'est pas du tout dans le cas d'un refus d'obtempérer. C'est à vous de choisir si vous voulez aider la police ou si vous ne voulez pas mettre votre vie en danger.

Thierry Vallat, avocat

à franceinfo

Le syndicaliste d'Unité SGP-FO défend, dans Le Parisien, l'existence d'un droit de réquisition : selon lui, la carte de police est aussi appelée "carte de réquisition" et il y est inscrit que "le titulaire de la présente carte est autorisé à requérir pour les besoins du service l'assistance de la force publique". Mais cette carte n'a aucune valeur juridique, assure Thierry Vallat : "Carte de réquisition, c'est leur jargon." Quant à "l'assistance de la force publique", elle n'englobe pas les "conducteur civils, mais les collègues des forces de l'ordre", souligne l'avocat.

Certains syndicats parlent de réquisition, d'autres sont plus mesurés. Cela gagnerait à être précisé dans les textes.

Thierry Vallat, avocat

à franceinfo

Le syndicaliste policier Jérôme Moisant explique encore au Parisien que le policier doit "remplir plusieurs étapes" avant de "réquisitionner". Il doit notamment prévenir sa hiérarchie, qui alertera des patrouilles, et être en lien avec elle par radio. C'est ce qu'aurait fait le policier, mardi, mais il n'a pas entendu les messages de la salle de commandement, a indiqué son avocat à franceinfo. 

Le gardien de la paix a été mis en examen jeudi 16 août pour "violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort, sans intention de la donner". 

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