Maintien de l'ordre : "Le Conseil d'Etat a fait prévaloir la liberté de manifester, la liberté d'information, sur les demandes des forces de police", selon l'avocat du SNJ et de la LDH
Le Conseil d'Etat juge illégale l'utilisation par les forces de l'ordre de la technique des "nasses" et la dispersion des journalistes en fin de manifestation.
Le Conseil d'Etat a annulé, ce jeudi 10 juin, plusieurs dispositions phares du schéma national du maintien de l'ordre, dont l'emploi de la technique de "la nasse", et l'obligation faite aux journalistes de quitter les lieux lors de la dispersion des manifestations. L'avocat Patrice Spinosi, spécialiste des libertés publiques, avocat du Syndicat national des journalistes (SNJ) et de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), invité de franceinfo jeudi, estime que "le Conseil d'Etat a fait prévaloir la liberté de manifester, la liberté d'information, sur les demandes des forces de police".
Selon Me Spinosi, qui avait saisi le Conseil d'Etat avec d'autres avocats, le gouvernement "vient de subir une grave défaite aujourd'hui". Il ne pense pas que la décision soit "remise en cause" par l'exécutif.
franceinfo : Est-ce que la décision du Conseil d'Etat vous satisfait ?
Me Patrice Spinosi : Nous sommes pleinement satisfaits, d'autant que cette décision a été acquise de haute lutte. Il n'était pas du tout acquis que ce schéma soit annulé. C'est une vraie victoire et la démonstration que le Conseil d'Etat a fait prévaloir la liberté, la liberté de manifester, la liberté d'information, sur les demandes des forces de police. C'est une vraie grande décision qui a été rendue par le Conseil d'Etat.
Quel est le message lancé par la juridiction ?
C'est un avertissement. Les juges disent aux politiques : 'ne cédez pas à la surenchère sécuritaire'. Prenez en considération les libertés qui doivent être garanties à l'ensemble des citoyens, et en particulier s'agissant des questions de manifestations. Le peuple a le droit de manifester. Evidemment certaines manifestations avaient dérapées. Mais la réponse sécuritaire, la réponse répressive, n'est pas forcément la bonne réponse. Et c'est ce que disent les juges au gouvernement.
Qu'est-ce que cela va changer pour les manifestants ?
Il va y avoir un changement immédiat. La technique de la nasse, qui était extrêmement utilisée ces dernières années, si elle n'est pas remise en cause dans son principe, elle ne sera plus susceptible d'être utilisée de façon aussi généralisée et habituelle. Elle ne sera susceptible de pouvoir être envisagée qu'à partir du moment où il y aura une justification particulière à cette technique. En pratique, elle va quasiment disparaître des manifestations. Aujourd'hui, il est de plus en plus difficile d'aller dans une manifestation. Il y a un climat sécuritaire qui est de plus en plus important. La décision du Conseil d'Etat va aider à retrouver une certaine confiance pour les personnes qui vont aller manifester, ou en tous cas à être moins inquiets.
Le gouvernement promet des modifications après cette décision du Conseil d'Etat. Est-ce que vous ne craignez pas que ces mesures fassent leur retour ?
Cela va être compliqué. C'est normal que le gouvernement joue sa partie. Il vient de subir une grave défaite. Il essaie de faire bonne figure en disant, nous allons reprendre un nouveau texte. Mais cela va être compliqué. Ce qu'a dit le Conseil d'Etat, si on prend l'exemple de la nasse, c'est que celle-ci n'est pas possible, sauf dans des conditions exceptionnelles. Et la seule chose que pourrait faire le gouvernement, c'est de reprendre cette décision, et dire effectivement, on ne peut nasser que dans des conditions exceptionnelles. Mais il n'est pas prêt à le faire et il veut pouvoir nasser librement. Je ne suis pas sûr que cette décision du Conseil d'Etat soit si facilement susceptible d'être remise en cause par le gouvernement malgré ses efforts.
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