Nanterre : ce que l'on sait de la mort d'un adolescent de 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier
Nahel M., 17 ans, a été tué, mardi 27 juin, à Nanterre (Hauts-de-Seine), par un policier qui a fait usage de son arme lors d'un contrôle routier. Les faits ont eu lieu vers 8h30, près de la station de RER Nanterre-Préfecture, aux abords de la place Nelson-Mandela.
Le parquet a ouvert deux enquêtes, l'une pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, l'autre pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique.
La deuxième a été confiée à l'IGPN, la police des polices, et un policier a été placé en garde à vue pour "homicide volontaire", a annoncé le parquet dans un communiqué. Voici ce que l'on sait des circonstances de la mort de cet adolescent.
La scène a été filmée
Selon les premiers éléments de l'enquête communiqués par le parquet de Nanterre à France Télévisions, trois personnes se trouvaient dans le véhicule, une Mercedes AMG, au moment du contrôle effectué par deux policiers circulant à moto. L'un des deux passagers, également mineur, a été interpellé et placé en garde-à-vue, avant d'être relâché. L'autre est en fuite, a fait savoir le parquet de Nanterre.
Une vidéo diffusée sur Twitter par un témoin, et authentifiée par France Télévisions, montre ces deux fonctionnaires de police contrôler une voiture jaune à hauteur du passage François-Arago à Nanterre. L'un d'entre eux, debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le conducteur redémarre, le policier tire à bout portant depuis le côté du véhicule. Un deuxième plan montre la voiture encastrée dans un poteau, quelques dizaines de mètres plus loin.
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— Ohana (@Ohana_Fgn) June 27, 2023
Dans une première version, des policiers ont affirmé que le conducteur avait foncé sur le motard armé. Ils ont ensuite déclaré qu'il avait seulement accéléré après s'être arrêté à la vue des fonctionnaires de police, a appris franceinfo de source policière.
Une première enquête, confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, a été ouverte pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique, a précisé le parquet. Une autre, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique, a été confiée à l'IGPN, la police des polices. "Un des policiers est actuellement en garde à vue pour homicide volontaire", a déclaré le parquet dans un communiqué. "Les opérations de dépistage d'alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants ont été réalisées et se sont avérées négatives", a-t-il ajouté.
La famille de la victime va porter plainte
La victime, touchée au thorax, est morte peu de temps après avoir été blessée, malgré l'intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place. Son décès a été constaté à 9h15 à la suite d'"au moins une blessure par arme à feu", précise le parquet de Nanterre. Sa famille va déposer plainte pour "homicide volontaire" contre le policier auteur du tir et pour "complicité" contre le second fonctionnaire, ont annoncé ses avocats à franceinfo. Les proches de Nahel M. veulent également porter plainte pour "faux en écriture publique", car ils estiment que les policiers ont menti en affirmant que le conducteur leur avait foncé dessus.
Selon les avocats de la famille, l'automobiliste âgé de 17 ans était connu des services de la justice pour des délits routiers. Il avait été déféré au parquet de Nanterre le week-end précédant les faits pour refus d'obtempérer, sans être présenté à un juge pour enfants, a appris franceinfo de source judiciaire. Il avait été déjà mis en cause pour un autre refus d'obtempérer, en 2022.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a précisé sur BFMTV que le fonctionnaire de police auteur du tir était "âgé de 38 ans" et était "lui-même très choqué par ce drame". Ses "états de service n'appellent pas d'observation", a-t-il ajouté, se disant toutefois "interpellé par ce geste".
La gauche monte au créneau
Le drame a provoqué de vives réactions à gauche, où de nombreux responsables politiques ont relayé la vidéo d'un témoin de la scène. "Oui, un refus d'obtempérer, c'est contraire à la loi, mais la mort ne fait pas partie des sanctions prévues par le Code pénal", a ainsi réagi Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, sur Twitter. "Un refus d'obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort. Pour personne. Jamais", a appuyé la députée écologiste Sandrine Rousseau.
Un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort. Pour personne. Jamais. #Nanterre https://t.co/a4pnU8ewz4
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) June 27, 2023
"Le refus d'obtempérer ne donne pas de permis de tuer. Ce n'est pas une question d'électorat, mais d'humanité et de respect de l'Etat de droit !", a également écrit Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, sur Twitter.
L'exécutif s'emeut aussi du drame
Au lendemain du drame, Emmanuel Macron a réagi lors d'un déplacement à Marseille, en exprimant son "émotion" et son "affection pour Nahel et sa famille". "Rien ne justifie la mort d'un jeune", a déclaré le chef de l'Etat. "Nous avons un adolescent qui a été tué, c'est inexplicable, inexcusable." Et le président d'appeler à ce que la justice "fasse son travail avec évidemment célérité et dans le calme".
"Si les images se confirment, à aucun moment un geste comme celui qu'on a vu ne se justifie", a de son côté commenté Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, appelant toutefois au "respect de la présomption d'innocence" du policier placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête de l'IGPN.
Des heurts éclatent dans la nuit
Des violences ont éclaté dans la soirée et une partie de la nuit de mardi à mercredi à Nanterre, après la mort de l'adolescent. Vingt-quatre personnes ont été interpellées, a appris franceinfo auprès de la préfecture de police de Paris. La préfecture des Hauts-de-Seine a fait état de "mouvements sporadiques" dans plusieurs quartiers, ajoutant que des "évènements" se poursuivaient, même si leur intensité baissait.
De nombreux feux ont été observés dans les rues de la cité Pablo Picasso à Nanterre, où une voiture a brûlé. Les forces de l'ordre ont tenté de disperser de petits groupes d'émeutiers avec des gaz lacrymogènes. Un incendie s'est déclaré dans une école de musique, et des feux ont été allumés le long des rails du RER A entre Nanterre et Rueil-Malmaison. Plusieurs voitures ont été incendiées ainsi que des poubelles, et des abribus ont été détruits.
La préfecture de police assurait que la situation était "contenue" peu avant minuit, mais les tensions se sont poursuivies, se propageant dans d'autres communes de la région parisienne. La préfecture a fait état "d'incidents très sporadiques" à Asnières, Colombes, Suresnes, Clichy-sous-Bois et Mantes-la-Jolie.
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