Seine-Maritime : à l'école de police de Oissel, les élèves deviennent manifestants face aux CRS, le temps d'un exercice
Alors qu'une marche pour les libertés est prévue vendredi dans les rues de Paris, un exercice grandeur nature a été organisé par la police nationale près de Rouen.
Ils sont un peu plus de 200 policiers au garde à vous sur la place d'arme de l'école de police nationale de Oissel, près de Rouen. "Bonjour à tous et bienvenue", lance le commissaire Olivier Bagousse, au centre. Le commissaire, à la tête des opérations, entame le briefing. "Aujourd'hui, on est un samedi sur Paris, il y a une manifestation anti-police, qui pourrait ressembler à celle à laquelle on aura affaire le 12 juin prochain, qui est malgré tout autorisée, poursuit-il. Par conséquent, votre job sera de l'encadrer parce qu'en son sein, on a des éléments potentiellement à risque. D'ailleurs, la plupart des participants ne sont pas des amis de la police donc attendez-vous à des surprises d'un peu partout. C'est parti !"
Les forces de l'ordre se déploient : des équipes de CRS, de compagnie d'intervention de la préfecture de police de Paris, et des BRAV-M, les brigades de répression de l'action violente, qui évoluent à moto. Face à eux, une centaine d'élèves policiers jouent les manifestants, un peu timides au début. "Allez, faut que ça braille", hurle un chef d'opération. Le cortège s'élance avec les premiers incidents. "Mettez les casques !" Quelques mètres plus loin, une dizaine d'individus très remontés, certains cagoulés, se placent en tête de cortège.
Intervenir ou attendre
"Là ça commence à sentir la bataille..." Les CRS encerclent le groupe mais sans intervenir. Ce n'est pas le moment. "C'est une question de curseur et d'équilibre, explique le commissaire Olivier Bagousse. Est-ce que notre action va créer un trouble supérieur au trouble qui existe déjà ? Si c'est le cas, ça ne vaut peut-être pas le coup, en revanche s'il y a un crime ou un délit flagrant, bien entendu on va intervenir sans délai."
Et c'est le cas quelques secondes plus tard : les manifestants sortent un fumigène. Le commissaire Bagousse ordonne leur interpellation. "Là oui, il y a quand même eu une bagarre avec les forces de l'ordre, il y a des rébellions, des outrages, la plupart d'entre-eux ont sur eux la panoplie du parfait manifestant, on considère que ce sont des 'proto' black blocs, justifie-t-il. Et donc on va intervenir immédiatement pour éviter que ce black bloc soit constitué en unité tellement dense qu'ensuite, ça va être difficile de les aborder."
"Par conséquent, on fait du travail aussi presque préventif en ce sens que dès le début du commencement de constitution du black bloc, on intervient."
Commissaire Bagousseà franceinfo
Le groupe de black blocs est mis sur le côté et fouillé par une équipe. À côté, le cortège reprend sa route jusqu'à tomber sur une barricade montée par d'autres manifestants. Les forces de l'ordre reçoivent des pavés, des pétards. Face à eux, la commissaire Caroline Ducatillon organise ses troupes pour intervenir : "On va faire les sommations là parce que pour l'instant, les individus sont loin et restent figés, donc on veut les avertir de notre intervention. S'ils se dispersent, tant mieux, sinon on va devoir aller au contact."
Mais avant d'avoir pu prévenir les manifestants, les policiers de la brigade de répression des actions violentes (BRAV) s'avancent vers la barricade, sans avoir reçu les ordres. "Je n'ai pas fait les sommations !", lance la commissaire. La tension monte entre les équipes. Les chefs d'opération reprennent le contrôle rapidement et lancent les sommations avant d'attaquer la barricade : "Attention, attention, vous participez à un attroupement, obéissance à la loi."
"On est plus forts, ils vont plier"
Face aux manifestants qui restent sur place, les forces de l'ordre tirent des grenades de gaz lacrymogène. La barricade est démontée. Le cortège principal arrive alors à la fin du parcours. L'enjeu est de disperser les manifestants. "Libre à eux, pour les moins récalcitrants, de se disperser, affirme le commissaire Olivier Bagousse. Là, visiblement ils sont encore joueurs, donc on va resserrer le dispositif et ça va être une confrontation, mais on est plus forts, donc ils vont plier. Dans ces conditions, l'engin lanceur d'eau, c'est l'idéal."
"On ne meurt pas d'un jet d'eau, il vaut mieux ça que d'utiliser le LBD par exemple, qui n'est pas adapté pour le maintien de l'ordre dans ce type de configuration."
Commissaire Bagousseà franceinfo
Une arme pourtant très utilisée par les forces de l'ordre, notamment pendant les manifestations des "gilets jaunes". D'après le dernier rapport de l'IGPN, la police des polices, publié en 2019, les lanceurs de balles de défense (LBD) sont à l'origine de la majorité des blessures graves causées par la police à des manifestants. Cette fois, c'est sous les jets du canon à eau que le cortège se disperse Les forces de l'ordre se retirent sous les applaudissements des black blocs redevenus élèves policiers.
Dans la réalité, c'est à ce moment là que les affrontements sont en général les plus violents entre forces de l'ordre et manifestants. Ce genre d'exercice est amené à se multiplier comme l'exige le nouveau schéma de maintien de l'ordre promulgué par le ministère de l'Intérieur en septembre 2020.
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