"Gilets jaunes" frappés dans un Burger King à Paris : le parquet de Paris requiert un procès contre neuf CRS

Les faits reprochés datent de 2021, lors de l'acte 3 des "gilets jaunes". Un procès est désormais requis par le parquet de Paris, a appris franceinfo jeudi, confirmant une information de l'AFP.
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Des CRS interviennent pour déloger des manifestants du Burger King de l'avenue de Wagram, à Paris, le 1er décembre 2018. (PAUL-LUC MONNIER / STÉPHANE GUILLEMOT / FRANCE 2)

Le parquet de Paris a requis mercredi un procès contre neuf CRS soupçonnés de violences volontaires aggravées sur au moins quatre "gilets jaunes" et un journaliste dans un restaurant Burger King près des Champs-Elysées fin 2018, a appris franceinfo jeudi 1er août auprès de source proche du dossier, confirmant une information de l'AFP. Ils sont poursuivis pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique". Dans son réquisitoire définitif que franceinfo a pu consulter, le ministère public leur reproche d'avoir "frappé des manifestants non hostiles (...) sans que des sommations n'aient été effectuées".

Cette affaire est symbolique des "gilets jaunes", survenue lors de l'acte 3, le 1er décembre dernier 2018 vers 19 heures, en marge d'une manifestation qui avait rassemblé 5 500 personnes à Paris, selon le ministère de l'Intérieur. La journée avait été marquée par de nombreuses violences et affrontements : 412 interpellations avaient eu lieu, conduisant à 318 placements en garde à vue. 263 blessés avaient été recensés, dont 23 pour les forces de l'ordre. Au Burger King près des Champs-Élysées, ces violences avaient été filmées par plusieurs journalistes. On voyait sur les vidéos des CRS frapper violemment, à coup de matraque, des manifestants dont certains étaient allongés au sol.

"Presque six ans après les faits, toujours pas de procès alors que l'enquête est bouclée depuis longtemps. Les mis en cause ont reconnu les faits et les vidéos témoignent de ce qui s'est passé."

Nicolas Mercier, auteur des images

à franceinfo

L'auteur de ces images, Nicolas Mercier journaliste indépendant pour l'agence audiovisuelle Hors-Zone Press, a porté plainte pour les coups portés par un CRS, alors qu'il filmait. Contacté jeudi soir par franceinfo, il dit "avoir du mal à comprendre" cette lenteur de la justice. 

Ne pas interpeller, aller au contact

Dans le réquisitoire définitif que franceinfo a pu consulter, le parquet de Paris note que huit CRS sur neuf "reconnaissaient (lors de leur audition) sur les vidéos qui leur étaient présentées et confirmaient l’ensemble des coups identifiés par le service enquêteur". Lors de son audition, le commandant de la CRS 43 chargée de "s'opposer aux casseurs qui pillaient les commerces" dit avoir repéré des personnes qui "venaient d'investir l’établissement de restauration rapide (le Burger King) dont la porte vitrée avait été détériorée et enfoncée". Comme consigne, le chef de l’unité de la CRS 43 n'a pas demandé d'interpeller les individus présents dans le Burger King mais "d’aller au contact de ces derniers, de faire usage de la force en cas d’opposition physique et de les évincer puis de les refouler le plus rapidement possible en aval de la rue de Wagram".

D'après les éléments réunis par les investigations, "une vingtaine de manifestants" sont entrés dans le Burger King "après avoir forcé la porte peut avant 19 heures", mais ils avaient pour but de se réfugier dans les lieux. "Aucune infraction de violence ou de dégradation n’était commise par les manifestants au sein de l’établissement", affirme le ministère public qui se base sur le travail des enquêteurs de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale). Les investigations de ces derniers ont démontré que des CRS, "sans que des sommations n’aient été effectuées", ont frappé "à plusieurs reprises les manifestants non hostiles qui se trouvaient au sol ou qui tentaient de sortir les mains en l’air". Interrogés à ce propos, "les effectifs d’encadrement" ont confirmé aux enquêteurs que "l’usage de la force à ce moment-là n’était pas légitime et que les individus n’avaient pas eu le temps de quitter les lieux de leur propre initiative".

"Scène de pillage et des chaos inédites"

Dans son réquisitoire définitif, le parquet de Paris relève aussi que les enquêteurs de l'IGPN ont noté un cadre "insurrectionnel" lors de cette journée avec, selon le témoignage des "autorités" et "d'observateurs divers", "des scènes de pillage et de chaos inédites justifiant l'usage d'armes de force intermédiaire". Le commandant de la CRS 43, de son côté, établit un "bilan définitif hors norme de consommation de moyen lacrymogène de son unité (1700 grenades), des grenades (50/235), des tirs de LBD (312)".

Après l'ouverture d'une information judiciaire le 23 mai 2019, quatre CRS étaient mis en examen le 23 juin 2020. Le 6 mai 2021, trois autres CRS étaient mis en examen. Un huitième CRS était mis en examen le 17 septembre 2021. Le dernier CRS a été mis en examen le 26 janvier 2023. Tous ont été poursuivis pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique".

Cette réquisition de procès contre 9 CRS intervient quelques semaines après que deux avocats de "gilets jaunes" ont accusé le parquet de Paris de tarder à faire ses réquisitions, alors que les investigations avaient été closes le 6 juillet 2023.

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