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"Numéro ou pas, si le collègue est en tort..." : les policiers divisés sur l'obligation de porter leur matricule

Le port du "RIO" est obligatoire pour les policiers depuis le 1er janvier 2014 mais dans les faits, ils sont loin de le porter systématiquement. 

Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des policiers de la birgade anti-criminalité, le 10 décembre 2019, à Paris. (ZAKARIA ABDELKAFI / AFP)

Le matricule, c’est ce petit badge en tissu que le policier "scratche" sur son uniforme ou son brassard police et qui lui permet d’être identifié grâce à numéro à sept chiffres, le RIO ("référentiel des identités et de l'organisation", soit l’ensemble des matricules de sept chiffres qui identifient individuellement les agents sous l'autorité du ministère de l'Intérieur). Il est obligatoire depuis le 1er janvier 2014 mais dans les faits, les policiers sont loin de le porter systématiquement.

Or, depuis six ans, nous avons constaté à de nombreuses reprises lors de reportages en commissariat, sur la voie publique, lors de contrôle d’identité ou en maintien de l’ordre, que le port du matricule n’est pas la règle. Chaque jour, le policier choisit individuellement de porter ou non son matricule, selon son humeur ou le contexte des interventions... Parfois, le matricule est porté mais est, volontairement ou non, caché par un gilet tactique ou un vêtement. Certains, confie ainsi à franceinfo un CRS, ont même gratté les chiffres pour qu’ils soient illisibles. Aucune sanction n’a jamais été prononcée en France pour défaut de matricule : jusqu’ici, la hiérarchie n’en a jamais fait une priorité et ne souhaite pas se saisir du problème.

Déconsidéré par les policiers

Pour beaucoup de policiers de terrain, le RIO n’est pas enjeu de déontologie ni de transparence pour restaurer la confiance vis-à-vis du citoyen. C’est, pour eux, clairement une nouvelle façon de gêner leur travail, de les exposer à des poursuites judiciaires, fondées ou non. Voire, confie à franceinfo un policier de la BAC (brigade anti-criminalité), de servir de "cible" : le matricule, imprimé sur une bande réfléchissante, brille la nuit sur leur poitrine. Régis Debord, du syndicat Unsa-Police, CRS depuis vingt ans, résume le sentiment parmi ses collègues : "Numéro ou pas, si le collègue est en tort, il sera reconnu, indique-t-il. Certains collègues ne le mettent pas volontairement, peut-être parce qu’ils ont peur de déraper. On ne sait jamais comment un maintien de l’ordre va se passer."

On sait très bien que, parfois, les journées font 20 heures et qu’en fin de journée, il peut y avoir des dérapages… 

Régis Debord

à franceinfo

Durant la crise des "gilets jaunes", l’IGPN - la police des polices – a identifié des policiers impliqués dans des violences présumées contre des manifestants grâce au matricule, mais le défaut de matricule a aussi empêché certains fonctionnaires d’être identifiés. La question n’est donc pas anecdotique mais le port obligatoire du matricule est très impopulaire parmi les syndicats. "On ne peut pas être défavorable au port du RIO, estime de son côté Denis Jacob, du syndicat d’Alternative police-CFDT, minoritaire sur la question. "Il faut que l’on puisse démontrer que le policier fait bien son travail et plus on sera transparents, mieux ce sera."

Cela part d’un rapprochement entre la police et la population : il y a une nécessité de transparence dans une société 2.0 où tout est tout de suite retransmis, sur les réseaux sociaux notamment.

Denis Jacob

à franceinfo

Dans les mois à venir, le ministère de l’Intérieur veut peser sur la hiérarchie intermédiaire pour imposer et assumer le port du matricule, ce RIO qui agite plus de fantasmes qu’il ne crée de menaces pour les policiers.

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