Reportage "Combien de morts vont-ils tolérer ?" : lors de l'hommage au cycliste tué à Paris, des centaines de personnes réclament une prise de conscience

Un rassemblement était organisé, mercredi soir, place de la Madeleine à Paris, en hommage au cycliste mort écrasé par une voiture la veille.
Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'association Paris en selle rend hommage au cycliste mort écrasé par un automobiliste, 16 octobre 2024. (LP / FRED DUGIT / MAXPPP)

La cohabitation est parfois de plus en plus délicate à Paris, entre les vélos, les mobilités douces et les voitures. Mardi 15 octobre, un cycliste a été écrasé par un automobiliste après une altercation. Mercredi soir, des centaines de personnes étaient rassemblées place de la Madeleine, à quelques mètres du lieu de l'accident, pour un rassemblement en hommage au jeune cycliste.

Ils étaient nombreux, souvent le vélo à la main, venus rendre un hommage à Paul, 27 ans, ce militant membre de l'association Paris en selle, qui défend la place du vélo dans la capitale et qui a organisé le rassemblement. Pour rendre hommage au cycliste, ils sont nombreux à déposer des fleurs blanches, des bougies aussi, au pied des marches de l'église de la Madeleine.

"Des gens qui frôlent, qui menacent, qui nous rasent"

Le jeune homme est mort juste à quelques rues de là, mardi en fin de journée, sur le boulevard Malesherbes, après avoir été volontairement percuté par un automobiliste avec lequel il venait d'avoir un différend. L'homme au volant a foncé sur le cycliste et lui a roulé dessus. La victime a succombé sur place à ses blessures.

Toute la communauté cycliste, quelle que soit la pratique, quelle que soit l'intensité, est sous le choc. Pierre, 40 ans, ne circule qu'à vélo. Il affirme qu'une telle situation, des menaces, une mise en danger, c'est une réalité que tous les cyclistes ont vécue au moins une fois : "On est confrontés en permanence, au quotidien, à Paris mais aussi en dehors de Paris, à ce genre d'actes : des gens qui frôlent, qui menacent, qui nous rasent, qui veulent nous faire peur. Sauf qu'ils sont au volant d'une bagnole, d'une grosse voiture, qu'ils peuvent tuer et ils ne se rendent pas compte. Les gens n'ont vraiment pas ça en tête quand ils sont dans une voiture, ils sont protégés. C'est hermétique, c'est une bulle et ils oublient complètement la réalité qui se passe autour d'eux."

"Une voiture, ça peut tuer, c'est lourd, c'est gros, ça prend de la place, c'est puissant. Nous, à vélo, on est fragiles. On fait partie des usagers de la route qui sont fragiles et qu'il faut protéger."

Pierre

à franceinfo

Un constat très partagé place de la Madeleine, comme pour Emmanuel. Ce drame a réveillé chez lui le souvenir des menaces de mort, qu’il avait lui aussi reçues, il y a deux ans à Paris. "Une camionnette m'a fait une queue de poisson, donc j'ai dû taper sur le côté du véhicule pour le prévenir que j'étais là. Et là, le conducteur a pilé, est sorti et m'a dit : 'Je vais te tuer, je vais te tuer ! Tu recommences à toucher à ma voiture, je te tue', avant de repartir. Moi, j'étais caché derrière mon vélo..."

"Comment fait-on pour cohabiter ?"

Mais le drame de la Madeleine lui fait dire qu’il ne peut plus se permettre de répondre, désormais, à un automobiliste en cas de différend. "Parfois, on a envie parce qu'ils grillent la route, qu'il faut défendre l'espace cycliste... Mais souvent, ça se passe mal", confie finalement Emmanuel, sous le regard inquiet de sa voisine, Véronique. "Ça me fait peur... Il faut vraiment arrêter de parler : comment fait-on pour cohabiter ? Est-ce que les politiques se préoccupent de cette tension dans la ville pour qu'un mec en écrase un autre ? C'est fou. Combien de morts vont-ils tolérer ?", lâche-t-elle, une fleur blanche à la main, qu'elle dépose ensuite en hommage à Paul.

Mardi soir, les badauds, comme les associations de défense du vélo en Ile-de-France, insistent : il faut qu'il y ait un avant et un après ce drame. Certains avancent une meilleure formation sur la cohabitation entre vélos et voitures sur les routes dans les rues, peut-être au moment du permis de conduire. Une prise de conscience en tout cas sur les violences routières du quotidien que subissent les piétons et les cyclistes.

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