"SIM swapping" : un détenu soupçonné d’avoir volé près de 600 000 euros avec son réseau grâce à une nouvelle forme d’escroquerie

Les policiers pensent avoir mis la main sur un réseau d’escrocs d’un nouveau genre. Les enquêteurs de la police judiciaire de Paris et de la gendarmerie ont arrêté plusieurs suspects, dont trois viennent d’être mis en examen. Ils sont soupçonnés d’avoir fait une soixantaine de victimes, en récupérant les données de leurs cartes SIM.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié
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Une carte SIM à côté d'un téléphone. Photo d'illustration. (FERNANDO GUTIERREZ-JUAREZ / DPA / VIA AFP)

C’est une escroquerie d’un nouveau genre, appelée le "SIM swapping", apparue aux États-Unis en 2019 et qui se développe peu à peu en France ces derniers mois. Le principe est de détourner d’abord de manière classique les données personnelles des victimes (identité, numéro de téléphone, adresse…) grâce à des techniques de phishing sur Internet, puis s’emparer des données de la carte SIM du téléphone de la victime, pour mieux contourner le système de sécurité de paiement en ligne des banques. 

Soupçonnées de s’être livrées à de tels agissements, huit personnes ont été interpellées le 5 décembre un peu partout en région parisienne, notamment à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), Vanves (Hauts-de-Seine), et à Pantin (Seine-Saint-Denis), trois - âgées de 25 à 36 ans - ont été mises en examen le 7 décembre, dont une incarcérée, a appris franceinfo de source proche du dossier. Ces personnes sont mises en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 2 décembre 2022, indique jeudi 14 décembre à franceinfo le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine), qui précise que deux de ces personnes sont placées sous contrôle judiciaire.

Un préjudice de 600 000 euros

Selon les investigations que franceinfo a pu consulter, les enquêteurs disposent d’éléments qui laissent penser que tous ces suspects étaient en fait téléguidés par un homme incarcéré depuis novembre 2022. Âgé de 31 ans et considéré comme le donneur d’ordre, il a lui-même été arrêté l’année dernière par la gendarmerie car suspecté d’avoir fait une première vague d’une dizaine de victimes, en recourant au "SIM swapping".

Le préjudice estimé était alors de 64 000 euros. D’après le parquet de Nanterre, c’est à la suite d’un dépôt de plainte d’une première victime pour usage frauduleux de sa carte SIM à l’été 2022 qu’une enquête a été ouverte et confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Versailles. Une autre enquête menée en parallèle par les enquêteurs de la brigade des fraudes aux moyens de paiement (BFMP), service spécialisé de la police judiciaire de Paris, a permis d’identifier ce donneur d’ordre et de l’interpeller en novembre 2022.

La suite des investigations toujours menées par ces deux services d’enquête a permis de se rendre compte que le "SIM swapping" continuait, et que le préjudice a fini par atteindre 600 000 euros. Depuis sa maison d’arrêt, le détenu est suspecté d’avoir utilisé son seul téléphone portable pour donner des ordres à son réseau et dépouiller ses victimes.

Une escroquerie difficilement détectable

Le mode d’action de ce réseau est jugé "redoutable" et "efficace" par le commissaire divisionnaire Vincent Kozierow, chef de la BFMP de la préfecture de police de Paris, que franceinfo a pu joindre. "On va prendre la main sur le téléphone de la victime, et aujourd’hui prendre la main sur le téléphone de la victime c’est prendre la main sur son compte en banque, sur les éventuelles opérations de virements, et également sur les achats que l’on peut effectuer", indique le policier.

Car "avec l’authentification forte, le principe c’est que les achats sur Internet sont sécurisés par le téléphone. Donc à partir du moment où on arrive à mettre la main sur le téléphone, on peut effectuer des achats et selon les types de cartes ça peut être des achats d’un certain montant". En moyenne, les victimes ont en effet été dépouillées de 10 000 euros chacune.

Le problème, indique le chef de la BFMP à franceinfo, c’est qu’il est très difficile pour les victimes de se rendre compte qu’elles sont en train de se faire escroquer. Contrairement à d’autres techniques d’escroquerie, "l’escroc est dans son coin, il va faire les opérations en lien avec les opérateurs téléphoniques pour pouvoir récupérer une carte".

Les enquêteurs appellent à la vigilance

Finalement la victime a assez peu d’informations à sa disposition "elle va avoir un message pour lui dire que sa carte SIM est désactivée ou absente de son téléphone, qu’elle ne peut passer que des appels d’urgence, ou bien encore qu’une commande d’une nouvelle carte SIM est en cours, mais la victime a finalement assez peu d’éléments qui lui permettent de savoir" qu’elle est face à une escroquerie, analyse Vincent Kozierow.

C’est pourquoi les enquêteurs appellent à la vigilance et donnent ce conseil : appeler son opérateur téléphonique au moindre doute. Heureusement cette technique apparue il y a quelques années aux Etats-Unis reste marginale. Mais selon ce commissaire divisionnaire de la police judiciaire si "ça reste encore une escroquerie assez peu répandue, elle tend au cours des précédents mois à se développer et c’est pour ça qu’on essaye d’assurer une communication de prévention". Lors des perquisitions chez les suspects, les policiers ont mis la main sur 90 000 euros en liquide et en objets de luxe.

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