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Suicides en série derrière les barreaux

La série noire continue après un 90ème suicide de détenu depuis le début de l'année, cette fois à la prison d'Ensisheim (Haut-Rhin). La Garde des Sceaux reçoit aujourd’hui à la Chancellerie les principaux syndicats pénitentiaires qui dénoncent "une situation alarmante".
Article rédigé par franceinfo
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Une tentative de suicide s'est produite samedi soir dans la maison d'arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin). Vers 18h30, un jeune détenu âgé de 25 ans a tenté de mettre fin à ses jours en ingérant des médicaments. Lundi, deux hommes et une femme ont tenté de se suicider par pendaison dans le même établissement.

Vendredi c’est un homme de 45 ans qui s'est pendu dans sa cellule de la maison d'arrêt d'Ensisheim. Le détenu purgeait une peine de 30 ans de réclusion pour meurtre, dont 20 avec sûreté. Il avait été placé dans la journée à l'isolement dans le quartier disciplinaire après avoir insulté le personnel et refusé de réintégrer sa cellule.

La nuit précédent ce drame, un autre détenu de cette même maison d’arrêt avait mis fin à ses jours. Trois autres détenus, dont deux adolescents de 16 ans, sont décédés par suicide dans les maisons d'arrêt de Strasbourg-Elsau et de Metz-Queuleu au cours des dix derniers jours. Cette série noire porte à 90 le nombre de suicides dans les quelque 200 prisons françaises depuis le début de l’année. Il y en avait eu 115 sur toute l'année 2004, 122 en 2005, 94 en 2006, 96 en 2007.

Une politique pénale incohérente ?

Syndicats et opposition insistent beaucoup sur l'aggravation de la situation dans un contexte de surpopulation carcérale (63.185 détenus au 1er octobre pour moins de 51.000 places) et de politique du "tout carcéral". Jeudi, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour n'avoir pas "protégé le droit à la vie" d'un détenu psychotique qui s'était pendu alors qu'il avait été placé à l'isolement dans une cellule disciplinaire et qui avait déjà fait une tentative de suicide à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy dans la région parisienne, en 2000.

Dans une rare unité syndicale, les trois principales organisations de surveillants (Ufap, FO, CGT) dénoncent une "situation alarmante des conditions de travail" , un "manque de moyens humains et matériels" ainsi qu'une "incohérence de la politique pénale". Elles doivent être reçues ce matin au ministère de la Justice et se réunir ensuite pour décider d'éventuelles actions.

Pour l'Observatoire international des prisons (OIP), il y a dans les quartiers disciplinaires "sept fois plus de suicides qu'en cellules ordinaires". Des rondes toutes les deux heures pour les détenus placés sous "haute surveillance" n'ont pas permis d'éviter le suicide de Strasbourg. "Malheureusement, je crains que quels que soient les moyens que nous puissions déployer, nous n'arriverons jamais à empêcher quelqu'un de se suicider", estime l'ancien directeur de la maison d'arrêt de la Santé à Paris, Alain Jego, qui risque un renvoi en correctionnelle après le suicide d'un détenu en 1999.

Caroline Caldier avec agences

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