Cet article date de plus de deux ans.

Attentat de Nice : "Le procès va replonger les victimes dans cette histoire traumatique et douloureuse", selon une avocate

Publié
Temps de lecture : 5min
Article rédigé par franceinfo
Radio France

Me Claire Josserand-Schmidt indique que la plupart des victimes étant niçoises ou étrangères, elles ne pourront pas être présentes au procès à Paris : "Certains viendront au moins au début ou à des dates clés, à des moments des débats qui vont être particulièrement saillants pour eux".

Le procès de l'attentat de Nice "va replonger les victimes dans cette histoire traumatique et douloureuse", selon Me Claire Josserand-Schmidt, l'avocate de 10 victimes, dimanche 4 septembre sur franceinfo, à la veille du début de l'audience à Paris.

>>"Je n'ai plus peur des camions, je n'ai plus peur du noir" : six ans après l'attentat de Nice, les enfants du 14-Juillet meurtris mais vivants

Huit personnes sont jugées à partir de lundi 5 septembre devant la cour d'assises spéciale, six ans après l'attentat sur la Promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet 2016, qui a fait 86 morts et des milliers de blessés physiques et psychologiques. Trois sont jugés pour association de malfaiteurs terroriste et cinq pour avoir fourni des armes à l'assaillant, mort le soir des faits.

franceinfo : Comment les victimes abordent-elles ce début de procès ?

Me Claire Josserand-Schmidt : Elles ont traversé ces années en essayant de se reconstruire et là le procès réactive la douleur de ce qu'il s'est passé, donc ce n'est pas évident d'aborder ce retour dans leur vie. Pour nous, les procès se succèdent, mais pour ceux qui ont perdu des parents, des enfants, parfois une jambe ou un bras, ce sont des années qu'il a fallu traverser pour se reconstruire, pour revivre la vie autrement et le procès va les replonger dans cette histoire traumatique et douloureuse donc évidemment c'est compliqué.

Beaucoup de victimes viendront assister à l'ouverture du procès lundi à Paris ?

Non, très peu. La particularité de cette affaire est qu'elle concerne essentiellement des victimes niçoises, beaucoup de victimes étrangères. Le procès va durer trois mois et demi, c'est quand même énorme. Ça reste un très long procès. Se déplacer à Paris, être présent à Paris, tout le monde ne peut pas se le permettre, les gens ont leur vie, leur travail, les enfants sont scolarisés donc ça va être compliqué pour eux de venir assister au procès à Paris. Certains viendront au moins au début ou à des dates clés, à des moments des débats qui vont être particulièrement saillants pour eux, mais en permanence non.

Le seul auteur de l'attentat de Nice, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, a été tué par les forces de l'ordre le soir des faits. Huit autres personnes seront jugées. Que représente ce procès ?

Pour les victimes qui attendent que justice soit faite, le contenu du box, des charges qui pèsent sur les accusés et les prévenus, est important. Ce n'est pas anodin. Il y a parmi les accusés des personnes contre lesquelles il existe des charges très importantes, très sérieuses. J'ai entendu dire que c'était un procès pour faire plaisir aux victimes ou offert aux victimes, mais ce n'est pas le cas du tout. Ils sont jugés pour avoir connu l'implication de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ses projets de façon globale, ses convictions, son adhésion à l'Etat islamique, et même si on ne leur reproche pas d'avoir su précisément qu'ils apportaient une assistance en vue de cet attentat précisément, on leur reproche d'avoir participé à un projet global, c'est ce qu'on appelle l'association de malfaiteurs terroriste. Il y en a trois d'entre eux qui comparaissent pour cela, ce qui n'est pas rien.

La personnalité de l'assaillant sera-t-elle tout de même au cœur du procès ?

Oui, c'est fondamental. L'examen des charges va être extrêmement minutieux. Mais si on reproche aux trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste une adhésion au projet de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, alors ce projet est au cœur des débats, de même que son contenu, l'ancienneté de son adhésion, la force de ses convictions et puis son profil psychiatrique bien évidemment pour savoir s'il a interféré dans cette débauche de violence. D'ailleurs, la violence a été au cœur de sa vie même antérieurement à son engagement jihadiste. C'était un homme extrêmement violent.

Les interrogations sur le dispositif de sécurité mis en place par la ville de Nice le soir du 14 juillet 2016 font l'objet d'une enquête à part et ne seront pas abordées lors de ce procès. Est-ce une bonne chose ?

Ce sont deux sujets différents. C'est très bien que cela fasse l'objet d'un débat autonome. Je suis avocate de victimes donc évidemment je suis très attachée à répondre à leurs besoins, à leurs attentes, mais je n'oublie pas qu'on est convoqués pour un procès qui est celui des accusés, on n'est pas sur le procès de la ville de Nice. Il ne faut pas confondre les procès, il faut bien séparer les choses. Il est hors de question de convoquer des sujets et des questionnements qui ne sont pas l'objet du procès. Cela va permettre aux victimes de dire leur vérité, de dire ce qu'il s'est passé, d'exercer leur droit de partie civile, d'être entendues en tant que victimes mais principalement c'est le procès des accusés, il faut vérifier si les charges sont établies et s'il faut les déclarer coupables.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.