Plongée dans les réseaux lyonnais de l'ultradroite
"L'attaque a eu lieu sur le haut des escaliers", raconte Jérôme Faÿnel, au pied de la Maison des Passages, un local associatif du Vieux-Lyon. En 20 ans de militantisme, le président du collectif 69 de soutien au peuple palestinien dit n’avoir jamais connu un tel déferlement de violence. Le 11 novembre dernier, une réunion publique en faveur de la cause palestinienne est prise à partie par une cinquantaine d’individus. Sur des images amateur, tous ou presque sont masqués, parfois armés de battes de base-ball et de mortiers d’artifice. Durant 45 minutes, ils prennent d’assaut ce local associatif du Vieux-Lyon. À l’intérieur, le public tente de se barricader. Trois personnes sont blessées. L'attaque a marqué les esprits. "Cela a été extrêmement violent, les gens ont été très choqués. On a eu peur de l'utilisation des mortiers parce que ce n’est pas neutre", indique Jérome Faÿnel.
Des agressions régulières à Lyon
Cette agression a été revendiquée sur les réseaux sociaux par un mystérieux groupuscule. Son nom : Guignol Squad. Selon nos informations, il ne s’agit pas d’un groupe constitué mais d’une signature anonyme qui servirait à revendiquer les actions violentes menées par l’ultra-droite locale. Ces derniers mois, agressions, saluts nazis, menaces ont fait à plusieurs reprises la une de la presse. Dans la préfecture du Rhône, la galaxie de l’ultra-droite s’articule autour de deux principales associations : Lyon Populaire, basée sur la presqu’île et les Remparts, situés eux dans le quartier historique du Vieux-Lyon. Au téléphone, un responsable des Remparts dément toute implication dans les violences commises récemment. “Les militants des Remparts n’ont rien à voir avec ça, indique le militant. Il n’y a pas d’acte violent, ni autre qui sont commis. On est toujours respectueux de la loi.”
Contacté, Lyon Populaire ne nous a en revanche pas répondu. Le seul individu interpellé après l’attaque de la réunion pro palestinienne du 11 mars ferait partie de ce groupuscule. C’est du moins la conviction de la justice qui a requis son placement en détention provisoire. “L’exploitation du téléphone portable de X. établit son appartenance à un groupe d’extrême droite, “Lyon Populaire”. Dans l’application “Signal” du téléphone (...),un prénommé Y demandait aux membres de mener une action (...).”, indique un document de procédure auquel l'Oeil du 20 heures a eu accès.
"Je ne me reconnais pas néecssairement dans les valeurs républicaines"
Un membre de la mouvance identitaire lyonnaise
Alors, qui sont ces militants de l’ultradroite lyonnaise ? Sur les réseaux sociaux, ils sont de plus en plus nombreux à s’afficher publiquement. Nous avons rencontré l’un de ces influenceurs, un étudiant de 22 ans qui dit rêver d’une Europe blanche et chrétienne, sans immigration. "Inclure le monde entier, c'est utopiste", assène-t-il d'abord. Déjà condamné pour participation à une manifestation interdite, il affirme être fiché S par les services de renseignement. Il en fait même une fierté. "Cela peut être une médaille parce que ça montre l'investissement que j'apporte à la cause. Peu lui importe visiblement que ces propos puissent être mal perçus: Peut-être que ça peut choquer mais être un militant identitaire, c'est se faire traquer par la République jusque chez soi. Je ne me reconnais pas nécessairement dans les valeurs républicaines."
Comme ce militant, ancien membre d’une liste d’extrême droite à des élections locales, la mouvance identitaire lyonnaise entretient parfois des liens concrets avec des partis politiques. Le 11 mars dernier, lors d'une conférence du cercle François Duprat organisée par Lyon Populaire, une élue régionale, candidate aux dernières élections législatives sous la bannière Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, aurait pris la parole. Jointe au téléphone, elle ne dément pas sa participation. "J'assume de parler à tout le monde, donc c'est pas un problème. Je ne sais pas pourquoi tout le monde fait un focus sur une réunion", indique-t-elle dans un échange que nous avons enregistré. Contacté, le parti Reconquête dit ne pas avoir eu connaissance de la présence de cette élue à la conférence. De son côté, Grégory Doucet, le maire écologiste de Lyon, réclame la dissolution des formations d’ultra-droite locales. L'élu réclame "une union nationale de tous les défenseurs de la République pour s'attaquer aux ennemis de la République. Fussent-ils des ennemis de l'intérieur". En France, selon un rapport parlementaire, 1300 personnes sont aujourd’hui fichées S pour leur appartenance à l’ultra-droite.
Parmi nos sources (liste non exhaustive) :
"Lyon et ses extrêmes", Alain Chevarin, éditions la Lanterne, 2020.
Rapport d'information sur l'activisme violent, Assemblée nationale, 2023
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