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"Je fais des cauchemars toutes les nuits" : d'anciens voisins du squat de Jawad Bendaoud veulent être reconnus comme des victimes du terrorisme

Après l'assaut du Raid à Saint-Denis près de Paris le 18 novembre 2015, tous ont mis des mois, voire des années à retrouver un logement. Ils demandent une reconnaissance de leur statut de victime. 

Article rédigé par Mathilde Lemaire, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le 48, rue de la République à Saint-Denis, aussi appelé "Le Corbillon", l'immeuble où se trouvait le "squat" de Jawad Bendaoud.  (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / MAXPPP)

Les voisins du squat de Jawad Bendaoud sont entendus à partir du 6 décembre dans le procès en appel du "logeur de Daech", jugé depuis le 21 novembre au palais de justice de Paris, pour avoir hébergé, après les attaques terroristes du 13-Novembre, les deux jihadistes survivants, et notamment Abdelhamid Abaaoud, cerveau de ces attentats. Jawad Bendaoud avait été relaxé en première instance en février dernier et nie toujours avoir jamais su que les hommes qu'il logeait étaient des terroristes.

Le reportage de Mathilde Lemaire

Certaines des 780 parties civiles de ce dossier, toujours très traumatisées, sont entendues par la cour, et notamment les habitants du 48, rue de la République à Saint-Denis aussi appelé le Corbillon, l'immeuble où se trouvait ce squat de Jawad, où a été logé le commando du 13-Novembre et où le Raid a mené l'assaut.

Toujours en hypervigilance, sursautant au moindre bruit

Ces habitants réclament une reconnaissance et des indemnités depuis trois ans maintenant, comme Lahi, 63 ans, qui vivait bâtiment D, dans l'appartement jouxtant celui où se trouvaient les terroristes. Quand l'assaut a débuté à l'aube, le sexagénaire a été tiré du lit pas les claquements de balles. Terrifié, projeté au sol, il a cru mourir, pendant quatre heures, des milliers de munitions ont été tirées. Ces moments-là, l'ouvrier en plomberie les revit sans cesse depuis trois ans. Toujours en hypervigilance, sursautant au moindre bruit de pétard, il a vu sa santé se dégrader.

Il y a des séquelles, je n'oublierai jamais. Je ne peux pas dormir, je ne peux plus supporter les médicaments, je ne dors pas bien, je ne mange pas bien, je fais des cauchemars, je ne peux pas travailler parce que je souffre psychologiquement et vraiment, ma vie, elle n'est pas comme avant

Lahi, ex-habitant du "Corbillon"

à franceinfo

L'État leur refuse le statut de victime du terrorisme

Lahi et les 47 ménages qui vivaient au 48, rue de la République n'ont pas obtenu le statut de victime du terrorisme, l'État leur refuse, puisque selon les autorités, les dégâts dans l'immeuble sont la conséquence d'une opération de police, et pas d'une attaque terroriste. Les occupants ont mis des mois, voire des années à retrouver un logement. Lahi, qui a touché 5 000 euros de dédommagements, a d'abord vécu dans des hôtels miteux fin 2015, puis dans la rue, avant que l'association Droit au logement lui trouve un studio dans une résidence sociale. Certains n'ont jamais pu remettre les pieds dans leur logement, ni même récupérer leurs affaires à cause de l'arrêté de péril imminent qui frappe l'immeuble.

Des citoyens "de seconde zone"

"Étant sans emploi, je comptais sur le loyer dont je bénéficiais pour subvenir à mes besoins", explique Fabien, qui n'y habitait pas mais y possédait un appartement. "La copropriété a été évacuée, je n'ai donc plus perçu de loyer, avec des aberrations qui consistent à vous réclamer la taxe foncière alors que vous n'y habitez plus", déplore-t-il. Il pointe aussi du doigt l'absence de suivi psychologique des anciens habitants : "Je pense notamment à une famille dont le fils est toujours terrorisé, il gratte les murs et ne veut habiter dans un étage élevé pour pouvoir s'échapper par la fenêtre si ça se reproduit", ajoute-t-il. "À Saint-Denis, on ne prend pas en compte les différentes souffrances"

Après trois ans, nous ne sommes pas indemnisés, on a une sensation d'être spoliés. Avec un tel incident dans le 8e, dans le 16e, à Neuilly, les gens sont indemnisés, suivis médicalement pour ceux qui ont été traumatisés, ici, à Saint-Denis, on est comme des citoyens de seconde zone

Fabien

à franceinfo

Pour l'instant difficile de savoir exactement si l'immeuble va être rénové ou détruit. D'après la mairie de Saint-Denis, une société d'aménagement publique, la Soreqa, est en train peu à peu de racheter tous les logements en vue d'une démolition puis d'une reconstruction. En attendant Lahi, Fabien et tous les propriétaires ou locataires demandent une reconnaissance de leur statut de victimes, une accélération des dossiers, avec des indemnisations dignes de leur préjudice.

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