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Guerre entre Israël et le Hamas : "Une grande épreuve" pour les rescapés des attentats du 13-Novembre en France qui se trouvent "dans une phase de protection aiguë"

Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association de victimes Life for Paris, s'est exprimé sur franceinfo ce vendredi.
Article rédigé par franceinfo
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Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association de victimes Life for Paris, le 29 juin 2022. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

L'attaque terroriste du Hamas en Israël "est une grande épreuve" pour les rescapés des attentats du 13 novembre 2015 en France qui sont "forcément" en ce moment "dans une phase de protection aiguë", a déclaré vendredi 13 octobre sur franceinfo Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association de victimes Life for Paris.

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Lors de son intervention télévisée jeudi 12 octobre, Emmanuel Macron a fait un parallèle entre les attaques qui touchent Israël depuis samedi et celles qui ont meurtri la France en 2015. "Nous, Français, nous savons dans notre chair ce qu'est cette douleur", a déclaré le chef de l'Etat. "Ce sont des attaques qui déstabilisent un pays, qui déstabilisent une société et qui questionnent la capacité à vivre ensemble à l'avenir", a expliqué l'essayiste Arthur Dénouveaux. Selon lui, "la question de la justice est centrale" pour les Israéliens. En France, "on a pu se convaincre qu'on avait une démocratie judiciaire qui savait faire face à la barbarie", dit-il.

franceinfo : Le parallèle avec les attentats du 13 novembre 2015 vous paraît pertinent ?

Arthur Dénouveaux : C'est évidemment des attaques terroristes. Le président de la République fait bien de le rappeler. Ensuite, forcément, ce sont des attaques qui déstabilisent un pays, qui déstabilise une société et qui questionne la capacité à vivre ensemble à l'avenir. C'est ce qu'on avait ressenti en 2015. J'ai l'impression que la France s'en est bien sortie, mais c'est une vraie question qui s'ouvre pour Israël. Quand vous êtes attaqués comme ça, dans vos fondements, quand c'est indiscriminé et d'une violence inouïe, forcément vous vous questionnez sur la réponse à y apporter. Ça pose des questions sur la démocratie que vous serez demain. Le parallèle est extrêmement valide.

Emmanuel Macron a appelé plusieurs fois à l'unité. C'est le signe d'une fébrilité ?

Je ne pense pas. Je pense que c'est plutôt un rappel que notre unité nous avait permis justement de surmonter 2015, de surmonter les attentats de 2016 et tous ceux qui ont suivi sans qu'il y ait de fracture et sans qu'il y ait le moindre risque de guerre civile. On n'est jamais arrivé proche de ce stade. C'est nécessaire de le rappeler quand même. Mais il faut garder confiance dans le processus et ce qui se déroule chez nous.

On a parlé sur les plateaux de télévision d'un 11-Septembre ou d'un 13-Novembre. Est-ce que ces mots ont été durs à entendre pour vous, les rescapés des attentats du 13-Novembre ?

C'est vrai. Le 13-Novembre servira longtemps d'étalon dans notre société. C'est un attentat qui vient nous plonger dans l'effroi le plus absolu. Pour nous, forcément, c'est un rappel dont on se passerait bien. D'un autre côté, moi, j'y vois quelque chose de positif. Ça signifie qu'il n'y a pas eu d'attentat qui a plus choqué depuis.

Comment les rescapés des attentats en France ont vécu ces derniers jours ?

C'est une grande épreuve. Beaucoup se replient dans une coquille qui consiste à ne plus avoir de réseaux sociaux et plus se connecter trop aux médias. La difficulté du stress post-traumatique, c'est évidemment que des événements qui ressemblent à ceux qu'on a vécus viennent tout de suite taper dans nos fragilités. On est très prudent là-dessus. C'est quand même d'une violence inouïe. La réponse israélienne est aussi très violente et la violence est quelque chose que les victimes du terrorisme ont beaucoup de mal à vivre. On est dans une phase de protection aiguë, forcément.

Après les attentats du 13-Novembre, il y a eu un procès. Cette étape était évidemment importante pour les victimes à Paris. Elle sera également nécessaire pour les victimes israéliennes ?

La question de la justice est centrale. Si on a bien réussi après le 13-Novembre à refaire société, c'est parce qu'on a pu se convaincre qu'on avait une démocratie judiciaire qui savait faire face à la barbarie. Je pense que c'est important à la fois pour les victimes israéliennes, mais aussi pour la société israélienne dans son ensemble, de pouvoir entendre les récits individuels, de pouvoir évidemment comprendre ce qui s'est passé en détail, mais aussi de pouvoir questionner les terroristes et pas forcément les chefs.

Nous, quand on les avait dans le box, on pouvait leur poser des questions extrêmement simples. "Mais pourquoi avez-vous fait ça ?" Ils commencent par donner leurs revendications. Mais quand vous leur dites : "Très bien, c'est la revendication. Mais vous vous êtes levé ce matin-là, vous avez mis une ceinture explosive. Pourquoi ? Qu'est-ce que ces personnes vous avaient fait ?". Vous voyez qu'ils n'ont rien à répondre.

"Ce qui a été frappant au procès, c'est que Daech n'a pas du tout pu l'utiliser pour sa propagande tellement on a montré la vacuité des slogans terroristes. Je souhaite que ce soit la même chose en Israël",

Arthur Dénouveaux,

à franceinfo

De manière plus globale, je reprends les mots de l'avocat de l'association au procès : "La justice, c'est dominer la haine". C'est quand même ce qu'il va falloir réussir à faire pour aboutir à la paix. J'entends beaucoup parler de paix et ça me paraît quelque part être une facilité. Il y a beaucoup d'étapes avant. La justice en est probablement une.

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