Procès des attentats du 13-Novembre : "J'ai trouvé que leur attitude était en grande partie un peu infantile", réagit un avocat des parties civiles
Des incidents sont survenus dans le public lors de l'interrogatoire de Salah Abdeslam et en signe de protestation, les avocats de la défense ont donc quitté le prétoire.
"J'ai trouvé que leur attitude était en grande partie un peu infantile", commente Me Jean Reinhart, avocat de l'association 13onze15 Fraternité-Vérité et de 114 parties civiles. Au procès des attentats du 13-Novembre, l'interrogatoire de Salah Abdeslam a provoqué des tensions inédites pendant l'audience et a entraîné une suspension des débats. Les avocats de la défense ont ensuite quitté le prétoire pour protester contre le refus de la cour d'acter des incidents survenus dans le public, qui a vivement réagi aux réponses provocatrices du principal accusé. Des applaudissements et hurlements ont notamment retenti à plusieurs reprises dans le public lors de cette audience électrique.
franceinfo : Avez-vous compris l'attitude des avocats de la défense ?
Jean Reinhart : Non, j'ai trouvé que leur attitude était en grande partie un peu infantile. Je comprends tout à fait l'agacement qui peut être le leur de trouver que monsieur Abdeslam ne répondait pas aux questions d'une façon classique, dont on l'entendait. Et puis il y a forcément un peu d'électricité dans l'air, parce qu'il y a une tension évidente. Je pense qu'ils ont surréagi face à quelques applaudissements extrêmement rares, extrêmement courts qu'il y a eu dans la salle d'audience. Ils ont préféré utiliser cet incident parce qu'ils comprenaient que toute la défense était fragilisée par ces déclarations de Salah Abdeslam qui n'étaient ni la vérité, ni quelque chose de concentré en terme d'intelligence. Ils ont joué les bancs vides, ce que je trouve infantile. Ils n'ont même pas attendu que le président réponde aux questions qu'ils ont posés et n'ont pas eu la décence d'attendre que les avocats de parties civiles puissent prononcer quelques mots d'apaisement. Donc on a bien le sentiment, du côté des avocats des parties civiles, que nous sommes face à une recherche d'un incident opportun à ce moment-là.
Les propos tenus par Salah Abdeslam ont-ils choqués les parties civiles ?
Objectivement oui. Il y avait d'ailleurs beaucoup d'énervement. Le public était revenu, les parties civiles aussi, la salle d'audience était à nouveau pleine, ce qui n'était plus le cas depuis quelque temps. Et les parties civiles ont très mal vécu le dédain avec lequel Salah Abdeslam répondait aux questions. C'est-à-dire qu'il ne répondait pas à des questions, ou bien il répondait de façon fuyante. On préfère parfois presque qu'il se taise, mais il répond ce qu'il veut répondre, et ce sont des éléments qui ne sont ni construits, ni forts en qualité de défense. C'est vrai que Salah Abdeslam dit de façon générale qu'il est très bousculé, très fatigué, très usé par cette situation, il nous ressort des ritournelles. Lorsqu'il dit qu'il va dans un magasin de feux d'artifices car il veut tirer des feux d'artifice, ce n'est ni sérieux ni cohérent, donc ça crée une tension. Deuxième exemple : il a effectué plusieurs allers-retours pour transporter les membres du commando des attentats du 13-Novembre mais il ne reconnaît que deux allers-retours, alors qu'on sait qu'il a fait les cinq ! Ils ont l'impression d'être venus témoigner devant la cour d'assises avec beaucoup d'humanité, beaucoup de force, beaucoup de pleurs, beaucoup de tristesse, et ils se retrouvent devant un accusé qui ne joue pas le jeu, qui ne répond pas aux questions qui sont attendues.
C'est une provocation aussi lorsqu'il déclare qu'on "avait bousillé sa vie" ?
Je pense qu'il a parfois un côté immature. Je ne crois pas qu'il faille chercher quelque chose de très réfléchi dans toutes ses paroles. Lorsqu'il dit qu'on a bousillé sa vie, tout à fait tranquillement, je crois qu'il faut retenir son immaturité avant toute chose. C'est de la provocation. On demande aux parties civiles de ne pas écouter toutes ces choses-là et de prendre un peu de recul. Je dirais que les parties civiles ont été très choquées parce qu'elles sont meurtries quand il y a un incident. Que l'interrogatoire de Salah Abdeslam cesse à un moment et que subitement la défense quitte la salle, cela interrompt le flot des questions. Ce procès a pris suffisament de retard, il serait quand même plus intelligent qu'on poursuive les questions même tard le soir.
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