Procès des attentats du 13-Novembre : l'émotion des enquêteurs devant les images de "scènes de guerre" projetées à l'audience
Au septième jour d'audience, plusieurs enquêteurs sont revenus sur les premières constatations réalisées au Stade de France et sur certaines terrasses parisiennes attaquées par les terroristes le soir du 13 novembre 2015.
C'était une séquence redoutée par les parties civiles. Au septième jour du procès des attentats du 13 novembre 2015, la cour d'assises spéciale a commencé, jeudi 16 septembre, à revenir minutieusement sur le déroulement des attaques ayant visé Paris et Saint-Denis ce soir-là. Pendant plusieurs jours, des images et des vidéos des explosions et des fusillades qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés seront diffusées dans la salle d'audience.
A commencer par celles des trois explosions au Stade de France, survenues entre 21h16 et 21h53. A la barre, Xavier Vo Dinh, alors membre de la section antiterroriste de la brigade criminelle, retrace avec minutie les premières constatations effectuées près de l'enceinte sportive. Bras croisés dans le dos, l'homme en costume gris clair raconte être arrivé à 23h20 sur place. "Le bilan annoncé est alors de quatre morts", rapporte-t-il. Il s'agit de Manuel D., victime tuée lors de la première explosion, et des trois kamikazes.
Le "corps déchiqueté" d'un kamikaze du Stade de France
Pointeur laser à la main, l'enquêteur s'appuie sur les nombreux documents projetés sur l'écran installé derrière la cour. Pendant plus d'une heure et demie, il livre une analyse clinique des trois zones d'explosion. Le témoin prévient d'emblée la salle qu'il "évitera" de "présenter [des photos] des corps ou des parties des corps". Sur les images, aucun corps n'est directement montré, chacun d'entre eux étant masqué par un aplat blanc.
Mais les commentaires de l'enquêteur n'en sont pas moins glaçants. Comme lorsqu'il décrit le "corps déchiqueté" d'un des kamikazes. Xavier Vo Dinh ne semble oublier aucun détail, allant jusqu'à évoquer la "jambe gauche arrachée mais encore reliée au corps par les vêtements" d'un des assaillants, "un bout de côte" ou "un morceau de pouce".
L'enquêteur continue de montrer des dizaines de photos, qui exposent notamment des impacts et des traces de sang sur des voitures aux alentours des explosions. "Je vous présente ces véhicules pour avoir une idée du pouvoir vulnérant [la quantité de dommages qu'il peut occasionner] de l'engin explosif", justifie-t-il, conscient que sa présentation exhaustive puisse heurter.
Sa déposition s'achève par la diffusion de quelques vidéos – sans le son – des explosions et de l'arrivée des secours. Difficile de percevoir les événements sur ce qui s'apparente davantage à une succession d'images de vidéosurveillance. "Ce n'est pas forcément plus éclairant que ce que vous nous avez présenté", concède le président auprès de l'enquêteur.
"121 cartouches tirées en 2 minutes et 31 secondes"
L'ambiance devient encore plus pesante lorsqu'un deuxième enquêteur, qui témoigne anonymement, évoque les premières constatations au restaurant Le Petit Cambodge et au bar Le Carillon, dans le 10e arrondissement de Paris. "Tous les enquêteurs de notre groupe sont expérimentés (...) mais les premiers instants, c'était de la sidération", se remémore-t-il, avec une émotion perceptible dans sa voix.
Treize personnes ont perdu la vie dans ces fusillades. L'enquêteur cite les noms de chacune d'entre elles : Sébastien P., les sœurs jumelles Charlotte et Emilie M., Asta D…. Par deux fois, l'homme en costume noir mentionne une véritable "scène de guerre".
"La seule chose qu'on pouvait entendre, c'étaient les portables des victimes qui sonnaient. C'était la seule chose qui nous sortait de notre professionnalisme."
Un enquêteur anonymedevant la cour d'assises spéciale
Le témoin poursuit en montrant plusieurs clichés des scènes. L'une des victimes présentait "36 plaies par arme à feu", ajoute l'enquêteur, provoquant un souffle de sidération dans la salle. Et "121 cartouches ont été tirées en l'espace de deux minutes et 31 secondes", dira-t-il ensuite, pour résumer l'ampleur de cette attaque.
Dans la salle, les parties civiles présentes écoutent avec attention l'enquêteur et observent les documents projetés. Des membres de l'association Paris Aide aux victimes circulent dans les allées et se tiennent prêts à les épauler.
Un silence de plomb dans la salle
Un troisième et dernier témoin s'avance anonymement à la barre. Le commissaire de police présente les constatations effectuées à la pizzeria Casa Nostra et au bar La Bonne Bière, situés à environ 400 mètres des terrasses précédentes. Cinq personnes y ont perdu la vie.
Plusieurs fois, il apparaît ému sous son masque et marque une pause dans son exposé. "Je suis désolé pour les victimes", souffle-t-il avant de diffuser deux vidéos, "très violentes", de la scène. Le président invite alors les personnes qui le souhaitent à quitter la salle. Sur la première, on distingue, au loin, les terroristes tirer sur les clients attablés à la terrasse de La Bonne Bière et des corps tomber au sol. "La volonté de tuer est manifeste", commente le commissaire.
La deuxième vidéo, montre l'intérieur du restaurant La Casa Nostra. On y aperçoit une cliente blessée rentrer dans l'établissement et se réfugier derrière le comptoir, suivie par un homme qui plonge au sol. On distingue ensuite l'un des trois assaillants se diriger vers la terrasse, arme à la main. Aucune des deux vidéos ne présente de son, renforçant le silence de plomb qui règne dans la salle.
Les jours suivants s'annoncent tout aussi lourds. Un extrait d'enregistrement sonore qui a capté l'attaque du Bataclan sera notamment diffusé vendredi. Il s'agira seulement de "30 secondes" où "on entend la musique et le début des tirs", a prévenu mercredi le président de la cour.
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