Aide aux victimes du terrorisme : "Le système français est le plus efficace", assure Guillaume Denoix de Saint Marc
Guillaume Denoix de Saint Marc, directeur et fondateur de l'AfVT (association française des victimes du terrorisme), invité de franceinfo le 13 novembre 2019.
Il y a quatre ans, le 13-Novembre 2015, 130 personnes mourraient lors d'attentats à Paris et en Seine-Saint-Denis. "Le système français, même s'il y a encore des défauts, est celui qui est le plus efficace" pour aider les victimes de terrorisme, a expliqué mercredi 13 novembre sur franceinfo Guillaume Denoix de Saint Marc, directeur et fondateur de l'AfVT (association française des victimes du terrorisme).
franceinfo : Comment les victimes et les rescapés des attentats vivent-ils cette date anniversaire ?
Guillaume Denoix de Saint Marc : C'est toujours un moment difficile, comme les journées d'avant. Quelques fois, c'est à leur corps défendant, ils s'aperçoivent qu'ils ne vont pas bien, mais ils ne comprennent pas que c'est parce qu'on s'approche de la date anniversaire. C'est un passage que chacun vit à sa façon. Certains restent chez eux, d'autres ont envie de se réunir. Cela réveille un certain nombre de douleurs notamment chez les personnes qui n'ont pas été soignées, accompagnées et qui pensaient s'en sortir. Il faut arriver à les accompagner. Pour d'autres, c'est un moment où elles vont avoir un dialogue avec la société pour expliquer ce qu'est le terrorisme, ce qu'elles ont vécu. C'est quelque chose qui peut amener à appréhender un peu mieux. C'est très complexe.
Comment peut-on aider les victimes à vivre avec leurs souvenirs ?
Le système français, même s'il y a encore des défauts, est celui qui est le plus efficace. C'est sans doute à cause des évènements du 13-Novembre qu'il y a eu une mise à plat de tout le système d'accompagnement des victimes du terrorisme, et qui a amené à une vraie politique d'accompagnement des victimes en général. Cela se concrétise par nous, associations de victimes qui connaissons les besoins des victimes, il y a aussi un vrai dispositif d'État qui est mis en place. Nous sommes régulièrement invités à l'étranger pour en parler. On fait un très gros congrès à Nice, la semaine prochaine, avec 750 personnes, dont 600 victimes du monde entier. Il s'agit d'un accompagnement entre victimes et de mieux expliquer à la société ce par quoi nous passons, quels sont nos besoins, d'être entendus, reconnus, et voir comment certains ont apprivoisé "le monstre" [des cauchemars qui poursuivent les victimes]. Dire que c'est possible de vivre avec, mais que c'est compliqué, mais on peut bien vivre avec.
Le procès des attentats du 13-Novembre aura lieu en 2021. Est-ce que cela peut faire partie du travail de reconstruction des victimes ?
Oui et non. À la fois, cela rouvre tout, c'est un moment où on est à nouveau face au "monstre" qui revit. Paradoxalement, le fait de le reverbaliser, de le revivre, est aussi un moyen qui permet sans doute d'avancer. Tout dépendra dans quelle ambiance se fait le procès, des conditions de confort. Est-ce que l'on pourra entendre le procès ? Être dans la salle ? Assister au procès ? Quand on voit le nombre de parties civiles, cela pose un vrai problème logistique. Cela va être un procès hors norme. On travaille déjà avec le ministère de la Justice pour voir comment organiser ce procès pour qu'il puisse avoir cet effet de justice et de réparation pour les victimes et qu'elles aient leur place.
Où va avoir lieu le procès ?
Il faut absolument que cela soit dans un palais de justice, mais il n'y a aucune salle aujourd'hui qui existe qui permettra de le tenir. Il y aura une salle qui va être construite dans la salle des pas perdus, de l'ancien palais de justice. C'est l'hypothèse que nous avons pour le moment. Concernant les attentats de janvier 2015, cela va sans doute être dans le nouveau palais de justice puisqu'il y a des salles beaucoup plus grandes avec une très bonne accoustique. Il faut trouver le moyen que ça reste un lieu de justice et en même temps que les conditions matérielles permettent au procès de se tenir correctement.
Toutes les victimes s'intéressent-elles au dossier d'instruction ?
Le niveau de connaissance des faits est très variable selon les victimes, parce que cela est trop violent. Je me rappelle que dans mon propre attentat je n'arrivais pas à lire le dossier d'instruction. Il y avait un refus, je préférais qu'on me raconte. C'était trop douloureux. Les moments où il y a ce procès, il y aura peut-être des révélations qui vont être faites par des victimes qui jusqu'ici n'ont pas trop voulu savoir. On parle de six mois de procès, donc cela va être très difficile à vivre.
Le retour des jihadistes et de leurs enfants en France vous inquiète-t-il ?
Notre association demande depuis le début que ces personnes soient ramenées en France. On pensait bien que les laisser là-bas était une mauvaise solution, une solution un peu de déni de réalité. Il faut absolument qu'on les ait sous la main, qu'ils soient judiciarisés et que l'on puisse essayer de contrôler le phénomène. On sait s'en occuper, mais cela va être un défi énorme que de savoir comment intégrer tous ces enfants qui sont traumatisés. Il faut voir comment on peut s'occuper de toutes ces femmes qui sont des combattantes, comment on va réintégrer les femmes combattantes. Concernant les hommes, il y a un vrai défi à la fois judiciaire parce qu'il va falloir prouver ce qu'ils ont fait.
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