Attentat en Isère : ce que les enquêteurs ont appris après cinq jours de garde à vue de Yassin Salhi
Le procureur de la République de Paris, François Molins, a donné de nouvelles précisions sur l'avancée de l'enquête.
L'enquête sur Yassin Salhi, l'auteur présumé de l'attaque contre l'usine Air Products, en Isère, progresse. Le procureur de la République de Paris a annoncé, mardi 30 juin, l'ouverture d'une information judiciaire pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste. Il a requis la mise en examen de Yassin Salhi et son placement en détention provisoire.
Ce père de famille de 35 ans est soupçonné d'avoir décapité vendredi son employeur, avant de projeter son véhicule contre les bonbonnes de gaz d'une usine de Saint-Quentin-Fallavier (Isère). Voici les dernières avancées de l'enquête.
Le déroulé des faits
D'après François Molins, le procureur de la République de Paris, Yassin Sahli pénètre vendredi au volant de la camionette de la société de transports qui l'employe sur le site Seveso de l'entreprise Air Products puis fonce sur une bonbonne de gaz dans un "premier hangar", vers 9h30. Il se dirige ensuite "dans un second hangar" pour tenter "d'ouvrir des bouteilles d'acétone". Il crie "Allah akbar", explique François Molins. Les pompiers qui le ceinturent retrouvent sur lui "un long couteau" et "un téléphone portable".
Yassin Sahli a expliqué aux enquêteurs "comment il a tué son employeur". Le procureur précise toutefois que l'autopsie réalisée sur le corps dHervé Cornara n'a pas permis de confirmer ou d'infirmer la version du suspect. Des examens complémentaires sont en cours. Il dit "avoir assommé son employeur d’un coup de cric, puis l’avoir étranglé d’une seule main", selon ses déclarations aux enquêteurs. Il se serait ensuite arrêté sur un parking, à 500 mètres de l'usine Air Products, pour décapiter sa victime. Au stade actuel de l'enquête, impossible de dire si la "décapitation a eu lieu ante ou post-mortem", déclare François Molins.
Un "donneur d'ordre" en Syrie ?
Le destinataire du selfie avec la tête de sa victime, envoyé par Yassin Salhi, "dit avoir demandé l'autorisation à l'Etat islamique de pouvoir diffuser ces clichés", a annoncé le procureur de la République.
Cet homme, Sébastien-Younès, est en Syrie depuis 2014 et connaît depuis plusieurs années Yassin Salhi : "La première chose que Salhi a faite après avoir commis ses actes criminels terroristes a été d'envoyer ces clichés à cet individu avec qui il était visiblement régulièrement en relation", a dit le procureur, qui a toutefois jugé "prématuré" de désigner ce jihadiste comme un "donneur d'ordre". Dans ses messages échangés avec des proches vendredi soir, Sébastien-Younès "y indiquait être, je cite, 'une des causes pour lesquelles [Yassin Salhi] a fait ça", a rapporté le procureur.
L'attaque en Isère est bien terroriste
L'attaque de l'usine de Saint-Quentin-Fallavier est bien de nature terroriste et "correspond très exactement aux mots d'ordre de Daech", autre nom de l'organisation Etat islamique, estime François Molins. La tentative de faire exploser une usine chimique "ressemble à une opération martyr", dit encore le procureur, ajoutant que ce caractère terroriste est ainsi établi, en dépit des affirmations de Yassin Salhi. "Selon lui, les mobiles de son acte seraient purement personnels et son acte ne serait pas terroriste. En fait, l'un n'exclut pas l'autre", indique le procureur.
La mise en scène de la décapitation et l'envoi de photos pour une éventuelle revendication correspondent également aux actions de l'EI, estime le procureur. Yassin Salhi est soupçonné d'avoir accroché la tête de sa victime au grillage de l'usine, entourée de drapeaux reproduisant la profession de foi musulmane. Il aurait "acheté [ces drapeaux] la veille" de l'attentat, précise François Molins.
Faisant preuve d'une "mémoire sélective", Yassin Salhi a assuré aux enquêteurs n'avoir aucun souvenir de la mise en scène macabre, ni de l'envoi de la photo, selon le procureur. Et d'ajouter : "Tout son comportement démontre que dès la veille au soir il avait conçu son projet criminel terroriste."
Son parcours
"Il était connu des services de police pour sa radicalisation et sa fréquentation du milieu islamiste radical" depuis 2003, indique le procureur. La sœur de Yassin Salhi a expliqué aux enquêteurs qu'il était parti un an, en 2009, en Syrie, avec sa femme et ses enfants. Proche des milieux salafistes, il a fait l'objet d'une fiche S (de surveillance) entre 2006 et 2008. Les enquêteurs estiment qu'il est alors "proche de la mouvance Forsane Alizza en 2011".
Les entraîneurs de la salle de free fight, un sport de combat violent, que Yassin Salhi a fréquentée après 2009, à Pontarlier (Doubs) ont aussi évoqué "une personnalité parfois sujette à de violentes montées de colère", selon François Molins. "Un de ses entraîneurs a également fait état d'une école coranique que Yassin Salhi lui aurait dit avoir intégré lors de son séjour en Syrie", ajoute le procureur. Enfin, des échanges avec sa femme, via une messagerie instantanée, montrent "qu'il se plaint du manque d'implication religieux" de celle-ci.
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