Enseignant décapité : "Trop c'est trop, ça suffit !", s'insurge le président de la Fondation de l'islam de France
"Lorsqu'on est civilisé on obéit au droit", martèle Ghaleb Bencheikh qui rappelle également que la tradition de l'islam est de respecter "le maître, le professeur, celui qui donne à comprendre, qui transmet le savoir et la connaissance". Il appelle les "théologiens, philosophes, intellectuels musulmans" à entreprendre "une refondation de la pensée".
Depuis l'attentat de vendredi dont Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie a été victime, le ministère de l'Intérieur et la plateforme Pharos [plateforme de signalement des contenus et comportements illicites sur internet] ont identifié 80 messages qui soutiennent l’action de l’agresseur de Samuel Paty, a annoncé dimanche l'Élysée à l'issue du Conseil de défense. Dès lundi, des procédures seront diligentées contre les personnes qui les ont diffusés. "Trop c'est trop, ça suffit, le travail est à mener" pour éviter de tels actes, a déclaré lundi 19 octobre sur franceinfo Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l'islam de France.
Des mesures vont être prises, notamment des contrôles de police chez les personnes ayant soutenu le tueur. Les associations au discours de haine sont également visées. Que pensez-vous des annonces d'Emmanuel Macron ?
Elles sont bonnes, elles arrivent tardivement, mais mieux vaut tard que jamais et c'est ce qu'il faut faire. Il faut faire évoluer le droit, nous sommes dans un État de droit et lorsqu'on est civilisé on obéit au droit.
Avez-vous le sentiment qu'on s'apprête à confondre l'islam de haine et celui que vous défendez ?
Mon horizon c'est la nation française et pourquoi pas au-delà si je suis dans une approche humaniste et de fraternité entre les hommes. Je ne défends pas un islam en particulier.
Les préceptes de bonté, d'amour, de miséricorde ont été bafoués depuis longtemps et avilis par les jihadistes et les extrémistes et il est temps, aussi, que d'un point de vue théologique il y ait une réforme de la pensée théologique et philosophique au sein de la tradition religieuse islamique pour renouer avec ce qui a pu se passer à travers l'histoire.
Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l'islam de Franceà franceinfo
Il est temps de conjuguer un humanisme totalement oblitéré et effacé des mémoires qui a prévalu dans les contextes islamiques avec l'héritage des Lumières. Dans notre pays c'est possible.
Que faut-il faire ?
Il y a trois types de ripostes. Une première, c'est celle que nous avons vue dès hier, elle est d'ordre sécuritaire et de prise de conscience de l'ensemble du peuple de France puisque pour l'instant nous sommes chez nous en France. Deuxièmement, c'est la réponse éducative, culturelle et sociale. Il incombe aux théologiens, aux philosophes, aux intellectuels musulmans d'entreprendre un travail qui dépasse le simple aggiornamento [mise à jour] qui est une refondation de la pensée sur des chantiers titanesques. La liberté, la liberté de conscience, d'expression, l'égalité fondamentale entre les êtres humains, quel que soit le genre, l'orientation métaphysique ou spirituelle, la désacralisation de la violence, l'autonomisation du champ du savoir et de la connaissance par rapport à celui de la révélation et de la croyance et aussi libérer le sujet humain de la pression communautaire, surtout si celle-ci est obsédée par la norme canonique. Ce travail est à mener nécessairement. À chaque fois nous disons que c'est l'attentat de trop, on est sidéré, après la sidération c'est la révolte, on dit que le cauchemar continue mais il n'y a pas de mesures réalisées. Trop c'est trop, ça suffit, le travail est à mener, il faut qu'il porte ses fruits.
Comment le militant Abdelhakim Sefrioui a-t-il pu avoir un rôle aussi important ?
C'est de l'autoproclamation, personne ne l'a mandaté. Je ne sais pas comment il a pu agir de la sorte. C'est une affaire aussi de vigilance de la part des services de sécurité et des renseignements généraux. Maintenant il doit répondre de ce qu'il a fait sur le plan pénal et je le laisse à sa conscience. Le rôle des imams, des aumôniers, des prédicateurs, des cadres du culte, parmi les musulmans doivent aussi avoir un travail de veille, de vigilance, et appeler à vivre au sein de la République selon les lois de la République. Un enseignant ne fait rien d'autre que d'appliquer son programme qui est une émanation de la loi commune. En même temps, il faut conjuguer cela avec la grande tradition au sein de l'islam qui respecte le maître, le professeur, celui qui donne à comprendre, qui transmet le savoir et la connaissance.
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