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Enseignant décapité : "Un certain nombre de profils échapperont toujours à la vigilance", admet le président du Centre d’analyse du terrorisme

"La lutte contre l'islam radical dépasse la seule action des services de renseignement", explique Jean-Charles Brisard. Elle doit "impliquer aujourd'hui beaucoup plus de services de l'État et des collectivités locales" pour faire face à cette menace devenue "de plus en plus imprévible".

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme, ç août 2006. (ABDELHAK SENNA / AFP)

Le jeune meurtrier de Samuel Paty était en contact avec un jihadiste en Syrie, un homme basé à Idlib avec lequel le terroriste a échangé via le réseau Instagram, au cours du mois de septembre. La radicalisation d'Abdoullakh Anzorov remonte à plusieurs mois, selon les déclarations de l'un de ses amis qui a été mis en examen et écroué mercredi. "Un certain nombre de profils échapperont toujours à la vigilance des services. On est face à une menace de plus en plus imprévisible", a expliqué jeudi 22 octobre sur franceinfo Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme.

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franceinfo : Que savez-vous à ce sujet ?

Jean-Charles Brisard : Il a fait l'objet de différents signalements pour des propos, des écrits, sur Twitter également. À cela s'ajoute le fait qu'il était en contact avec un jihadiste sur zone. L'enquête permettra sans doute de déterminer ce qu'il en est précisément. Ce qui est important c'est que l'enquête progresse, le procureur de la République antiterroriste a bien parlé de lien de causalité dans l'enchaînement des faits préalables au passage à l'acte. Cet individu, même s'il a agi seul est le dernier maillon d'une chaîne qui comprend outre des idéologues, des individus qui lui ont fourni une assistance, de l'aide et tout l'enjeu de l'enquête consiste à établir ces faits.

Ce contact avec un jihadiste n'avait pas eu lieu depuis très longtemps dans des attaques terroristes. Qu'en pensez-vous ?

On a des cas dans le cadre de projets d'attentats déjoués ces dernières années, y compris l'an dernier, avec des individus qui sont en relation, avec pas forcément des donneurs d'ordre, mais avec des individus qui prodiguent des conseils opérationnels à des personnes qui sont restées en France. On a eu le cas à plusieurs reprises l'an dernier. C'est quelque chose que l'on connaît depuis 2016, depuis la vague d'attentats. Ce contact met bien en exergue que cet individu baignait dans ce milieu et dans cette mouvance islamiste radicale depuis plusieurs mois.

La détection des personnes radicalisées est-elle une question de moyens ou de structure ?

Pharos [plateforme de la police et de la gendarmerie] a reçu l'an dernier 228 000 signalements, c'est dire l'ampleur du phénomène. Ce sont la plupart du temps des signaux faibles. Il y a un problème de moyens effectivement, Pharos est sous-dimensionné par rapport au nombre de signalements qu'ils reçoivent. Ce n'est pas une cellule permanente, le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs indiqué qu'on allait le rendre permanent. On est de plus en plus face à des profils qui sont inconnus des services de renseignement.

Depuis Mohamed Merah, 60% des individus qui ont frappé la France n'étaient pas connus des fichiers des services de renseignement.

Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme

à franceinfo

C'est la démonstration que la lutte contre l'islam radical dépasse la seule action des services de renseignement. Elle doit impliquer aujourd'hui beaucoup plus de services de l'État, des collectivités locales également parce qu'un certain nombre de profils, dont celui-ci, échapperont toujours à la vigilance des services. On est face à une menace qui est de plus en plus imprévisible. Il faut améliorer les choses, il y a encore beaucoup à faire.

Comment analysez-vous les perquisitions administratives ou visites domiciliaires qui ont eu lieu lundi et celles à venir ? Quelle est l'utilité ?

Il y a le contexte particulier de menace et de tension et ce passage à l'acte qui a eu lieu avec un certain nombre d'individus qui ont joué un rôle en armant idéologiquement cet individu et qui ont par ailleurs eux un environnement propre. On sait que ces individus sont potentiellement un risque pour notre pays. C'est la raison pour laquelle on procède à ces perquisitions qui n'ont pas beaucoup de sens dans la durée, mais dans des situations de tensions extrêmes comme aujourd'hui cela peut avoir un intérêt dans la mesure où on sait qu'il y a un regain de tension de la part de ces individus qui appartiennent à la mouvance islamiste radicale.

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