Modération sur les réseaux sociaux : "Il ne faudrait pas déléguer l'analyse des contenus aux seules plateformes", préconise Nicolas Arpagian
"Il faut rester dans le modèle d'une liberté d'expression avec un contrôle", recommande également Nicolas Arpagian, expert en cybersécurité.
"Il ne faudrait pas déléguer l'analyse préventive des contenus aux seules plateformes parce qu'on voit bien qu'elles ont tendance à censurer ou en tout cas à encadrer la publication d'information", déclare lundi 19 octobre sur franceinfo Nicolas Arpagian, expert en cybersécurité, alors que Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, s'est rendu lundi 19 octobre dans les locaux de Pharos [plateforme de signalement des contenus et comportements illicites sur internet]. La ministre doit également rencontrer mardi 20 octobre les représentants français de Google, Facebook, Twitter, Instagram et Tik-Tok.
franceinfo : Google, Facebook, Twitter, tous sont Américains, est-ce que la France peut les réguler et leur demander plus de transparence ?
Nicolas Arpagian : Ils ont un statut d'hébergeurs, ce qui veut dire que la loi - en principe - leur demande d'intervenir sur signalement. Ils ne sont pas éditeurs, c'est-à-dire qu'ils seraient responsables dès la première seconde de publication, comme peut l'être par exemple franceinfo en tant que média. Actuellement il y a un procès à Paris contre Twitter - reporté pour le moment - mais il est demandé à Twitter de faire plus de transparence sur les moyens mis en oeuvre. Moyens techniques mais aussi moyens humains. Dans le cas de l'acte de vendredi, il y avait bien eu signalement, simplement il y a une interprétation des images ou en tout cas des propos qui sont tenus et donc ça demande une contribution humaine.
Il faudrait donc plus de modérateurs ? De personnes humaines qui décident de ce qui circule sur le réseau social ?
Oui, et il est donc important aussi de renforcer Pharos. En 2019, il y a quasiment eu 230 000 signalements - c'est donc une progression constante du nombre de signalements - pour une petite trentaine d'enquêteurs, policiers, gendarmes... Dès lors qu'il y a un contenu problématique il peut être signalé et c'est très simple de faire ce signalement, en allant sur "internet-signalement.gouv.fr". Il y a toutefois la limite des moyens qui sont actuellement accordés à ce service. Il ne faudrait donc pas déléguer l'analyse préventive des contenus aux seules plateformes parce qu'on voit bien qu'elles ont tendance à censurer ou en tout cas à encadrer la publication d'information. Il faut rester dans le modèle d'une liberté d'expression avec un contrôle et un régime de responsabilité, avec des enquêteurs et des magistrats qui doivent avoir les moyens d'enquêter. Et pour l'instant ils sont trop restreints au regard de l'ampleur des réseaux sociaux.
Comment peut-on expliquer que ces réseaux américains se laissent si peu pénétrer ?
Ils rechignent à être considéré comme des éditeurs parce qu'ils seraient alors responsables. Ils veulent rester au statut d'hébergeurs qui est beaucoup plus confortable puisqu'on ne leur confie pas le traitement éditorial. La seule chose, c'est que ces réseaux sociaux - au fur et à mesure - par leurs algorithmes, façonnent ou en tout cas orientent l'information, en fonction des communautés, de vos centres d'intérêts... Ils doivent avoir à minima un interlocuteur pour que les policiers, les gendarmes de la plateforme Pharos aient rapidement un point de contact et qu'il n'y ait pas de déperdition et ce point de contact doit bien être un individu qui peut répondre, réagir, argumenter pour - le cas échéant - obtempérer.
Est-ce que Marlène Schiappa, qui recevra les représentants français d'Instagram, Facebook, Twitter - peut leur demander cela ?
Elle peut leur demander de faire en sorte d'avoir des structures clairement identifiées de manière à permettre la réactivité. Mais on ne fera pas et on ne doit pas faire l'économie de renforcer les moyens des services de l'Etat et des services d'enquête parce que ça marche sur deux jambes : il faut des enquêtes et il faut que l'Etat ne sous-traite pas ce régime de responsabilité à des plateformes privées. La règle, c'est la liberté d'expression.
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