Cet article date de plus de trois ans.

Rambouillet : ce que l'on sait de l'assaillant qui a tué une fonctionnaire de police

Jamel Gorchene, un Tunisien de 36 ans, était jusque-là inconnu des services de police. Arrivé en France en 2009, il avait obtenu en décembre 2020 une carte de séjour.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des forces de l'ordre mènent des recherches au domicile de l'assaillant ayant tué une fonctionnaire de police, à Rambouillet, le 23 avril 2021.  (BERTRAND GUAY / AFP)

C'est une nouvelle attaque qui endeuille les forces de l'ordre. Un homme a tué une fonctionnaire de police de 49 ans, vendredi 23 avril, en début d'après-midi, dans l'entrée du commissariat de Rambouillet (Yvelines), avant d'être abattu par un policier présent sur place. Les enquêteurs cherchent désormais à retracer le parcours de l'assaillant, Jamel Gorchene, un Tunisien inconnu des services de renseignement, mais dont l'attaque répond aux mots d'ordre jihadistes. Son profil a été décrit par Gérald Darmanin, sur France Inter, comme "à la confluence des quatre problèmes qu'a la France" aux yeux du ministre de l'Intérieur car il s'agit d'"un homme qui n'était manifestement pas détectable, était dans l'islam rigoriste, issu de l'immigration et qui manifestement avait de graves troubles" psychologiques.

Il était arrivé en France illégalement en 2009

Né en Tunisie le 3 octobre 1984, Jamel Gorchene était arrivé en France en 2009. Resté en situation irrégulière pendant environ dix ans, "il avait bénéficié en 2019 d'une autorisation exceptionnelle de séjour salarié, puis d'une carte de séjour en décembre 2020, valable jusqu'en décembre 2021", a précisé le parquet national antiterroriste. Jamel Gorchene travaillait en tant que chauffeur-livreur, a appris France Télévisions de source proche de l'enquête.

Sur sa page Facebook, le trentenaire écrit être originaire de M'saken, sur la côte est de la Tunisie, relève l'AFP. Il vivait dernièrement à Rambouillet, ville tranquille de près de 26 000 habitants située dans les Yvelines, au sud-ouest de Paris. Selon une source proche, l'auteur des faits avait été hébergé à Thiais (Val-de-Marne). Il logeait aussi chez son père. 

Sa radicalisation est jugée "peu contestable" 

Le père de Jamel Gorchene, placé en garde à vue samedi avant d'être remis en liberté mardi, a décrit son fils comme ayant une "pratique rigoureuse de l'islam". L'exploitation de son téléphone portable a montré qu'il avait consulté "des vidéos de chants religieux glorifiant le martyr et le jihad" avant d'attaquer sa victime, selon le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, estimant que sa radicalisation "paraît peu contestable".

Un peu plus tôt le jour de l'attaque, une caméra de vidéosurveillance l'avait filmé se dirigeant vers "une salle de prière provisoire", a ajouté le procureur, sans que les images ne permettent de savoir s'il y était entré. Un Coran et un tapis de prière avaient été retrouvés dans le scooter et le sac avec lesquels il s'est rendu au commissariat.

L'étude de son profil Facebook a montré que, jusqu'en 2020, ses posts publics sont presque exclusivement consacrés à la défense de la communauté musulmane, à la lutte contre l'islamophobie ou aux propos du polémiste Eric Zemmour. Mais à partir d'avril 2020, au moment du confinement, il ne publie plus que des prières pieuses et des versets coraniques.

En octobre 2020, quelques jours après l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie par un jeune islamiste de 18 ans d'origine tchétchène, Jamel Gorchene avait changé sa photo de profil et rejoint une campagne intitulée "Respectez Mohamed prophète de Dieu". Ce que le procureur a décrit comme témoignant d'"une adhésion à une idéologie légitimant la violence contre ceux ayant offensé le prophète".

Il a repéré la victime avant de l'attaquer

Selon le procureur, des témoins affirment que l'assaillant a effectué des repérages devant le commissariat dans les minutes précédant l'attaque. Des sources proches de l'enquête affirment à France Télévisions qu'il était sur place dix minutes avant de passer à l'acte. C'est à 14h25, selon le procureur, qu'il s'est engouffré dans le sas du commissariat de Rambouillet, poignardant mortellement Stéphanie M. à la gorge et à l'abdomen avec un couteau. Des témoins disent l'avoir entendu crier "Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand").

Jamel Gorchene semble avoir repéré sa victime, qui ne portait pas d'uniforme, alors qu'elle sortait régler son disque de stationnement, avant de s'en prendre à elle alors qu'elle revenait à l'intérieur du bâtiment. Un brigadier de police a ensuite ouvert le feu sur lui à deux reprises. L'assaillant a succombé à ses blessures, après avoir lancé son couteau en direction des policiers. 

Ces "éléments de repérage" sont une des raisons pour lesquelles le parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi de l'enquête, expliquait le procureur Jean-François Ricard dès le soir de l'attaque. Le mode opératoire correspond aux appels récurrents du groupe Etat islamique à s'attaquer aux forces de l'ordre.

Il était inconnu des services de police

L'assaillant était jusque-là inconnu des services de renseignement et de la justice français, ainsi que des services tunisiens. Son seul antécédent en France était une contravention en lien avec la conduite de son scooter. 

Il "n'avait pas été porteur de menaces, on n'avait pas détecté de signes de radicalisation", a déclaré samedi le coordonnateur national du renseignement Laurent Nuñez. Mercredi, Gérald Darmanin l'a décrit comme "manifestement pas détectable" ni "dans aucun réseau".

Si l'enquête a notamment été ouverte pour "association de malfaiteurs terroriste", et doit déterminer si Jamel Gorchene a bénéficié d'éventuels soutiens, les cinq personnes placées en garde à vue entre vendredi et dimanche – son père, deux de ses cousins et un couple qui l'a domicilié administrativement – ont toutes été remises en liberté mardi soir, sans poursuites à ce stade.

Il présentait des "troubles de la personnalité"

"Si la radicalisation de l'agresseur paraît peu contestable, la présence de certains troubles de personnalité a pu aussi être observée", a expliqué le procureur antiterroriste. Son père, notamment, a expliqué avoir constaté "des troubles de comportement chez son fils en début d'année". Plusieurs personnes ont également assuré l'avoir trouvé "dépressif" dernièrement.

A sa demande, Jamal Gorchene avait bénéficié de deux consultations psychiatriques le 19 et le 23 février, mais "il semble que son état n'a nécessité ni hospitalisation ni traitement", a expliqué le procureur. Il s'est ensuite rendu en Tunisie du 25 février au 13 mars, pour la première fois depuis son arrivée en France.

Mercredi, Gérald Darmanin a par ailleurs évoqué la découverte d'"images pédopornographiques dans son téléphone, dans ses supports informatiques". Un fait qui n'avait pas été évoqué par le procureur, mais dont France Télévisions a eu confirmation de source proche de l'enquête.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.