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Témoignage Assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray : "Je n’ai pas voulu bouger pour ne pas qu’ils ne viennent me finir", témoigne un rescapé de l'attentat

Le procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray s'ouvre lundi 14 février, devant la cour d'Assises spéciale de Paris. Il y a cinq ans ans et demi, le 26 juillet 2016, Guy Coponet assistait à la messe durant laquelle le prêtre, Jacques Hamel, a été tué.

Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Guy Coponet (à gauche) aux côtés de son avocat Maître Méhana Mouhou, le 3 février 2022. (LAURAINE DELANOE / RADIOFRANCE)

Guy Coponet fêtait ses 87 ans ce jour-là. Il en a 92 aujourd’hui. Ancien salarié d’une centrale de papeterie en Normandie, il a été marié pendant 68 ans à Janine, son épouse, décédée l'an dernier, qui était là aussi à la messe, dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 26 juillet 2016. Il raconte. 

"La messe s’est passée comme d’habitude. Le père Jacques était content, il partait en vacances avec sa famille. Ça s’est déroulé normalement, on n’était pas nombreux, 5 ou 6, c’était pendant les vacances."

En cours de messe, quelqu’un a frappé à la porte de la sacristie. Une des sœurs est allée ouvrir. C’est quelqu’un qui venait voir le père. Elle lui a dit "Il est occupé pendant l’office. Après l’office il vous recevra. Attendez d’ici un quart d’heure, vingt minutes." Et à la fin, quand il n’y avait plus de bruit, ils ont ouvert la porte de la sacristie et il sont entrés. Brutalement, en donnant des ordres : "Bougez plus !"

Guy Coponet

à franceinfo

Saint-Etienne-du-Rouvray : le témoignage de Guy Coponet, rescapé de l'attentat, sur franceinfo

Alors j’ai serré le mieux que je pouvais ma gorge, pour éviter que ça saigne de trop. J’ai fait le mort. J’avais mal dans le dos… Mais je n’ai pas voulu bouger pour ne pas qu’ils ne viennent me finir. Ça a duré un bon moment.

Guy Coponet

à franceinfo

"C’est mon ange gardien"

Guy Coponet raconte : "On se pose des questions, on finit par penser à toute la vie qu’on a eu avant, prier tous ceux qu’on prie d’habitude, les Saints. Et puis c’est bizarre, dans les yeux j’ai vu une couleur que je ne connaissais pas. C’était un bleu, mais un bleu que je n’avais jamais vu. Et je ne l’ai jamais retrouvé d’ailleurs, la teneur de ce bleu-là. Pendant ce temps-là, j’entendais ce qu’il se passait. Les discussions qu’ils ont eu avec les sœurs [les religieuses qui assistaient à la messe]. Dans tout ça, il y a Sœur Danièle, en cours de route pendant ces explications avec les gars, elle est arrivée à sortir chercher du secours. C’est mon ange gardien."

Comment se sent-il, 5 ans et demi après ?

"Physiquement ça va. Côté moral, ça va toujours. Mais mon épouse est décédée l’année dernière. On s’aimait tellement. On prenait la vie comme un don. Alors ce moral-là, c’est difficile. On allait à la messe tous les deux une fois par semaine à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Maintenant, en sortant de l’église, je vais au cimetière et je prie avec elle. Elle est toujours là. Ça a changé complètement notre vie, ce qu’il s’est passé le 26 juillet 2016. Bêtement, je vais dire, ça nous a fait grandir, on voit la vie autrement."

Guy Coponet et sa fille Anne Garcia, le 3 février 2022. (LAURIANE DELANOE / RADIO FRANCE)

Qu'attend-il du procès ? 

"Il faut trouver les vrais responsables, ceux qui ont fomenté ça, qui ont fait le montage de ce massacre. C’est ceux qui ont donné des ordres, qui ont – à mon avis – complètement embrouillé la tête de ceux qui l’ont fait. Pour qu’un homme en arrive à ce point-là, à tuer quelqu’un, il faut qu’il y ait une ressource qui l’ait remonté à tel point que… Alors le procès, je ne dis pas punir, c’est même pas ça..." Guy Coponet soupire. "Peut-être qu’on aura un pardon de ceux qui ont provoqué tout ca ? Il faudrait que ca aille jusque-là, à la limite. Mais qu’est-ce qu’on va leur dire ? Comme dirait le Seigneur, "Ils ne savent pas ce qu’ils font"."

Quatre hommes sont jugés dans ce procès : l'un pour complicité, Rachid Kassim, absent, il est présumé mort en Irak en 2017. Les trois autres pour "participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle". Ces trois accusés, de 25, 27 et 36 ans, seront présents au procès, ils encourent jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle.

En tant que fervent catholique, a-t-il pardonné ?

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