Un an après la mort de Nahel à Nanterre, le point sur l’enquête
Il y a un an, le 27 juin 2023, Nahel, 17 ans, était tué par un policier alors qu’il avait refusé d'obtempérer dans une rue de Nanterre (Hauts-de-Seine). Après ce drame, trois nuits d'émeutes intenses ont eu lieu à travers la France. Mais qu’en est-il, un an après, de l’information judiciaire sur cette affaire devenue un symbole de la lutte contre les violences policières ?
Depuis presqu'un an, Florian M., policier de 38 ans, qui appartenait à la compagnie territoriale de sécurité routière des Hauts-de-Seine, est mis en examen pour homicide volontaire. Après la mort de Nahel, il a été placé pendant cinq mois en détention provisoire. Une décision judiciaire qui avait beaucoup ému dans les rangs de la police nationale, jusqu’au directeur général, Frédéric Veaux.
Dans une interview au Parisien, il avait alors considéré qu'"avant un éventuel procès, un policier n’avait pas sa place en prison". En novembre 2023, le fonctionnaire a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Il n'exerce plus son métier pour l’instant, même s’il n’en a pas l’interdiction. Il est seulement soumis depuis les faits à une interdiction de port d'arme. Ce policier est accusé d'avoir effectué le tir mortel dans la poitrine de Nahel, âgé de 17 ans. L’adolescent conduisait sans permis, de manière erratique dans Nanterre au volant d'une voiture de sport jaune de la marque Mercedes.
Ce matin-là, Florian M. prend en chasse le véhicule de Nahel, avec son collègue Julien L. Les deux policiers à moto, dans un premier rapport d’intervention – la fiche Pégase, sorte de journal de bord des policiers – avaient justifié leur ouverture de feu en disant que le conducteur avait essayé de repartir en leur fonçant dessus. Cette version a immédiatement été contredite par une vidéo de la scène tournée par un témoin et diffusée massivement sur les réseaux sociaux.
Florian M. a ensuite continué d'expliquer que, même si, en effet, il se situait sur le côté de la voiture de Nahel, il avait agi pour stopper un danger immédiat qui le menaçait, lui, son collègue et les autres personnes qui circulaient autour, surtout les piétons.
Des zones d'ombre encore présentes
De nombreux actes d’enquête ont été réalisés depuis un an. L’instruction devrait être terminée dans les prochains mois. Il y a eu évidemment les interrogatoires des différents témoins et protagonistes notamment de Florian M. et Julien L.
Il y a eu l’autopsie et des expertises pour établir dans quelle mesure Nahel, qui a des traces de coup sur le bras, a pu être ou non frappé par les policiers. Il y a eu la reconstitution des faits in situ le 5 mai dernier. C’était une reconstitution quasi seconde par seconde qui a pris 14 heures aux juges d’instruction. Il y a eu enfin le travail sur les vidéos de la scène pour tenter de définir ce que les agents ont crié à l'adolescent avant le tir. "Coupe-le" (sous-entendu le moteur) ou "Shoote-le", deux versions s'opposent : les analyses n'ont pas permis d'établir avec certitude les mots prononcés.
L'enjeu de chaque investigation dans ce dossier est d’établir dans quelle mesure les policiers étaient en danger immédiat au moment du tir. Si au terme de la procédure, la justice devait renvoyer le policier mis en examen, Florian M., devant une cour d’assises, cette question de la légitimité de son geste sera au cœur des débats.
Une marche "contre l'impunité policière" renommée à la veille des législatives
En attendant, les deux parties campent sur leurs positions. "Même si tout le monde regrette l'issue létale, le tir qu'a effectué mon client était légitime, conforme à la loi. Il n’y a eu de sa part aucune infraction et s’il a certes ôté une vie, son geste a permis d'en sauver d'autres", commente Me Laurent-Franck Liénard, conseil de Florian M. "La scène a été extrêmement rapide et son analyse est assez simple. Nous espérons que la justice nous donnera raison", ajoute-t-il.
L’avocat vient d’obtenir une première victoire dans un autre dossier, qui a beaucoup de similitudes avec celui de la mort du jeune Nahel. Il s’agit du dossier concernant la mort d’un homme de 24 ans en septembre 2022 avenue Henri-Matisse à Nice. La victime a été tuée par le tir d’un policier qu’il ne menaçait pas d’après les images tournées par un voisin. Fin mai, le parquet de Nice a annoncé malgré cela qu’il demandait un non-lieu. Aux juges de se prononcer désormais.
Ces réquisitions sont justifiées par les dispositions législatives créées en février 2017 dans la loi dite "Cazeneuve" – et dénoncées par de nombreux proches de victimes et militants comme un "permis de tuer". Dans l’affaire Nahel, l’avocat de la mère de l’adolescent, Me Nabil Boudi, explique que tout dans le dossier démontre que le policier auteur du tir ne se trouvait pas dans la trajectoire de la voiture, qu’il n'était pas en situation de danger et que son tir n'était donc ni nécessaire ni justifié. Un an après la mort de son fils, il y a encore "un sentiment de colère" chez la mère de Nahel, selon l'avocat invité de franceinfo, jeudi 27 juin. "Mounia est une mère seule, une mère attristée. Il y a un grand manque dans sa vie et ça, c'est quelque chose que l'enquête ne pourra pas combler. C'est quelque chose que le deuil ne pourra pas combler. Tous les jours, elle se réveille sans son fils. C'est une mère seule", a-t-il ajouté.
Sa cliente toujours très éprouvée un an après la mort de son fils souhaitait à l'origine organiser samedi 29 juin un rassemblement "contre l'impunité policière" à Nanterre, mais, avec la tenue du premier tour des élections législatives le lendemain, l’évènement, sous ce nom, devenait risqué en termes de sécurité. La situation l'a poussée à modifier l’intitulé du rendez-vous : ce sera une marche silencieuse à la mémoire de Nahel.
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