Violences à Dijon : trois questions sur la communauté tchétchène en France
La ville de Dijon est le théâtre d’affrontements entre deux groupes depuis plusieurs jours. Ces expéditions violentes auraient été lancées à la suite de l’agression d’un jeune homme issu de la communauté tchétchène.
Après quatre nuits de violence, le calme est revenu dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 juin à Dijon (Côte-d'Or). Les affrontements dans le quartier des Grésilles ont éclaté après l'agression d'un jeune Tchétchène. Des hommes cagoulés et armés se sont opposés. D’un côté, des habitants du quartier qui seraient liés à des trafics de drogue, de l’autre, des personnes qui se revendiquent de la communauté tchétchène. Qu’en est-il de la diaspora tchétchène en France ? La cellule Vrai du Faux vous donne des éléments de réponse.
1Combien sont-ils ?
La Tchétchénie n’est pas reconnue comme un pays souverain. Elle fait partie des républiques de la fédération de Russie, ses ressortissants sont donc considérés de nationalité russe. Il n’existe aucun chiffre officiel pour savoir combien de Tchétchènes sont en France, mais les données de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) permettent de faire des estimations. Dans son rapport rendu le 12 juin, il estime que 16 120 Russes font l’objet de la protection de la France au 31 décembre 2019. A ce chiffre, il faut ajouter les premières demandes d’asile formulées en 2019. L’Ofpra en compte 2 906 pour la nationalité russe. La plupart (60%) seraient issus du Caucase du Nord et sont notamment tchétchènes ou daghestanais.
Mais pour Aude Merlin, professeure de sciences politiques à l'Université libre de Bruxelles, ils seraient beaucoup plus nombreux, "“entre 65 000 et 70 000 d’après les estimations les plus récentes”, car "il faut compter tous ceux qui n’ont pas de papiers, ceux qui sont 'dublinés' dans un autre pays." La procédure Dublin impose aux migrants depuis 2013 de déposer une demande d’asile dans le premier pays où ils ont été contrôlés et laissé leurs empreintes digitales. "Mais aussi ceux qui ont demandé et obtenu une nationalité dans leur pays hôte en Europe et qui vivent en France", termine-t-elle.
2Pourquoi ont-ils quitté leur région ?
C’est lors de la seconde guerre de Tchétchénie, à l’aube des années 2000, que de nombreuses personnes se sont déplacées. Le nombre de demandeurs d'asiles en France venant de Russie a alors doublé, passant de 1 700 à 3 000 en l'espace de quatre ans. A l'époque, la principale raison invoquée par les candidats à l'asile était l’arrestation d’un proche soupçonné de participer à la guérilla.
"Ils se sont exilés parce que la guerre menée par les troupes russes était extrêmement violente et brutale. Elle touchait essentiellement la population civile, avec des violations massives qui ont été largement documentées par toutes les organisations des droits de l'homme, y compris russes et internationales", précise Anne Le Huérou, auprès de France Culture. La spécialiste de la Russie contemporaine indique que la Cour européenne des droits de l’homme continue régulièrement de condamner la Russie pour ses "exactions et ses violations".
Aujourd’hui, c’est un président pro-russe Ramzan Kadyrov qui est au pouvoir. Il est accusé d'atteintes aux droits de l'Homme, avec notamment de nombreux témoignages concernant des disparitions ou des cas de tortures envers les homosexuels en 2017. Cette répression mais aussi "la mafia et les vendettas" organisées, poussent toujours des Tchétchènes à quitter leur pays chaque année.
3Où sont-ils présents en France ?
Les affrontements de Dijon ne sont pas représentatifs du nombre de Tchétchènes dans cette région. Selon Aude Merlin, "il y aurait une vingtaine de Tchétchènes vivant à demeure, c'est-à-dire quelques familles. Alors que des villes comme Nice, Strasbourg, Toulouse, Albi ou Clermont-Ferrand abritent des centaines voire plusieurs milliers de Tchétchènes". Cette répartition est notamment due aux lieux où ont été conduits les déplacés, dans les Centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). "Il y a donc une population relativement importante dans l’est de la France, autour de Strasbourg mais aussi en région parisienne", justifie Anne Le Huérou.
En Europe, les recherches de Olga Bronnikova, docteure en géographie et en études russes, montrent que la diaspora tchétchène est surtout présente en Belgique : "Les associations d’aide aux réfugiés russes déconseillent d’aller en France en raison de la faiblesse de son système de prise en charge sociale des demandeurs d’asile, à la différence de pays tels que la Belgique voisine." Actuellement, "beaucoup de demandeurs d’asile sont en Pologne", ajoute Anne Le Huérou. Cette situation peut s’expliquer par la procédure Dublin. La Pologne est souvent le premier pays que les Tchétchènes rencontrent sur leur route vers l'Europe centrale.
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