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A Cernay, les électeurs FN n'ont presque pas vu la droitisation de Sarkozy

Nicolas Sarkozy s'est rendu, deux jours après les résultats du premier tour, dans cette petite commune adossée à Mulhouse, au fin fond de l'Alsace, pour tenter de convaincre les 26% d'électeurs FN. Avec quel résultat ? Reportage.  

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Deux affiches électorales du premier tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2012 à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

"C'est pas ce qu'on voulait, alors c'est dur." Simone, 55 ans, tripote le ticket perdant d'un jeu de grattage, assise sur un banc du centre-ville de Cernay (Haut-Rhin). Avec le look de celles qui ne renoncent pas à paraître jeunes, minijupe, décolleté ultra-plongeant qui laisse voir son soutien-gorge, au premier tour elle "a voté Marine sans hésiter", mais pour le second, elle est désemparée.

Simone a été "écouter Sarko" quand il est venu, mardi 24 avril, deux jours après le premier tour, s'adresser aux électeurs du Front national dans cette petite ville alsacienne de près de 11 000 habitants. Mais l'ancienne femme de ménage n'est pas plus avancée. "Pour dimanche, pfff", elle gonfle ses joues d'hésitation mais ne se prononce pas. "Peut-être que s'il est réélu, il rattrapera ses bêtises", dit sans conviction celle qui voulait surtout "le voir en vrai" mais a dû se contenter d'un écran géant.  

Simone, 55 ans est "très déçue". Elle aurait aimé que Marine Le Pen soit au second tour.  (SALOME LEGRAND / FTVI)

"La télé est dans tous les ménages, les gens voient les problèmes d'intégration" 

"Les gens sont excédés par les conneries qui lui collent à la peau depuis le début du mandat", reconnaît volontiers Michel Sordi, maire de Cernay depuis 1995 et député UMP depuis 2002. Il est "un peu surpris" que Marine Le Pen (qui a recueilli 26,5% des suffrages le 22 avril) soit arrivée, de justesse, devant Nicolas Sarkozy (26,33%). Mais pas tant que ça : "La télé est dans tous les ménages, les gens voient les images, les problèmes d'intégration et ça les exaspère !"  Et puis bon, "les gens me le disent, ils veulent bien faire des efforts dans cette période de crise, mais que les immigrés aient droit à la CMU alors qu'eux doivent payer une complémentaire à leurs parents…", raconte l'élu, en bras de chemise Lacoste rose pastel, les cheveux grisonnants bien peignés vers l'arrière.

Michel Sordi, député-maire de Cernay (Haut-Rhin) "un peu étonné" que le FN arrive devant Nicolas Sarkozy, dans son bureau le 3 mai 2012. (SALOME LEGRAND / FTVI)

C'est presque mot pour mot ce que dit Marc, ancien ouvrier du secteur nucléaire, qui vit avec 900 euros par mois : "La Sécu quand il vous manque un papier, ils vous renvoient chez vous, alors que les étrangers, ils leur remplissent leurs documents."  Lui qui n'a pas "l'impression d'exister, puisqu'on ne parle jamais des gens comme lui, malades avec une toute petite retraite" vote FN depuis dix ans. De toute façon, il n'est "pas d'accord avec tous les étrangers qui courent à droite à gauche. Attention, pas ceux qui sont biens qui travaillent, mais les crapules qui vivent sur notre dos"

Depuis cinq ans, "qu'est-ce qui change ?" 

"Le FN pose souvent les bonnes questions mais apporte les mauvaises réponses", concède Michel Sordi, content que Nicolas Sarkozy ait "fait des propositions en ce sens" pour conditionner l'accès aux prestations sociales, à un travail et une présence dans l'Hexagone, même s'il est plutôt du genre intarissable sur le nécessaire codéveloppement économique entre les deux rives de la Méditerranée.

Marc, retraité du secteur nucléaire voit bien "les discours forts de Sarkozy depuis cinq ans mais rien ne change". (SALOME LEGRAND / FVTI)

"Ça fait cinq ans que Sarkozy fait des discours très forts. Et qu'est-ce qui change ? Rien !", s'agace Marc derrière ses petites lunettes discrètes. Un sentiment que partage Christelle, 40 ans, un œil rivé sur ses trois enfants qui courent dans l'aire de jeu ombragée. "C'est de la pub, juste pour se faire réélire", tacle la ronde quadra, qui rit beaucoup en reconstituant l'expression "faut pas se voiler la face". Elle qui a dû aller aux Restos du cœur en 2009 et 2010 parce que son mari, chauffeur routier, "ne trouvait pas de boulot" est catégorique : "C'est l'euro qui nous fout dans la merde !" Et de souhaiter aussi le rétablissement des frontières au passage. Quant à dimanche, elle n'est même pas sûre d'aller voter.

"C'est pas que les racistes, les idiots et les débiles qui votent FN"

Derrière son comptoir, Fabienne la patronne de "Chez Aldo" entend de tout. Elle-même a vraiment hésité avant de finalement voter Sarkozy, vu qu'elle "n'a pas vraiment été embêtée par des étrangers personnellement". Elégante, le regard qui pétille sous un discret maquillage nacré, elle les entend au quotidien, les électeurs du FN, et estime à la louche que pas plus de la moitié des voix de Marine Le Pen se reporteront sur le candidat UMP. "C'est pas que les racistes, les idiots et les débiles qui 'la' votent", explique-t-elle. Mais elle pense surtout que si Sarkozy avait été "plus loin" dans la droitisation, "ça aurait mieux marché". Le tout en mimant le lancer d'une petite canne à pêche.  

Jean-Pirre, "alcoolique mais pas assisté", a voté Sarkozy dès le premier tour et tente de convaincre ses amis pour dimanche, à la terrasse de "chez Aldo". (SALOME LEGRAND / FVTI)

A la terrasse, Jean-Pierre, deux demis de Météor, la bière alsacienne indépendante, et deux ballons de rosé ingurgités à 12h30 tente de convaincre Corinne, une amie qui passait juste chercher une salade chez sa fille. "Vote Sarkozy ! Je l'aime pas mais je vois personne d'autre", supplie-t-il. Elle est dans le flou. Autant Marine Le Pen, c'était une évidence, surtout depuis "qu'on (lui) a dit que les socialistes voulaient faire passer l'arabe en première langue vivante étrangère à l'école".

Ou que sa fille a des doutes sur la cantine : "S'ils ont TOUS mangé de la viande la dernière fois, c'est que ça devait être halal non ?", chuchote-t-elle, tout soupçon. "Sarkozy c'est que pour les riches", mais Hollande lui "fait très peur", son mari va voter blanc. Malgré les arguments de Jean-Pierre, "alcoolique mais pas assisté", pour la convaincre, elle repart, salade sous le bras, toujours indécise, la teinture rouge de ses cheveux très courts ravivée par le rayon de soleil.

"Nicolas Sarkozy a essayé de répondre à des attentes"

Il n'y a guère que Rodolphe, de la maison de la presse, pour qui "il n'y a pas photo, Le Pen au premier, Sarkozy au second". Et la jeune boulangère, toute frêle derrière le présentoir de pâtisseries crémeuses, elle aussi sûre de voter pour le candidat UMP dimanche.

La rue principale de Cernay (Haut-Rhin), jeudi 3 mai 2012. (SALOME LEGRAND/ FTVI)

"C'est pas Hollande qui va arrêter l'immigration trop importante et faire en sorte que ça bouge", explique-t-elle, aussi agacée par le fait que "les travailleurs paient pour ceux qui ne veulent pas bouger leurs fesses". "Nicolas Sarkozy a écouté ce que les gens avaient à dire et essayé de répondre à des attentes", raisonne Michel Sordi dans son grand bureau municipal, avant de filer à un rendez-vous "terrain". Lui qui, même réélu dès le premier tour aux législatives de 2007, reste pour cette année "très prudent, on peut tout imaginer"

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