A Tremblay, Nicolas Sarkozy a tenu mardi un discours de fermeté face à l'insécurité et au trafic de drogue en banlieue
"Aucune commune, aucun quartier, aucun hall d'immeuble de Seine-Saint-Denis n'échappera à l'autorité de la loi", a déclaré le chef de l'Etat, venu installer le nouveau préfet du département Christian Lambert.
Il a par ailleurs indiqué que lesallocations familiales seraient "systématiquement" suspendues en cas d'"absentéisme scolaire injustifié".
Le chef de l'Etat a fait de la ville de Tremblay-en-France le symbole d'une "lutte sans merci". Il a promis que "la République ne reculera pas d'un millimètre" et a assuré avoir "décidé avec le nouveau préfet Christian Lambert" "une action en profondeur" à Tremblay et Sevran pour "lutter contre les trafics et les trafiquants".
Le 31 mars à Tremblay, un bus avait été partiellement incendié et un autre caillassé, à la suite d'un vaste coup de filet policier contre des trafiquants de drogue dans la cité de la commune. A Sevran, un homme est récemment décédé lors de violents affrontements entre bandes rivales, là encore sur fond de trafic de stupéfiants.
Les chauffeurs de bus des Courriers d'Ile de France (CIF) du dépôt de Tremblay ont décidé de reprendre le travail mercredi, après presqu'une semaine d'arrêt.
"Tous les jours, il y aura des actions de police contre les trafics et les trafiquants. Vos lignes de bus seront sécurisées" et "il y aura dans chaque bus une liaison directe avec la police, de façon à pouvoir localiser le bus pour ne pas perdre de temps", a détaillé le chef de l'Etat mardi. "Vous avez décidé d'exercer votre droit de retrait, je peux le comprendre", a déclaré le président aux chauffeurs dont les bus avaient été attaqués.
"Ce que vous avez vécu n'est pas tolérable. Mais en même temps, il faut avoir conscience que le retrait, ça pénalise la population qui n'y est pour rien. Pour eux, ce serait la double peine", a-t-il poursuivi.
Suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire
Par ailleurs, le président Nicolas Sarkozy a annoncé lors de son discours à Bobigny que les allocations familiales seraient "systématiquement" suspendues en cas d'"absentéisme scolaire injustifié".
"Désormais, la décision de suspendre les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire injustifié et répétitif d'un élève devra avoir un caractère systématique", a déclaré Nicolas Sarkozy.
Un projet de loi sera déposé à l'Assemblée nationale "dès la semaine prochaine pour aller dans ce sens", a ajouté le chef de l'Etat. Il sera défendu par le député UMP Eric Ciotti, qui a précisé qu'il s'agissait de "placer l'inspecteur d'académie au coeur du processus".
Le SNPDEN, principal syndicat des chefs d'établissement, a dénoncé mercredi "l'instrumentalisation" des problèmes de violence à l'école et d'absentéisme scolaire, faite selon lui par Nicolas Sarkozy, en critiquant des "effets d'annonce".
Dans un communiqué, il "souligne l'écart considérable qui sépare les propositions avancées lors des états généraux sur la sécurité à l'école, qui préconisaient notamment de développer les médiations et les liens avec les familles, et celles faites par le chef de l'Etat".
Concernant la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire "injustifié et répété", le SNPDEN y voit "une mesure ancienne qui n'a jamais fait la démonstration de la moindre efficacité".
"Quant à la proposition de demander aux 53 chefs d'établissements scolaires +particulièrement sensibles d'installer un bureau destiné au policier référent+, elle paraît en l'état plus caricaturale qu'efficace", ajoute-t-il." "La lutte contre la violence scolaire requiert une approche rationnelle et non émotive. Les états généraux ont été une démarche en ce sens; il est regrettable que moins de 15 jours après ceux-ci, les propositions faites soient ainsi balayées", concluent les chefs d'établissement.
Le Syndicat des Inspecteurs d'Académie (SIA) a souligné en réaction que la suspension des allocations constitue "une violence financière forte, et même très forte pour certaines familles". "Ces annonces, un peu à l'emporte-pièce, veulent frapper l'opinion, mais ensuite on ne peut pas les appliquer, notamment car cela crée de la pauvreté", a réagi Robert Prospérini, secrétaire général du SIA.
"Ce n'est pas nouveau : les inspecteurs d'académie, comme garants de l'obligatoire scolaire, sont déjà au coeur du dispositif; ce sont eux qui doivent convaincre les familles que leurs enfants aillent à l'école", a poursuivi M. Prospérini.
"Mais ce sont souvent des familles en difficultés sociales. On essaye de faire intervenir la protection sociale de la jeunesse et les services sociaux, et supprimer les allocations n'est pas toujours la bonne solution. Il faut savoir doser avec beaucoup de doigté. Convaincre les familles est souvent plus efficace", a-t-il ajouté.
Le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, a dit mercredi qu'il préférait "la notion de contrat" passé avec les familles d'élèves absentéistes à une "sanction" telle que la suspension des allocations familiales. "Je pense qu'augmenter la précarité n'est pas une bonne solution, mais laisser la déresponsabilisation parentale n'est pas non plus une bonne solution", a déclaré M. Delevoye au micro de RMC.
Martine Aubry, secrétaire génarale du Parti socialiste est revenu sur les principales décisions soutenues par Nicolas Sarkozy, estimant que les allocations familiales supprimées en cas d'absentéisme scolaire, "ça n'a jamais marché" ; placer un policier référent dans les collèges ne remplacera pas les 25.000 postes de surveillants supprimés par la droite depuis 2002 ; et interdire les rassemblements dans les halls d'immeuble, "Nicolas Sarkozy a déjà fait voter une loi dessus il y a deux ans", a-t-elle attaqué.
Ségolène Royal a dénoncé de son côté la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, doutant "franchement" qu'"affamer les petits frères des adolescents délinquants" puisse être la bonne solution.
Elle a réitéré sa proposition de reverser les allocations familiales à l'établissement scolaire de l'élève absent, afin qu'elles soient "utilisées dans l'intérêt de l'enfant".
Marine Le Pen, vice-présidente du Front national (FN), a estimé qu'avec le discours sur la sécurité en banlieue le président Nicolas Sarkozy devient "pathétique", et le 93 "la scène favorite de son théâtre électoraliste permanent".
Un nouveau préfet installé à Bobigny
Christian Lambert, ancien chef du Raid, a été installé mardi à la préfecture de Bobigny. Le préfet de 63 ans, jusque-là directeur de cabinet du préfet de police de Paris, après avoir été chef du Raid, unité d'élite de la police nationale, et patron des Compagnies républicaines de sécurité, a été nommé préfet de Seine-Saint-Denis le 7 avril en conseil des ministres.
Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il demandait en premier lieu au nouveau préfet de Seine-Saint-Denis d'y affirmer l'autorité de l'Etat.
Christian Lambert remplace Nacer Meddah, premier préfet francilien issu de l'immigration, resté 15 mois en poste à la tête de la Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus sensibles en termes de sécurité et de difficultés socio-économiques.
"Pour ce département, il faut des moyens de droit commun, mais exceptionnels. Mais où sont les moyens? Il n'y a ni les moyens ni la méthode globale", a critiqué Nacer Meddah devant des élus et responsables du département avant son départ.
Les élus de Seine-Saint-Denis réclament des moyens
C laude Bartolone, député PS et président du Conseil général, a déploré "un manque cruel de policiers" et demandé "une véritable police républicaine, renforcée de 400 policiers".
Le député PS Daniel Goldberg lui a fait écho, affirmant qu'"on a besoin en Seine-Saint-Denis d'une police qui soit là quand il ne se passe rien". "Je crains qu'on soit dans la police d'intervention mais pas dans la police du quotidien", a-t-il déclaré après le discours présidentiel."Il est important que la police connaisse la population et réciproquement, cela permettra le respect mutuel", a-t-il ajouté.
Même constat chez Didier Mignot (PCF), au Blanc-Mesnil, qui a demandé "plus de moyens humains": selon lui, alors qu'il y avait 140 policiers dans sa ville en 1999, il n'y en a plus que 114 aujourd'hui, alors que le Blanc-Mesnil compte 5.000 habitants en plus.
Les maires, comme Stéphane Gatignon (Verts) à Sevran, sont nombreux à demander une Unité territoriale de quartier (Uteq). Ces brigades de proximité sont déployées dans une trentaine de quartiers en France, mais des doutes persistent sur leur avenir.
Xavier Lemoine, maire UMP de Montfermeil, dont la ville bénéficie justement d'une Uteq, souhaite que d'autres territoires puissent en bénéficier aussi. Cet élu insiste sur "le service après-vente de la police: la justice, en terme de rapidité, sévérité, crédibilité". "Dans certains cas, elle n'est pas assez sévère surtout contre la petite délinquance et ça peut créer un sentiment d'impunité", déplore-t-il. Il souhaite aussi "que les préfets soient entendus quand ils décrivent ce qu'ils voient et qu'on leur donne les moyens qu'ils demandent."
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