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Alain Juppé, nommé ministre des Affaires étrangères, entend redonner confiance à une diplomatie française en crise

Lundi, il s'est également proposé d'accompagner les mouvements de libération qui secouent le monde arabe, sans éluder les risques qu'ils comportent.Nicolas Sarkozy a annoncé dimanche deux autres changements ministériels: Claude Guéant devient ministre de l'Intérieur et de l'immigration et Gérard Longuet, ministre de la Défense.
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Alain Juppé le 17 novembre 2010 à l'Elysée (AFP / Lionel Bonaventure)

Lundi, il s'est également proposé d'accompagner les mouvements de libération qui secouent le monde arabe, sans éluder les risques qu'ils comportent.

Nicolas Sarkozy a annoncé dimanche deux autres changements ministériels: Claude Guéant devient ministre de l'Intérieur et de l'immigration et Gérard Longuet, ministre de la Défense.

"La priorité, c'est de renforcer le moral des diplomates, ils ont besoin de considération", a déclaré avant de présider une réunion du conseil municipal à Bordeaux, ville dont il est le maire.

"Personne n'a anticipé les révolutions qui se sont produites dans les pays autour de la Méditerranée, pas même les Etats-Unis", a-t-il ajouté en référence aux mouvements qui ont agité notamment la Tunisie puis l'Egypte et la Libye.

"Ce qui se passe est une chance qu'il faut accompagner mais il ne faut pas en mésestimer les risques."

A propos du remaniement
Alain Juppé, qui a lui aussi connu la disgrâce au cours de sa carrière politique, a eu une pensée pour Michèle Alliot-Marie. "J'ai déjà évoqué des maladresses", a-t-il dit. "Elle été prise dans une tourmente et je suis bien placé pour savoir ce que c'est".

Le départ du Quai d'Orsay de Michèle Alliot-Marie est "une décision politique" et non "morale", a expliqué François Fillon lundi sur RTL.

Dans son intervention solennelle, le chef de l'Etat, qui n'a pas mentionné les noms des deux partants du gouvernement, a expliqué avoir décidé, "avec le Premier ministre François Fillon", de "réorganiser les ministères qui concernent notre diplomatie et notre sécurité". "Mon devoir de président de la République est d'expliquer les enjeux pour l'avenir mais tout autant de protéger le présent des Français", a dit Nicolas Sarkozy.

S'il a salué "l'immense espérance" soulevée par les révoltes populaires qui ont fait tomber les régimes de Tunisie et d'Egypte et menacent désormais celui du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Nicolas Sarkozy a mis en garde contre "ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires incontrôlables et sur le terrorisme". Dans ce climat, Nicolas Sarkozy a justifié le remodelage de son gouvernement par la nécessité d'y nommer des hommes "préparés à affronter les événements à venir dont nul ne peut prévoir le déroulement".

Epargné par le remaniement, Patrick Ollier, le compagnon de Michèle Alliot-Marie, conserve son poste de ministre des Relations avec le Parlement.

Musca, nouveau secrétaire général de l'Elysée
La présidence de la République a annoncé lundi la nomination de Xavier Musca au poste de secrétaire général de l'Elysée, en remplacement de Claude Guéant, devenu ministre de l'Intérieur. Ancien directeur du Trésor, Xavier Musca a rejoint l'Elysée début 2009. Il y était le principal conseiller économique de Nicolas Sarkozy.

Dans un bref communiqué, l'Elysée a ajouté que Jean Castex, qui a succédé fin 2010 à Raymond Soubie comme conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires sociales, devenait secrétaire général adjoint de la présidence.

Hortefeux nommé "conseiller politique" de Sarkozy
"Le président de la République a souhaité modifier son organisation. Il appellera auprès de lui Brice Hortefeux comme conseiller politique dans un contexte dont chacun peut comprendre qu'il va être éminemment polique dans les prochains mois", a déclaré le Premier ministre sur RTL.

Ce changement d'affectation n'est pas une sanction, a assuré François Fillon. "Brice Hortefeux a fait un travail tout à fait remarquable (au ministère de l'Intérieur) mais il sera certainement plus utile auprès du président de la République dans les circonstances qui s'annoncent", a-t-il dit.

Le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé a, lui, annoncé qu'il confierait des "responsabilités" au sein du parti présidentiel à l'ancien ministre de l'intérieur. "J'ai eu Brice au téléphone. Je vais lui confier des responsabilités à l'UMP. Il va aussi avoir un rôle important pendant la campagne" présidentielle de 2012, a déclaré Jean-François Copé à l'AFP en précisant qu'il discuterait prochainement du contour de ces nouvelles responsabilités avec Brice Hortefeux, dont il est proche.

Juppé, nouvel homme fort du gouvernement, pour la presse
Pour la majorité des éditorialistes de la presse quotidienne, l'ancien rival de Nicolas Sarkozy est le "nouvel homme fort du gouvernement", voire même le "président-bis" ou le "sauveur potentiel".

Pour François Sergent dans Libération, ce nouveau remaniement illustre la nervosité et l'usure du système présidentiel: "Sarkozy en perdition dans les sondages a avant tout cherché à mettre en ordre de bataille un gouvernement usé quelques mois après un précédent remaniement manqué."

Dans ce nouveau jeu de chaises musicales, "Juppé devient l'homme fort de l'équipe", résume Didier Louis dans le Courrier Picard, qui ajoute que "le chef de l'Etat aborde la dernière étape de son quinquennat décidément affaibli, fatigué, voire fébrile".

"Ce Premier ministre bis, qui avoue ne pas être "sarkolâtre", incarne la rupture dans la rupture: fin de la puissante cellule diplomatique élyséenne, retour des ministres capables de parler d'égal à égal avec le chef de l'État", estime Rémi Godeau dans l'Est Républicain.

Etienne Mougeotte, dans Le Figaro, gage d'ailleurs que la nomination des trois ministres régaliens, dont Alain Juppé, pourra "efficacement aider le capitaine (Sarkozy) à barrer dans les 40es rugissants qui se profilent".

Principales réactions politiques
Benoît Hamon, porte-parole du PS: "La mise à l'écart de Michèle Alliot-Marie signe le fiasco total de la politique étrangère conduite par Nicolas Sarkozy et son gouvernement, particulièrement depuis le début des révolutions arabes. (...) Cet échec consternant est humiliant pour la France et les Français."

Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe ecologie-Les Verts: Nicolas Sarkozy "aurait dû avoir un message extrêmement positif vis-à-vis de ce qui c'est passé, de ce que sont en train de faire les peuples arabes. C'était indécent d'utiliser des événements aussi importants, aussi essentiels pour pratiquer un remaniement gouvernemental. Il n'a pas seulement raté une marche, il s'est discrédité en tant que président de la République."

François Baroin, porte-parole du gouvernement: "Les ministres sont des serviteurs, certains sont plus expérimentés que d'autres, Alain Juppé l'est indiscutablement", a-t-il estimé lundi matin sur France Info, tout en jugeant que comparer le nouveau chef de la diplomatie française à un vice-Premier ministre n'avait "pas de sens".

Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP: "Sur tous ces sujets (de politique étrangère), nous sommes entièrement mobilisés avec le président de la République et j'invite le Parti socialiste à ne pas se réjouir trop vite de donner rendez-vous aux Français pour mai 2012 parce qu'il ne s'agit pas simplement de jouer les imprécateurs."

Hervé Morin, président du Nouveau Centre: "Nous étions dans une configuration inédite, on avait un ministre des Affaires étrangères qui ne pouvait plus aller là où se joue une partie de la stabilité de la Méditerranée. Nous avions une politique étrangère assignée à résidence alors que au contraire c'est une période où nous devrions être dans toutes les capitales arabes ou nous devrions porter le message de la France. (...) Mais ça aurait dû se faire plus tôt."

Christine Lagarde, ministre de l'Economie: "Ce qui m'a beaucoup frappée, c'est la justesse de ton. Il s'est consacré à l'essentiel, c'est-à-dire à la politique étrangère de la France et à la hauteur de vue qui convient à un président de la République."

Marine Le Pen, présidente du FN: "On met à l'Intérieur M. Guéant dont M. Sarkozy nous dit lui-même que ça fait neuf ans qu'il est chargé avec lui de la sécurité (...) quand on voit les résultats, on peut s'attendre à ce que rien ne change en la matière."

Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République: "Ce sont les mêmes figures qui se disputent les mêmes maroquins, une énième version de l'éternel "tournez manège" dont se désespèrent tant les Français.

Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l'UMP: "Nicolas Sarkozy vient de prononcer l'un des discours les plus importants de son quinquennat...Nicolas Sarkozy a tracé une nouvelle feuille de route en expliquant que les révolutions qui se déroulent actuellement portent une formidable espérance pour promouvoir les valeurs de liberté et de démocratie."

Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS: "Nicolas Sarkozy avoue ses échecs et y répond par sa candidature". "L'exfiltration de Brice Hortefeux à l'Elysée confirme que Nicolas Sarkozy prépare de l'Elysée sa candidature."


Plus de détails sur les nouveaux ministres du remaniement

Claude Guéant, nouveau ministre de l'Intérieur

Claude Guéant, nommé dimanche ministre de l'Intérieur et de l'Immigration, a été directeur général de la Police Nationale de 1994 à 1998, après avoir effectué sa carrière dans la préfectorale.

Né le 17 janvier 1945 à Vimy (Pas-de-Calais), licencié en droit, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, Claude Guéant est affecté au ministère de l'Intérieur à sa sortie de l'Ena (promotion "Thomas More") en 1971.

En 1993, Claude Guéant est nommé directeur adjoint du cabinet de Charles Pasqua, qui le nomme l'année suivante directeur général de la police nationale.

Il est ensuite nommé préfet de la Région Franche-Comté et préfet du Doubs en 1998, puis préfet de la Région Bretagne, de la zone de Défense ouest et préfet d'Ille-et-Vilaine en 2000.

Deux ans plus tard, Claude Guéant, préfet hors cadre, rejoint Nicolas Sarkozy, qu'il n'a pas quitté depuis.

En 2002, il est son directeur de cabinet au ministère de l'Intérieur, fonction qu'il continue d'occuper quand son mentor devient ministre de l'Economie, en 2004. Il le suit aussi, toujours comme directeur de cabinet, quand Nicolas Sarkozy redevient ministre de l'Intérieur l'année suivante.

En janvier 2007, il devient directeur de la campagne présidentielle du candidat Sarkozy. Après sa victoire, ce dernier le nomme secrétaire général de l'Elysée.

Il est Chevalier de la Légion d'Honneur. Veuf, il a deux enfants et deux-petits-enfants.

Gérard Longuet, nouveau ministre de la Défense

Gérard Longuet, 65 ans, est actuellement patron des sénateurs UMP.

Né le 24 février 1946 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), il a milité dans sa jeunesse à l'extrême droite. Il participe en 1964, notamment avec Alain Madelin et Patrick Devedjian, à la fondation d'Occident et en 1965 soutient la candidature à la présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour, l'avocat de l'OAS.

Diplômé de l'Institut de sciences politiques, il rallie la droite libérale lorsqu'il entre à l'ENA en 1974. Député de la Meuse en 1978, il obtient un mandat européen en 1984 et retrouve son siège de député en 1986.

Il intègre le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac comme secrétaire d'Etat puis ministre délégué des Postes et Télécoms. En 1993, lors de la seconde cohabitation, il est ministre de l'Industrie d'Edouard Balladur.

Il fait partie de "la bande à Léo" (François Léotard) avec Alain Madelin et gravit un à un les échelons du Parti républicain, principale composante de l'UDF dont il devient trésorier en 1982, puis secrétaire général en 1989 avant d'en prendre la présidence en 1990.

Aux yeux de la gauche, il a longtemps fait figure d'épouvantail pour avoir préconisé une alliance avec le Front national aux régionales de 1992.

Son ascension politique a été stoppée net en octobre 1994, quand il avait dû démissionner de son poste de ministre à la suite d'affaires judiciaires. Son élection à la tête des sénateurs UMP en 2009 l'avait remis dans le jeu politique et il avait failli entrer au gouvernement en novembre dernier. Il a été mis en examen pour le financement de sa villa de Saint-Tropez (Var), le financement du PR et les marchés publics des lycées d'Ile-de-France. Toutes charges pesant sur lui sont levées en 2010.

Elu sénateur de la Meuse en 2001 et réélu depuis, celui qui se proclamait "hussard du libéralisme" est un proche de Nicolas Sarkozy. Il a rejoint l'UMP en 2002 et est vice-président des Réformateurs, mouvement animé par Hervé Novelli, regroupant une centaine de parlementaires libéraux.

Alain Juppé, nouveau ministre des Affaires étrangères

L'ancien Premier ministre, 65 ans, avait fait son retour au gouvernement, il y a seulement trois mois, à la Défense.

Nommé ministre de l'Ecologie dans le premier gouvernement de François Fillon en mai 2007, il avait dû renoncer à ses fonctions un mois plus tard, après avoir été battu aux législatives.

Ex-président de l'UMP (2002-2004), ce fidèle de Jacques Chirac avait été condamné en appel le 1er décembre 2004 à 14 mois de prison avec sursis et une année d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs du RPR.

Alain Juppé avait alors abandonné la présidence de l'UMP et tous ses mandats. Parti à Montréal comme professeur invité à l'Ecole nationale d'administration publique du Québec (ENAP), il avait récupéré la mairie de Bordeaux en 2006.

Né le 15 août 1945 à Mont-de-Marsan (Landes), agrégé de lettres, normalien et énarque, Alain Juppé, inspecteur des Finances en 1972, commence sa carrière politique quatre ans plus tard en participant à la création du RPR. Lorsque Jacques Chirac est élu maire de Paris en 1977, il entre à son cabinet où il reste jusqu'en 1995.

Porte-parole de Jacques Chirac pour la campagne présidentielle de 1988, il est réélu député de Paris en 1988, puis député européen en 1989.

Ministre des Affaires étrangères d'Edouard Balladur (1993-1995), il est nommé Premier ministre au lendemain de l'élection de Jacques Chirac à l'Elysée en 1995.

Ses premiers mois sont marqués par les grèves après l'annonce de son projet de réforme de la sécurité sociale et des régimes spéciaux de retraite.

Deux ans plus tard, il démissionne après la défaite de la droite aux législatives anticipées de 1997.

Elu député de la Gironde en 1997 et réélu en 2002, il se consacre alors à la mairie de Bordeaux.

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