Dans le réquisitoire, le gendarme accusé d'avoir mortellement blessé un gitan ne pouvait pas être "pénalement condamné"
"Il ne s'agit pas de délivrer un permis de tuer, mais de constater que (le gendarme Christophe) Monchal a agi conformément à ce qui lui a été enseigné. Il a agi dans le cadre légal, il n'a pas agi pour commettre une infraction pénale", avait dit jeudi l'avocat général, Philippe Guémas, au terme de deux heures de réquisitoire.
Le statut du gendarme est différent de celui du policier
"Ce qui me paraît malsain c'est qu'on autorise les gendarmes à faire usage de leurs armes, et qu'ensuite on leur reproche. On met les gendarmes dans des situations impossibles. Si on ne veut plus que les gendarmes fassent usage de leur arme, il faut avoir le courage politique de modifier le cadre légal et d'aligner leur statut sur celui des policiers", a-t-il encore dit.
"Il vous appartient d'en tirer toutes les conséquences" a conclu le magistrat à l'adresse des jurés.
Les faits remontent au 23 mai 2008, lors de l'interpellation à la
gendarmerie de Brignoles, de Joseph Guerdner, 27 ans, qui tentait de s'évader. "Je suis bien l'auteur des coups de feu mortels, cette affaire est pour moi et pour la famille dramatique," a ajouté Christophe Monchal aujourd'hui adjudant en Polynésie française.
Le gendarme déclare avoir fait "son travail" même s'il regrette "les faits", "malheureusement" inévitables selon lui.
Les premiers débats ont tourné autour de l'usage de l'arme. Le décret organique de la gendarmerie prévoit l'usage de l'arme "comme ultime recours pour arrêter une personne qui se soustrait à sa garde," a expliqué un officier de l'inspection technique de la gendarmerie, le capitaine Etienne Garnier.
L'officier a mis l'accent sur "la dangerosité" de la victime, qui en 2006 après un vol avec effraction avait foncé sur le véhicule des gendarmes, blessant un gendarme adjoint.
Pour l'avocat général Philippe Guémas, qui a lu l'intégralité du texte militaire, l'usage de l'arme est justifié "lorsque les personnes invitées à s'arrêter tentent de s'échapper de la garde". Mais pour les avocats de la partie civile, Mes Jean-Claude Guidicelli et
Régine Ciccolini, il y avait "d'autres moyens d'arrêter Joseph Guerdner".
Christophe Monchal, alors maréchal des logis chef à la brigade de recherches de Draguignan, est accusé de "coups mortels par personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions".
Le gendarme, qui comparaît libre, a été installé depuis lundi, par mesure de sécurité, dans un box aux vitres blindées. Face à lui, les parties civiles, réunies autour de la mère de la victime, portaient toutes un tee-shirt noir sur lequel ont été imprimés la photo de Joseph Guerdner et son prénom.
Sept balles pour "viser les jambes"
Le 23 mai 2008, lors de l'interpellation à la gendarmerie de Brignoles de Joseph Guerdner qui venait remplir les obligations d'un contrôle judiciaire, les gendarmes avaient trouvé dans son véhicule un pistolet 11,43 et des munitions.
Soupçonné dans une affaire d'agression à main armée et d'enlèvement, affaire dans laquelle trois complices ont été condamnés à des peines de 5 à 9 ans de prison par la cour d'assises du Var en juillet dernier, il avait été transféré à la brigade de recherches de Draguignan et placé en garde à vue.
Au cours de son audition, Christophe Monchal l'avait autorisé à fumer une cigarette dans le couloir, mais le jeune homme avait sauté d'une fenêtre d'une hauteur de 4,60 m. Le gendarme, affirmant avoir voulu viser les jambes, avait tiré à sept reprises, l'atteignant par trois fois. Malgré ses blessures, Joseph Guerdner avait réussi à sauter par dessus le grillage de la gendarmerie et à se réfugier dans un arbre d'où il était tombé. Secouru par les gendarmes, il était décédé des suites de ses blessures.
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