Des milliers personnes ont défilé samedi en France, satisfaites de la chute du président tunisien Zine El Abdine Ben Ali
8.000 manifestants, selon la police, ont pris part au cortège parisien qui est parti de la place de la République. Il s'agissait essentiellement de Tunisiens, de Franco-Tunisiens ainsi que des représentants des partis de gauche français.
A Marseille, Toulouse, Bordeaux, Lyon et Paris, plusieurs milliers de manifestants ont défilé pacifiquement.
A Paris, en hommage aux manifestants tombés sous les balles de la police tunisienne, "une centaine" selon plusieurs formations d'opposition, un groupe de jeunes gens portaient des cercueils recouverts de drapeaux tunisiens avec des pancartes "Merci à nos martyrs, nous ne vous oublierons jamais".
"Ben Ali assassin, Sarkozy complice", "Nous sommes fiers de vous, Tunisiens, Tunisiennes", lisait-on sur les banderoles portées par d'autres manifestants drapés dans le drapeau tunisien et qui affichaient leur rejet du parti unique RCD.
Plusieurs leaders de gauche ont défilé à leurs côtés dans la capitale : Harlem Désir, numéro deux du PS, les écologistes Eva Joly, Cécile Duflot, ou encore Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Olivier Besancenot (NPA).
Tandis que le cortège s'approchait de la place de l'Hôtel de ville, fin du trajet, quelques Marocains et Algériens, venus en "voisins solidaires" regardaient avec une envie mêlée de crainte cette "révolution du jasmin", s'interrogeant sur la "possibilité" d'une contagion.
A Marseille, plus de 2.000 personnes ont également manifesté dans le centre-ville. Dans le calme, les manifestants qui criaient "Ben Ali assassin" ou "Ben Ali en justice" arboraient de nombreuses pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire: "Hommage à nos martyrs", "Main dans la main pour la démocratie", "Retour à la paix civile" ou encore "Saoudiens collabos".
A Lyon, la manifestation de 800 personnes s'est transformée en démonstration de liesse, de nombreux Tunisiens chantant l'hymne national, certains arborant un drapeau du pays sur les épaules. "On veut que Ben Ali soit jugé par le peuple, qu'il paie pour le sang qu'il a versé", a réclamé Fatia Magnoun, une Tunisienne arrivée en France en 1968.
A Toulouse entre 350 et 500 personnes suivant la police ou les
organisateurs ont défilé dans le centre ville. De nombreuses petites pancartes proposaient des variations sur le thème "Ben Ali c'est fini !" (Ben fini, Ben Ali game over).
Lors d'une brève halte devant le consulat d'Algérie un manifestant a crié "prenez exemple !" tandis qu'une porte-parole de la ligue algérienne de défense des droits de l'homme prenait la parole pour souligner que "dans les deux pays la jeunesse s'est levée (...) le peuple algérien subit toujours un pouvoir autoritaire, l'interdiction des grèves, la corruption".
A Lille, environ 450 personnes ont manifesté. Parmi les drapeaux tunisiens, flottaient également les couleurs marocaines et algériennes. "Ben Ali, t'es parti, Bouteflika, casse-toi", scandaient les manifestants à l'adresse du président algérien, demandant également le départ du chef d'Etat égyptien, Hosni Moubarak.
600.000 Tunisiens vivent en France
Quelque 600.000 ressortissants tunisiens vivent en France, en majorité hostiles au président déchu.
Le président français, Nicolas Sarkozy, silencieux sur la situation en Tunisie depuis le début des événements il y a un mois, s'est exprimé après une réunion samedi à l'Elysée à la mi-journée indiquant que la France apportait "un soutien déterminé" au peuple tunisien, qui "exprime sa volonté de démocratie".
M. Sarkozy a appelé à l'apaisement et à la fin des violences et demande l'organisation d'"élections libres dans les meilleurs délais". Il rappelle que la politique de Paris est fondée sur "la non-ingérence dans les affaires intérieure d'un Etat" mais aussi sur le "soutien à la démocratie et à la liberté".
"Dans cette période cruciale pour la Tunisie, la France est prête à répondre à toute demande de concours, afin que le processus démocratique se déroule de la façon la plus incontestable", ajoute-t-il.
Des avoirs tunisiens suspects bloqués par la France
Les services de Nicolas Sarkozy ont fait également savoir que les "mouvements financiers suspects des avoirs tunisiens en France (étaient) bloqués".
Paris est à la disposition des autorités constitutionnelles tunisiennes "pour répondre sans délai à toute demande sur des avoirs tunisiens en France", précise le président français.
Le ministre français du Budget, François Baroin, a précisé sur RTL avoir demandé à l'organisme antiblanchiment Tracfin "d'informer les banques, les établissements financiers pour qu'ils exercent une vigilance renforcée sur tous les mouvements financiers qui concernent les avoirs de la famille et de l'entourage de l'ancien président Ben Ali".
Tracfin, qui dépend de Bercy, "pourra ainsi bloquer les opérations et le cas échéant saisir l'autorité judiciaire".
La France, destination envisagée par Ben Ali ?
A propos de rumeurs qui ont couru vendredi soir sur une éventuelle arrivée en France du président tunisien Ben Ali, François Baroin , a assuré samedi qu'il n'avait "jamais été question d'une présence" de l'ex-président tunisien Ben Ali "sur le sol français". Le porte-parole du gouvernement a précisé qu'une telle demande n'avait "pas été formulée" et qu'elle "n'aurait pas été acceptée".
L'ex-président tunisien a trouvé asile en Arabie Saoudite où il est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi.
Interrogé sur France Info sur le séjour de plusieurs proches de M. Ben Ali au parc d'attraction Eurodisney, en Seine-et-Marne, François Baroin a répondu : "La famille de Ben Ali présente sur le sol français n'a pas vocation à rester", "cette famille n'a pas manifesté son désir de rester sur le sol français, et ils vont le quitter", a-t-il affirmé.
Des proches de l'ex-président tunisien, dont une de ses filles et sa seconde épouse Leïla Trabelsi, ont effectivement quitté samedi après-midi l'hôtel du parc Eurodisney où ils séjournaient, selon des sources concordantes. Le groupe était arrivé en France dès jeudi, veille de la fuite de Tunisie du président, sous la pression de la rue.
Selon une source proche du gouvernement français, Paris "ne souhaitait pas" la venue de M. Ben Ali , expliquant notamment cette position par le risque de mécontentement de la communauté tunisienne dans l'ex-puissance coloniale.
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