Destination encore méconnue, la Guyane recèle d'incroyables trésors naturels et une formidable diversité humaine
Il existe en Amérique du Sud un département français d"Outre-mer presque aussi grand que le Portugal. Ce département s"appelle la Guyane.
Cette région évoque bien souvent l"histoire du bagne et de ses conditions inhumaines, la forêt primaire avec ses serpents et ses animaux sauvages… Mais la Guyane vaut bien mieux que ces clichés.
C"est d"abord une formidable mosaïque de peuples, avec toutes leurs diversités culturelle et linguistique, la recherche scientifique et technologique avec le Centre spatial de Kourou, une nature luxuriante dotée d'une incroyable variété de paysages - forêt tropicale, fleuves majestueux, marais, mangroves, littoral atlantique, îlots paradisiaques en mer - et bien sûr une faune et une flore remarquables qui participent de la biodiversité mondiale. Embarquement sélectif.
Kourou, l'aventure spatiale
A une soixantaine de kilomètres à l"ouest de Cayenne, Kourou est la troisième ville de Guyane par le nombre d"habitants(environ 20 000). En dépit du vieux bourg et de son architecture traditionnelle, Kourou évoque immanquablement le Centre spatial. Et pour cause. Sur une superficie presque aussi importante que celle de la Martinique !, le Centre spatial guyanais (CSG) est incontestablement le poumon économique de la Guyane, en termes d"emplois générés directement et indirectement. Ce cœur spatial de l"Europe à proximité de l"Amazonie est également l"un des sites les plus visités de Guyane, avec une moyenne annuelle de plus de 3 500 personnes.
Au fil des années, Kourou est devenue une ville cosmopolite où l"on croise un grand nombre de nationalités composant la communauté spatiale : Européens de l"Agence spatiale européenne (European Space Agency, ESA) qui rassemble pas moins de 15 Etats, Russes travaillant sur le lanceur Soyouz, sans compter les acteurs de l"industrie spatiale du monde entier qui viennent à Kourou dans le cadre de lancement de satellites à vocations commerciale, technologique et scientifique.
L"implantation du site à Kourou fut décidée en 1964 par le général de Gaulle à la suite de l"indépendance de l"Algérie en 1962, la France devant trouver une zone de lancement pour remplacer celle qu"elle était dans l"obligation d"abandonner dans le Sahara algérien. Avantages de Kourou : stabilité sismique et climatique (pas de tremblements de terre et de cyclones), faible densité de population, et latitude idéale proche de l"Equateur permettant de réaliser des lancements plus économiques en carburant. Les travaux du CSG commencèrent en 1965. Le 9 avril 1968, le site réalise son premier lancement avec la sonde « Véronique ». Le soir de Noël 1979, Ariane 1 prend le chemin de l"espace pour la première fois.
Le Centre spatial est composé de quatre entités principales : le Centre national d"études spatiales (CNES), l"Agence spatiale européenne (ESA), le Centre spatial guyanais(CSG) et Arianespace. A noter que le CSG est l"un des rares sites opérationnels au monde qui autorise la visite des zones de tirs et des rampes de lancement. Il est également possible d"assister directement à des tirs, tout comme un VIP. Pour des raisons de sécurité, une réservation est obligatoire pour visiter le CSG. Un passionnant Musée de l"espace se trouve très opportunément à l"entrée du Centre.
Les Iles du Salut
A quelques encablures de Kourou se trouvent les Iles du Salut, propriétés du Centre national d"études spatiales (CNES). Composées de trois îlots - l"île Royale, l"île Saint-Joseph et l"île du Diable - les îles du Salut constituent un point d"observation stratégique lors des lancements de satellites de la base spatiale. Interdites d"accès durant les lancements, elles sont le reste du temps un agréable lieu de farniente et de villégiature pour les touristes et les Guyanais pendant le week-end.
La beauté de ces îles baignées d"une eau claire et foisonnantes de cocotiers, qui rappelle la proximité des Caraïbes, est pourtant ancrée dans une histoire tragique : celle du bagne. Qualifiées « d"enfer au paradis » par le journaliste français Albert Londres qui enquêta sur place, les îles du Salut accueillirent en effet, de 1852 à 1946, l"un des bagnes les plus durs des XIXe et XXe siècles. Deux prisonniers célèbres y séjournèrent. Guillaume Seznec, sur l"île Royale, et le capitaine Dreyfus, déporté en confinement solitaire durant quatre années sur l"île du Diable, ainsi nommée pour la difficulté d"y accéder à cause des forts courants qui agitent la zone et de la présence à l"époque de nombreux requins attirés par la chair des bagnards morts, jetés à la mer au lieu d"être enterrés. L"île du Diable était le site réservé à la déportation des prisonniers politiques.
Conservés et restaurés, certains bâtiments pénitentiaires de l"île Royale servent aujourd"hui de lieux d"hébergement pour les touristes. L"ancienne demeure du commandant du bagne est devenue un centre d"information historique abritant des expositions permanentes dévoilant une foule d"informations sur les lieux. L"île Saint-Joseph, qui était réservée aux « fortes têtes » avec des conditions d"incarcération particulièrement dures, sinon inhumaines, est d"une beauté à la fois saisissante et tragique. Une nature exubérante côtoie dans un enchevêtrement étrange les vestiges délabrés des cachots. Une vision presque surnaturelle dans les bruissements de la nature et les cris des oiseaux et autres animaux qui peuplent dorénavant cet endroit marqué par l"histoire.
Sur le fleuve Maroni
Long de 520 km, le Maroni est le plus grand fleuve de Guyane et fait office de frontière avec le Suriname. On y accède généralement par Saint-Laurent du Maroni, deuxième ville de Guyane avec plus de 20 000 habitants. Parsemée de petits joyaux d"architecture coloniale, Saint-Laurent est à l"image de la Guyane, d"une incroyable diversité humaine. On y côtoie des Amérindiens, des créoles, des descendants d"esclaves marrons (fugitifs) - bushinengué, saramaca, boni… - des Surinamiens, des Brésiliens, des Français de l"Hexagone, des Asiatiques, le long des rues animées et du marché qui jouxte l"avenue Félix Eboué.
L"histoire de la ville est inséparable de celle du bagne, dénommée pudiquement Camp de la transportation, où furent déportés des milliers de personnes à partir de 1857. Ce sont les bagnards qui ont édifié la majorité des bâtiments de Saint-Laurent du Maroni, et pour un temps défriché des zones forestières pour y créer des exploitations agricoles. A cause d"une situation sanitaire catastrophique, la déportation de prisonniers et l"installation de colons européens à Saint-Laurent fut toutefois interrompue à partir de 1867 durant une vingtaine d"année.
La découverte du Maroni, bordé de la mangrove et de la dense forêt tropicale amazonienne, est un véritable régal. Entre les deux rives du Suriname et de la Guyane, la remontée du fleuve en pirogue à partir de Saint-Laurent va à la rencontre du pays profond, de plus en plus au Sud, en passant les communes d"Apatou, de Grand-Santi, de Papaïchton et de Maripasoula. Les amoureux des écosystèmes et de la biodiversité seront comblés, quand on sait que, constituée à 90 % de forêt primaire, la Guyane est un véritable sanctuaire pour dame Nature. Les quelque 84 000 km2 de forêt guyanaise comptent pas moins de 1 300 essences d"arbres, 190 espèces de mammifères, et 700 espèces d"oiseaux. L"occasion également de rencontres humaines exceptionnelles avec les différentes communautés qui résident le long du fleuve.
Les marais de Kaw
En allant vers l"Est guyanais à partir de la commune de Roura, se trouve la réserve naturelle des marais de Kaw. La paisible commune de Roura abrite une ravissante petite crique, la crique Gabriel, qui doit son nom à la résistance d"un célèbre leader antiesclavagiste, Gabriel, qui organisa une rébellion de fugitifs marrons. La route, d"une longueur de 50 km environ, qui mène aux marais de Kaw, s"enfonce dans la forêt et longe par endroit des crêtes donnant une vue magnifique sur les marais. Avec de la chance, on croisera des familles de singes traversant l"asphalte ou sautillant dans les arbres à l"approche des véhicules.
Les marais de Kaw se trouvent au bout de la route. Il faut alors embarquer en pirogue sur la rivière de Kaw, qui a donné son nom aux marais et au village de quelques centaines d"habitants, pour découvrir un univers étrange, brumeux et mouvant, constitué d"une sorte de savane flottante duquel des petits morceaux se détachent et dérivent au cours de l"eau. La navigation, la pêche et la chasse sont évidemment très réglementées dans cette zone propice à la biodiversité. Temple de la faune ornithologique et batracienne, la réserve de Kaw regorge de caïmans (visibles de nuit), de hérons, d"aigrettes, de jacanas, de canards sauvages, d"échassiers et d"oiseaux de toute sorte. Sans compter les singes hurleurs qui réveillent ceux qui choisissent de passer la nuit dans les marais. Au début du siècle dernier, des lamentins se trouvaient également dans la zone. On y voit aussi des « cabiaïs » (nom scientifique capybara), sortes de gros rongeurs d"Amérique du Sud.
Riche de part sa faune et sa flore, la région de Kaw est aussi riche en histoire. La colonisation de cette zone, peuplée à l"époque par les Amérindiens, commença relativement tard, durant la première moitié du XVIIIe siècle. De nombreux projets agricoles furent tentés. Culture du cacao, du café, et de produits vivriers sur les collines, création d"un canal reliant la rivière de Kaw au fleuve Approuague plus à l"Est, plans pour la valorisation de polders, implantation de colons chinois pour cultiver du thé, usines de roucou… Cependant, l"abolition de l"esclavage en 1848 et la découverte de l"or sur l"Approuague allaient ruiner ces ambitions. Aujourd" hui, la région compte essentiellement sur l"écotourisme pour son développement.
Regina et l'Approuague
A un peu plus de 120 km de Cayenne, la commune de Regina est la porte d"entrée du fleuve Approuague, quatrième fleuve de Guyane avec 270 km de long. Régina, qui compte aujourd"hui 700 habitants environ, a été créée à la fin du XIXe siècle dans l"enthousiasme de la fièvre de l"or découvert sur le haut Approuague en 1855. A l"époque, le bourg était au centre d"importantes activités commerciales. Exploitation et vente d"or bien sûr, mais aussi de bois de rose avec une scierie, rhumerie, comptoirs de ravitaillement, etc. Il paraît même que Régina a eu son casino !
La commune a retrouvé son calme suite à la crise de l"orpaillage après la seconde guerre mondiale, mais il reste de nombreux vestiges du patrimoine industriel aux alentours de Régina. L"Ecomusée municipal d"Approuague-Kaw (EMAK) en témoigne. Au cœur de la ville et face au fleuve, il est formé d"un ensemble de bâtiments comprenant les vestiges d"une scierie, d"un parc de machines-outils liées à l"industrie sucrière et d"une vaste maison créole traditionnelle. Seul écomusée de Guyane, il propose une exposition permanente consacrée à l"histoire de la région de l"Approuague des Amérindiens à nos jours, ainsi qu"à la valorisation du patrimoine dans ses dimensions sociologiques et environnementales.
On embarque généralement derrière la mairie de Régina sur un petit embarcadère à l"assaut du fleuve Approuague. A l"assaut du fleuve car il faudra, si on le remonte longuement vers sa source, franchir des rapides, au demeurant magnifiques, mais qui peuvent être difficiles durant la saison sèche à cause des eaux basses. Difficiles mais pas dangereux cependant, seuls la coque et l"hélice de la pirogue risquent un peu de casse contre des rochers ! Le paysage est parfois époustouflant. Certains endroits du fleuve sont majestueux et empreints de calme et de sérénité. Cerise sur le gâteau, il existe de nombreux lieux de baignade dans des eaux claires et fraîches, et le fleuve est bordé de quelques gîtes où l"on peut bivouaquer en hamac.
D'autres idées de séjours et toutes informations de voyage sur le site du Comité du tourisme de la Guyane
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