Deux semaines avant le second tour : deux finalistes, deux stratégies
L'un fait la course en tête et bénéficie de la discipline des partis à sa gauche, l'autre fait le grand écart entre son extrême droite et le centre qu'il ne doit pas effrayer. Hollande, Sarkozy : à chacun sa méthode.
C’est reparti. Après une nuit presque blanche à écrire et peaufiner leurs professions de foi qui seront envoyées aux électeurs pour le second tour, François Hollande et Nicolas Sarkozy ont repris leur campagne de plus belle.
Le premier direction la Bretagne, avec déambulation et meeting en plein air à Quimper, puis en intérieur à Lorient. Le second en déplacement dans l’Indre-et-Loire, avec rencontre d’agriculteurs et meeting à la clé. Chacun avec une stratégie bien particulière. Décryptage.
• François Hollande : continuité et opération "dignité"
Le candidat socialiste a réussi son pari : arriver en tête au 1er tour. Avec 28,63% des voix, il distance Nicolas Sarkozy d’un peu plus d’1,5 point et bénéficie d’un bon rapport avec près de 44% des votes à gauche, un niveau comparable à celui de l'élection de 1988, que François Mitterrand emporta largement. François Hollande est donné gagnant au second tour avec 54% des voix. Il devrait donc continuer à marteler sur le rassemblement et le changement, les deux piliers du positionnement au centre gauche qui est le sien depuis la primaire socialiste et qui s’est avéré payant.
Rassemblement. C’est chose faite à sa gauche. Dès le soir du dimanche 22 avril, Eva Joly et Philippe Poutou ont appelé à voter contre Nicolas Sarkozy et/ou pour le candidat socialiste. De même que Jean-Luc Mélenchon, "sans traîner des pieds et sans conditions". L’ex-secrétaire général du PS doit donc maintenant s’assurer un bon report de voix des centristes. Pour l’instant, d'après les sondages, seul un tiers des électeurs de François Bayrou, qui se prononcera après avoir "écouté" les deux finalistes, comptent se reporter sur François Hollande. Il devra les rassurer, notamment quant à la maîtrise des déficits publics.
Changement (ou anti-sarkozysme). Dès l’annonce des estimations, François Hollande s’est exprimé depuis son fief de Tulle (Corrèze). Il déclare voir dans ce premier tour "une sanction du quinquennat qui s'achève et un désaveu du candidat sortant" et appelle au "rassemblement le plus large possible" pour que "l'intérêt général prenne le dessus sur les privilèges".
Bref, sur la forme comme sur le fond, François Hollande cherche à se placer au-dessus de la mêlée. Laissant à ses soutiens, Martine Aubry et Ségolène Royal en tête, le soin de s’adresser directement aux électeurs, notamment ceux du Front national. Sur France Inter, la première secrétaire du PS a notamment estimé que "la crédibilité sur la sécurité (avait) changé de camp". Son directeur de campagne, Pierre Moscovici, refuse lui que "le patriotisme (soit) l'apanage de la droite".
• Nicolas Sarkozy : grand écart et opération "renouveau"
Pour sa campagne express, Nicolas Sarkozy avait fixé deux objectifs : arriver devant François Hollande et siphonner les voix du FN, comme en 2007. Avec 27,18% des suffrages, le deuxième moins bon score pour un président sortant sous la Ve République, le candidat du l’UMP a raté le coche. Il voulait opérer un recentrage de sa campagne entre les deux tours, il devra aussi et surtout s’assurer un bon report des voix du FN. Du coup, Nicolas Sarkozy n’a d’autre choix que de créer un bloc à droite, tout en personnalisant le débat avec cette question : "Qui voulez-vous contre la crise ?"
Droitisation. Le président sortant cherche à faire oublier son bilan depuis sa déclaration de candidature. Il le martèle : "Une nouvelle campagne commence". Suivi par ses soutiens qui déclinent depuis dimanche soir sur le "rien n'est joué", "un nouveau match commence", il se place notamment à droite de la droite. Entre 48 et 60% des électeurs de Marine Le Pen comptent voter pour Nicolas Sarkozy. Le candidat de l’UMP le répète, il a "entendu" ces électeurs qui "ne sont pas racistes". Ses lieutenants ont souligné un "vote de crise" et remis sur la table dès dimanche les thèmes chers aux frontistes : immigration, sécurité, burqa, frontières de l’Europe. Tout en agitant le chiffon rouge autour des propositions du candidat socialiste, comme le droit de vote des étrangers et la régularisation des sans-papiers.
Personnalisation. Mais il s’agit également de ne pas effrayer les centristes de François Bayrou, dont 33% seulement envisagent de voter pour lui pour l’instant. Nicolas Sarkozy va donc chercher à personnaliser le débat. A la sortie de son QG, lundi 23 avril, il a promis "une campagne extrêmement forte", mais surtout expliqué qu’il s’adressait à "tout le peuple français", sans opposer "le peuple de gauche contre le peuple de droite".
Point d’orgue de cette stratégie : il demande l'organisation non pas d'un mais de trois débats d’entre-deux-tours car, juge-t-il, "le moment est crucial". Alors que le candidat socialiste a refusé cette proposition, Nicolas Sarkozy a souligné son "incompréhension", estimant que "monsieur Hollande fuit les débats, il doit prendre ses responsabilités comme je prendrai les miennes".
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