Double infanticide: 10 et 20 ans de réclusion
Depuis la publication de cet article, Marie-Hélène Martinez a été condamnée à une peine de 20 ans de réclusion criminelle, lors du procès en appel survenu en 2011. De son côté, Jean-Paul Steijns a lui été condamné à une peine de 30 ans de prison.
Marie-Hélène Martinez et Jean-Paul Steijns ont été respectivement condamnés à 10 et 20 ans de réclusion criminelleMarie-Hélène Martinez et Jean-Paul Steijns ont été respectivement condamnés à 10 et 20 ans de réclusion criminelle
Ils sont accusés d'avoir empoisonné en 2005 les petits Mélissa et Jason avec des médicaments mélangés à des cannellonis
Les cadavres des enfants, 8 et 7 ans, avaient été retrouvés en octobre 2005, un mois environ après leur mort, dans le coffre de la voiture de leur mère. Une peine de 30 ans avait été requise à leur encontre.
Le verdict a été rendu après 4h de délibérations. L'avocat général, Joachim Fernandez, avait requis une peine de 30 ans de réclusion criminelle à l'encontre de l'un et l'autre des deux accusés.
La tante des enfants a lancé à Mme Martinez: "Crève, crève en prison !", avant d'être victime d'un malaise. "Il faut qu'elle fasse perpétuité. Dix ans, c'est rien pour une mère qui a empoisonné ses enfants", a réagi un autre membre de la famille, tandis que la grand-mère pleurait en silence.
L'avocat de la mère, Me Gilbert Collard, a toutefois annoncé qu'elle faisait appel de la décision. "C'est une peine qui pourrait être acceptable, a-t-il déclaré, mais dans la mesure où notre cliente est innocente, on fait appel, on va se battre jusqu'au bout, même si nous prenons un risque énorme".
De son côté, Me Michel Pezet, qui défendait M. Steijns, s'est dit "satisfait": "la cour d'assises n'a pas retenu la préméditation, la peine est inférieure de 10 ans aux réquisitions". "On va rester sur un néant, une incompréhension totale", a-t-il toutefois regretté, pointant les nombreuses zones d'ombres qui demeurent dans cette affaire.
Une mère dépeinte comme "infantile"
Les experts psychologues et psychiatres ont dressé jeudi le portrait d'une mère sous l'emprise d'un mari manipulateur. Marie-Hélène Martinez, 29 ans, est "une personne infantile, immature et crédule qui va chercher une protection auprès de partenaires plus âgés", a déclaré à la barre le psychiatre Daniel Glezer, dans le procès aux assises pour double infanticide à Aix-en-Provence.
Démonstration des experts: premier compagnon à l'âge de 14 ans, Antoine Correlejo, avec qui elle a Mélissa à 17 ans et Jason à 18 ans. En 2000, elle rencontre Jean-Paul Steijns, de dix ans son aîné. Et aujourd'hui, elle vit avec un homme de 49 ans.
Marie-Hélène avait l'impression d'être "l'héroïne d'un conte de fées"
M. Steijns "va se construire une personnalité pour la conquérir", en lui proposant notamment une "situation matérielle avantageuse", analyse M. Glezer. Elle-même reconnaît d'ailleurs avoir été "intéressée par son argent": "On a fait beaucoup de voyages, de la thalassothérapie, on allait au ski, à Eurodisney avec les enfants. C'était les vacances toute l'année", se souvient-elle.
Elle "a l'impression d'être l'héroïne d'un conte de fées", résume le psychiatre. Une vision idyllique confirmée par Noëlle Magaud-Vouland, docteur en psychologie: "Elle décrit une vie de rêve", où elle "ne s'occupait de rien" et était "dorlotée". Mme Martinez souffre, poursuit-elle, d'une "extraordinaire dépendance affective": elle "adhère, a besoin qu'on la rassure, n'a pas de distance critique".
Persuadée, dit-elle, que ses enfants sont morts d'une intoxication alimentaire
Au point d'ignorer tout des difficultés financières de son époux, au point d'être persuadée que ses enfants sont morts d'une intoxication alimentaire, comme il lui a fait croire, au point de rester un mois à l'hôtel sans se soucier de leurs obsèques ? "C'est plutôt quelqu'un qui suit", confirme M. Glezer, abondant ainsi dans le sens de l'accusée qui se présente en victime depuis le début du procès.
Avec M. Steijns, décrit comme "égocentrique" et "narcissique", se noue "une sorte de correspondance", une "relation mythomaniaque", précise sa confrère: "elle rêve d'un prince charmant, lui rêve d'en être un".
Pour mener grand train, il n'hésite pas à voler une voiture à son ancienne compagne, à soutirer de l'argent à son entourage, dont sa propre mère, à détourner des fonds de sa société dont il finit par être évincé en 2003.
Le "syndrome Jean-Claude Romand"
Quand il perd son emploi, il a honte de l'avouer et continue à partir chaque matin, soi-disant au travail, mais en fait à l'ANPE. Il n'a plus d'argent pour payer le loyer, mais visite avec son épouse des maisons bien au-dessus de ses moyens.
Un jour la réalité s'impose, l'expulsion est imminente et l'étau se resserre. Selon Mme Magaud-Vouland, "il ne pouvait pas admettre d'être confronté à son mensonge, à ses affabulations". A l'image - "dans une moindre ampleur" - de Jean-Claude Romand, qui tua en janvier 1993 son épouse, ses deux enfants et ses parents après leur avoir menti pendant des années. "Quand son personnage est démasqué, quand le château s'écroule", le beau-père de Mélissa et Jason aurait alors décidé de les empoisonner le 18 septembre 2005 et peut-être de supprimer son épouse, comme elle l'affirme.
"Vous n'avez pas été empoisonnée !"
"Les experts se sont faits promener par le bout du nez", a réagi, agacé, Me Michel Pezet, qui défend M. Steijns. Réfutant également ces expertises, Nicole Pollak, qui représente les grands-parents paternels, a accablé Mme Martinez au cours de sa plaidoirie: "Vous n'avez pas été empoisonnée, c'est scientifiquement impossible!", s'est-elle emportée, tout en lui souhaitant d'être éternellement "hantée par les souvenirs des enfants".
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