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Guadeloupe : "Il faut poser la question de l'autonomie avec prudence", selon le sénateur PS Victorin Lurel

Selon l'ancien ministre des Outre-Mer, l'autonomie du département est "une demande des élus mais pas forcément de la population" et ne fait pas partie des revendications des syndicats.

Article rédigé par franceinfo
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Une manifestation contre l'obligation vaccinale aux Abymes (Guadeloupe), le 24 novembre 2021. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Un débat sur une possible autonomie de la Guadeloupe est-il la solution à la crise qui secoue le département ? Il faut poser la question "avec prudence", a déclaré sur franceinfo, samedi 27 novembre, Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-Mer, après la déclaration de Sébastien Lecornu. L'actuel ministre des Outre-mer s'est dit "prêt à en parler" dans un geste d'apaisement, vendredi soir et alors que le mouvement contre l'obligation vaccinale des soignants et des pompiers se poursuit.

franceinfo : Comment recevez-vous cette dernière proposition du ministre Sébastien Lecornu ?

Victorin Lurel : On s'y attendait parce que ça a été évoqué par des partis politiques et demandé au gouvernement. Il n'y a pas de tabou sur le sujet, il n'a pas tort.

"C'est une demande des élus mais pas forcément celle de la population, et je n'ai pas vraiment lu cela dans la plateforme des revendications des syndicats et de l'intersyndicale."

Victorin Lurel

à franceinfo

C'est vrai qu'il ne faut pas avoir peur de poser la question. J'en sais quelque chose, en 2003 j'ai eu à affronter un référendum [sur un projet de décentralisation] et les Guadeloupéens avaient voté non contre cette affaire. Aujourd'hui, il faut poser cette question car elle est une des réponses dans la panoplie des réponses.

L'entourage de Sébastien Lecornu explique que cette proposition vise à provoquer le dialogue avec les élus locaux. C'est un geste diplomatique plus qu'une proposition de fond ?

Il y a un peu de cela. Le président de région, qui est membre du comité exécutif de LaREM, et le président du département, également membre de la majorité présidentielle, ont demandé dans leur communiqué la domiciliation du pouvoir, c'est-à-dire que le pouvoir soit plus proche des administrés. En soi, ce n'est pas une mauvaise demande à la faveur d'une crise sanitaire et sociale, même si les syndicats ne manqueront pas de dire que ce n'est pas le sujet de la mobilisation. Ceci dit, il faut poser la question et la poser avec prudence.

Il y a deux formes d'autonomie, soit l'autonomie générale un peu comme pour la Polynésie, soit simplement la gouvernance du système sanitaire comme certains le demandent.

Victorin Lurel

à franceinfo

Par exemple, qui est président de l'ARS (Agence régionale de Santé) aujourd'hui ? La forme d'association des élus est insuffisante, elle n'est pas bonne et certains veulent que la présidence de l'ARS soit déléguée ou dévolue à la région par exemple. Il est clair que la question de la démocratie sanitaire se pose, mais si on veut véritablement faire de l'autonomie, il faut changer la Constitution. Il faudrait donc un référendum puisqu'il faut recueillir le "consentement préalable des populations". Ça veut dire que c'est une réponse de moyen terme qui pourrait avoir lieu dans plusieurs années, il faudrait commencer les discussions dès maintenant. Mais le ministre est conscient que ce n'est pas une réponse à l'immédiateté, à l'urgence. C'est la raison pour laquelle il a proposé 1 000 emplois aidés et le report au 31 décembre de l'obligation vaccinale.

Est-ce que la situation va s'améliorer sur place dans les prochains jours selon vous ?

Il faut traiter simultanément tous les fronts. Il y a l'urgence, l'immédiat, pour calmer le jeu. Il faut régler de manière personnalisée la question des pompiers, répondre à la situation de certains soignants. Il ne faut pas oublier que 85 à 90% des soignants ont fait l'effort de se vacciner. Donc donner raison à une minorité bloquante, c'est un peu difficile. Il faut des compromis raisonnables. Ensuite, il faudra répondre aux questions de fond, structurelles, sur la gouvernance, l'autonomie, la vie chère etc. Moi, je suis d'accord pour ouvrir, mais je suis très prudent.

Je ne veux pas de concentration de pouvoirs et je ne veux pas augmenter les pouvoirs des élus qui n'ont pas bien utilisé les pouvoirs qui sont les leurs aujourd'hui.

Victorin Lurel

à franceinfo

Donc, la population est très prudente, très sceptique. Les gouvernements ont souvent augmenté les impôts, ne se sont pas occupés de la vie chère, c'est une évidence, donc aujourd'hui, on tente de se rattraper dans l'urgence.

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