: Reportage En Guadeloupe, les violences se poursuivent : "Si on ne se fait pas remarquer, on ne va jamais se faire entendre"
Depuis plusieurs jours en Guadeloupe, les nuits sont émaillées de violences : dégradations, pillages, affrontements avec les forces de l'ordre. Les émeutiers manifestent leur colère contre la précarité dans laquelle ils vivent.
Vêtements noirs, cagoulés, ils agissent rapidement, entassent des pneus et des palettes dans une rue du quartier de Lauricisque de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Cette nuit, lundi 22 novembre, "Frifri" et ses amis ont un objectif : "Casser, faire du bordel". "On n'est pas avec le truc contre le pass sanitaire : on s'en fout." Un briquet, de l’essence et la barricade s’enflamme.
>> Suivez notre direct sur la situation en Guadeloupe
Ces flammes sont synonymes de la colère des Guadeloupéens, estime Djodjo. "C'est les chefs du gouvernement, c'est de leur faute : c'est à cause d'eux qu'on est comme ça. Nous, on n'a pas de travail, on n'a pas de moyens... C'est eux qui nous mettent dans la délinquance. On a des jeunes qui ne font rien. À à peine onze ans, ils ont arrêté l'école, ils ne font rien. Moi, j'aurais bien aimé travailler mais quand tu ramènes ton CV à un patron, il dit qu'il te rappelle et il ne le fait jamais." Un autre poursuit : "On veut plus de formations, d'aides, de trucs pour qu'on puisse ne pas être là à foutre le bordel. Là, ce soir, en vrai de vrai, ça nous rapporte que dalle !"
"On ne va pas lâcher"
Les entraves à la circulation, tout comme les violences urbaines, se poursuivent depuis plusieurs jours en Guadeloupe. Les nuits sont émaillées de scènes de pillages, d'incendies, de tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre. La bande de Frifri comprend que les habitants du quartier Lauricisque soient choqués. "Si on ne se fait pas remarquer, on ne va jamais se faire entendre. On est obligés, désolé pour les gens !", s'excuse l'un d'eux. Et la présence du GIGN et du Raid ne va pas les freiner. "On n'a pas peur, ça nous chauffe encore plus. Ils ont envoyé des militaires pour tirer des balles dans la rue mais nous, on ne va pas lâcher. Ils feront leur travail comme on va faire le nôtre." "Désolé, le coupe un autre. On doit y aller, on va saccager un peu partout."
Une fois la nuit passée, c'est dépité que les habitants du quartier découvrent au petit matin les commerces incendiés ou pillés. Pour Davina, l'attitude de ces jeunes est intolérable et contreproductive : "Casser pour prendre des chaussures, casser un magasin d'alimentation pour prendre du champagne, casser un abribus ... Je ne vois pas trop l'intérêt de faire tout ça. Au contraire : ça appauvrit les gens du quartier. Qui prend le bus ? Les gens qui n'ont pas de voiture. Je suis triste et atterrée, c'est mon quartier. J'ai mal, et ça ne ressemble pas à la Guadeloupe. C'est dommage, on va dire : ' Les jeunes cassent, les jeunes ceci...' Mais non ! Les jeunes de la Guadeloupe, pour moi, ce sont en majorité des créatifs, des gens qui travaillent. Ça, c'est le travail d'une minorité."
Une semaine après le lancement de la grève générale, les militants à l’origine du mouvement comme Axel reconnaissent qu’ils sont dépassés. "Ces barricades échappent au contrôle de toute organisation, regrette-t-il. Un mouvement social est un mouvement social, ce n'est pas un mouvement de brigands." 35 agents des forces spéciales sont arrivés en Guadeloupe dans la nuit de dimanche à lundi pour épauler les 2 000 policiers et gendarmes déjà mobilisés sur l’île.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.