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Journées mortes dans les ports français : la future réglementation européenne est "inopportune" pour une "filière qui va mal", selon le maire de Boulogne-sur-Mer

Frédéric Cuvillier estime que l'on fait "un mauvais procès" aux pêcheurs qui font "des efforts considérables" depuis des années, alors que l'Europe veut interdire la pêche dans les aires marines protégées d'ici à 2030.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer le 27 février 2019 à Boulogne-sur-Mer. (NOÉMIE BONNIN / RADIOFRANCE)

"Cette annonce de future réglementation par la Commission européenne est à la fois inopportune et inappropriée", a affirmé mercredi 29 mars sur franceinfo Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer, ancien secrétaire d’Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, alors que le comité national des pêches appelle à des journées mortes dans les ports français pour exiger du gouvernement des réponses à une série "d'attaques" fragilisant le secteur. Les professionnels dénoncent des "réglementations européennes inadaptées", notamment un plan d'interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées d'ici à 2030, et la décision du Conseil d'Etat imposant d'ici à six mois la fermeture de certaines zones en pêche en Atlantique, afin de préserver les dauphins dont les échouages se sont multipliés.

franceinfo : Cette journée morte dans les ports français, est-ce que c'est le signe d'une crise grave pour la pêche française ?

Frédéric Cuvillier : C'est une alerte qui est marquée au coin du bon sens. Cette annonce de future réglementation par la Commission européenne est à la fois inopportune et inappropriée. Inopportune parce qu'elle intervient quelques mois après les conséquences du Brexit, mal négocié pour ce qui est du domaine de la pêche, et qui va ouvrir encore à de nouvelles négociations pour la baisse des quotas sur les zones britanniques, après un plan de sortie du flotte, c'est à dire de la mise à la casse de bateaux sur des façades littorales. Et il y a le Covid, le prix du gazole, la crise énergétique. La filière va mal, compte tenu des incertitudes qui planent sur les métiers.

Comment concilier les impératifs environnementaux avec l'avenir de toute une filière ?

Lorsque j'ai été ministre de la Mer et de la Pêche, nous avons mis en place des aires marines protégées avec une gouvernance partagée. L'idée, c'est de faire participer les professionnels à la mise en place d'une réglementation responsable sur la protection de la biodiversité. Il y a vraiment là question d'image. Que croit-on ? Que les pêcheurs vont sur des massifs coralliens pour détruire des zones, alors que la pêche au chalut, par exemple, se pratique sur des lieux identifiés, contrôlés. Souvent, ce sont des fonds sablonneux. Donc les pêcheurs eux-mêmes sont des co-acteurs de la gestion des aires protégées. C'est un mauvais procès qu'on leur fait d'opposer l'économie à l'écologie, puisque eux-mêmes dépendent, dans leur métier, dans leur avenir, pour les générations futures et pour les jeunes qui se mettent à ces métiers, du bon état écologique de la mer. 

"Donc c'est vraiment stigmatiser, jeter l'opprobre sur des professions alors même qu'il y a un effort considérable qui est fait par les professionnels depuis des années. Les professionnels s'adaptent. Nous attendions plutôt une démarche de solidarité plutôt que de mettre encore en cause un certain nombre de métiers et donc l'avenir de la pêche sur les littoraux français."

Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer

à franceinfo

Les pêcheurs ont écrit notamment au président de la République. Ils réclament d'être reçus par le chef de l'Etat. Qu'est-ce que vous demandez concrètement ?

Ce que je demande, c'est que l'Europe fasse montre de solidarité vis-à-vis d'une filière de métiers, d'économies de nos littoraux, de nos territoires et qui, au moment où le Brexit est intervenu, les a déstabilisés. Et nous avons eu un certain nombre de chocs sur cette profession. À chaque fois, elle s'adapte, à chaque fois elle est responsable. Mais il faut plutôt regarder l'avenir, inciter les jeunes à se former aux métiers parce que nous manquons de pêcheurs. Il faut faire en sorte que nous ayons un plan de renouvellement de flotte pour que, d'un point de vue énergétique, ce soit plus écologiquement responsable. Nos bateaux ont 30 ans d'âge. Ils ont une consommation énergétique très forte avec des pollutions qui en découlent. Donc il faut que l'Europe accompagne la modernisation de la flotte, accompagne l'installation des jeunes. Ce sont des métiers d'avenir, ce sont les métiers où il y a un savoir-faire. Il y a une très haute responsabilité environnementale.

"Cette image totalement éculée de ces pêcheurs qui seraient des irresponsables environnementaux n'a aucun sens parce que ça n'est absolument pas le fil de l'histoire et ce n'est absolument pas ce qui se passe depuis des années. Ils s'impliquent sur des tas de programmes de préservation de la biodiversité marine."

Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer

à franceinfo

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