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Calais : comment s'organise l'accueil des mineurs envoyés en Grande-Bretagne

L'évacuation de la "jungle" de Calais, lancée lundi 24 octobre, concerne notamment les mineurs isolés. Certains vont partir en Grande-Bretagne comme près de 200 jeunes accueillis la semaine dernière par des associations.     

Article rédigé par Antoine Giniaux, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Deux jeunes migrants venus de Calais arrivent au centre d'accueil de Croydon, au sud de Londres, le 17 octobre. (MATT DUNHAM/AP/SIPA / AP)

La semaine dernière, près de 200 mineurs isolés ont quitté la "jungle" de Calais pour la Grande-Bretagne, selon l'association France Terre d'Asile. Ils seront rejoints par une partie des enfants et adolescents, répartis à Calais dans l'un des quatre groupes, au premier jour des opérations d'évacuation du site du Pas-de-Calais, lundi 24 octobre.   

Le vélo pour reprendre pied dans le quotidien

Pour les jeunes migrants arrivés ces derniers jours dans le centre d’accueil de Croydon, dans le sud de Londres, comme pour les mineurs présents depuis plusieurs mois, un long parcours de reconstruction commence. Il passe par la connaissance de la ville. L'association Bike Project fournit par exemple des vélos aux jeunes réfugiés, pour leur permettre de se lancer dans le repérage des lieux. Hassam, un jeune Syrien n’est pas monté sur un vélo depuis qu’il a quitté Damas, il y a près d’un an. Il veut suivre un cursus pour devenir dentiste à Londres. Pour l’instant, il lui est impossible d’acheter des tickets de métro, alors il traverse la ville en pédalant, pour aller suivre des cours d’anglais. "Je faisais du vélo dans mon pays, j’étais sportif, mais ici je n’ai pas d’argent pour acheter un vélo. C’est dur, mais il faut que je m’habitue", témoigne-t-il.

Sans parents, c’est difficile. Vous n’avez pas l’expérience pour savoir comment ça se passe dans la vie. Pour moi, ça va prendre beaucoup de temps.

Hassam, jeune Syrien accueilli à Londres

Theodoros n’a pas non plus la sensation d’avoir terminé son voyage, malgré les leçons, l’apprentissage de la langue, les vêtements neufs, les proches qu’il a retrouvés ici. Il lui impossible d’oublier sa jeunesse perdue sur les routes. Son voyage depuis l’Erythrée a duré cinq ans, dont près de huit mois passés à tenter de traverser la Manche. Il évoque Calais, "ce qu’il y a de pire dans le monde". "Il n'y a pas assez de nourriture, rien pour s’abriter. Mes amis se sont fait attaquer. J’ai perdu deux d’entre eux. L’un est tombé dans la rivière. Et un autre gars est mort écrasé par le train quand on essayait de monter dessus." Plusieurs autres jeunes gens n’ont pas réapparu.

Les espoirs et les rêves d'enfants traumatisés

Sur internet, Theodoros suit les débats autour des réfugiés et des mineurs. Le gouvernement britannique a promis d’accueillir tous ceux qui ont de la famille en Grande-Bretagne et de permettre à une partie de ceux qui sont seuls de traverser la Manche, en invoquant leur "vulnérabilité"

L’association Kent Refugee Action Network s'occupe plus spécifiquement des enfants et de leurs troubles de stress post traumatiques. Parmi les intervenants, Jessica Maddocks travaille à Canterbury, à quelques kilomètres de Douvres, où des adolescents sont recueillis. Elle repère des adultes qui les parrainent et les installe dans des maisons partagées, à l’abri des chocs, des photographes et des médias, pour permettre à ces jeunes, essentiellement venus d’Erythrée et d’Afghanistan, de se reconstruire. Certains ne connaissent pas leur date de naissance. 

Beaucoup d’entre eux sont très traumatisés. Ils ont dû grandir très vite pour pouvoir survivre. Et beaucoup viennent de pays où leur naissance n’a pas été forcément officiellement enregistrée. C’est pourquoi ils n’ont même pas eux-mêmes d’idée précise de leur âge.

Jessica Maddocks, association Kent Refugee Action Network

Jessica Maddocks ajoute que ces jeunes gens "ont des besoins très complexes", qu'il est impératif de prioriser. "Ce sont des jeunes merveilleux, ils ont les mêmes espoirs et les mêmes rêves que nos enfants. Tout ce qu’ils demandent, c’est d’avoir une chance de se construire une vie meilleure et de se sentir en sécurité", déclare-t-elle. Le sentiment de sécurité est encore loin d'être éprouvé par Hassam, le jeune Syrien. Comme lui, des mois après leur périple, beaucoup de jeunes ont encore un mouvement de recul lorsque des hélicoptères passent dans le ciel de Londres.

Une prise en charge dans un contexte politique tendu 

Les débats sur le Brexit et l’immigration n’ont pas amélioré l’accueil des réfugiés et des migrants. La semaine dernière, la polémique a pris de l'ampleur quand plusieurs tabloïds ont publié la photo d’un jeune homme, affirmant qu’il s’agissait d’un Afghan de 38 ans, qui se faisait passer pour un adolescent afin de demander l’asile au Royaume-Uni. Dans la foulée, l’un des députés conservateurs a réclamé des tests médicaux et des analyses pour déterminer précisément l’âge des mineurs qui arrivent de Calais. L’une des responsables de l’association Bike Project, Vicky, estime que la polémique est nauséabonde. 

Je suis encore complètement choquée, horrifiée. C’est répugnant. Demander des radios des dents pour prouver leur âge. Mais qu’est-il arrivé à mon pays ?

Vicky, association Bike Project

Vicky, dont le père était un immigré, estime que "plus les gens restent longtemps à Calais, plus ils sont abîmés, et plus ça va coûter cher de les aider, quel que soit le pays qui s’en occupe"

La prise en charge des mineurs de Calais accueillis en Grande-Bretagne : un reportage d'Antoine Giniaux

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