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Hauts-de-Seine : au PS, "on s'est tiré une balle dans le pied"

La présidentielle laissait espérer aux socialistes le gain de quatre circonscriptions. Pourtant, la gauche n'a pas mis toutes les chances de son côté face à des candidats comme Santini ou Devedjian.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Martine Aubry, en visite le 23 mai 2012, sur le marché de Châtillon (Hauts-de-Seine) pour soutenir Jean-Marc Germain (D) et sa suppléante, Martine Gouriet (G), pour les législatives. (ILAN CARO / FTVI)

Sur le marché de Châtillon (Hauts-de-Seine), mercredi 23 mai, une vieille dame apostrophe Martine Aubry. "Ohhh, qu'est-ce que je suis contente de vous voir !", lui lance-t-elle, sans un regard pour le grand monsieur qui se trouve à côté de la première secrétaire du Parti socialiste. Ce grand monsieur, c'est Jean-Marc Germain, son directeur de cabinet à la Communauté urbaine de Lille et rue de Solférino. Mais c'est surtout le candidat – parachuté au dernier moment – du PS aux législatives dans la 12e circonscription des Hauts-de-Seine, qui comprend les villes de Châtillon, Clamart, Fontenay-aux-Roses et Le Plessis-Robinson.

"C'est une circonscription difficile, admet Martine Aubry, puisqu'elle a toujours été à droite." Reste qu'elle est l'une des quatre que les socialistes pourraient envisager de chiper à l'UMP, car François Hollande y est arrivé en tête (53,52%) au second tour de l'élection présidentielle. Actuellement, sur les treize circonscriptions que compte le département, trois sont des bastions communistes (Nanterre, Gennevilliers, Bagneux), et les dix autres sont détenues par la droite. "Le résultat du charcutage Pasqua", peste un élu local en référence au redécoupage électoral mené par l'ancien ministre de l'Intérieur en 1986.

Le PS en progression constante dans les Hauts-de-Seine

Dans ce fief sarkozyste, la gauche ne cesse de progresser. Aux régionales de 2010, la liste d'union de la gauche de Jean-Paul Huchon avait créé l'événement en devançant, avec 51% au second tour, celle de Valérie Pécresse. A chaque élection intermédiaire, le PS grignote peu à peu cette citadelle considérée autrefois comme imprenable. Dans les années 90, le département ne comptait que deux maires et deux conseillers généraux socialistes. Quelques élections plus tard, ils détiennent désormais cinq communes (Clichy, Fontenay-aux-Roses, Clamart, Asnières-sur-Seine et Colombes) et sept cantons. Mais toujours aucun député.

Alors, au vu du résultat de la présidentielle dans le département (François Hollande a recueilli 49,5% au second tour, cinq points de mieux que Ségolène Royal en 2007), les socialistes du cru ont de quoi espérer. "Hollande a dépassé Sarkozy dans neuf villes détenues par la droite", se félicite Pascal Buchet, premier secrétaire fédéral du PS dans les Hauts-de-Seine, pour qui le département, autrefois "terre de mission", s'est transformé en "terre de conquête".

L'accord PS-EELV mis à mal dans le fief d'André Santini

Mais le chemin de la conquête ne s'annonce pas pavé de roses les 10 et 17 juin. Dans trois des quatre circonscriptions gagnables, la gauche, divisée, n'a pas mis toutes les chances de son côté, d'autant qu'elle s'attaque à des ténors bien enracinés. "On s'est tiré une balle dans le pied", commente un élu, circonspect devant le choix des investitures.

Dans la 12e, le parachutage de Jean-Marc Germain est loin de faire l'unanimité. La circonscription était initialement lorgnée par Pascal Buchet, également proche de Martine Aubry. Mais une condamnation en appel pour harcèlement moral a eu raison de ses ambitions législatives. Martine Gouriet, présidente du groupe PS au conseil général, s'est alors mise sur les rangs. La candidature lui tendait les bras... jusqu'à ce que Jean-Marc Germain soit imposé par le national. "On avait une excellente candidate bien connue sur le terrain et on se retrouve avec un inconnu. J'ai peur qu'on ait perdu l'occasion de gagner", regrette une militante socialiste qui s'est tout de même déplacée pour tracter sur le marché de Châtillon. Finalement, Martine Gouriet a accepté de passer suppléante : "Jean-Marc est là depuis une semaine et il a déjà réuni tout le monde autour de lui", veut croire Martine Aubry.

A Issy-les-Moulineaux, bastion du Nouveau Centre André Santini, François Hollande a recueilli 53,46% des suffrages le 6 mai. Mais les instances nationales du PS ont laissé la circonscription à l'écologiste Lucile Schmid, une ancienne socialiste passée chez Europe Ecologie - Les Verts. Au grand dam de Laurent Pieuchot, conseiller municipal PS à Issy-les-Moulineaux, qui se présentera en dissident, mettant à mal les chances de victoire de la gauche.

Un inconnu face à Patrick Devedjian

Autre circonscription favorable à la gauche, du moins sur le papier : la 13e, à Antony, détenue par le président du conseil général, l'UMP Patrick Devedjian. Ici, François Hollande a obtenu 52,65% au second tour de la présidentielle. Mais là encore, le PS pourrait avoir à regretter son retrait au profit du Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement, qui a investi Julien Landfried, un Essonnien de 34 ans parfaitement inconnu des militants locaux. "C'est un choix d'autant plus malheureux que les idées protectionnistes et anti-européennes du MRC cadrent très mal avec cette circonscription, où résident beaucoup d'intellos et de chercheurs", se lamente un élu socialiste. "Je n'ai pris la place de personne", se défend Julien Landfried, soulignant que cette circonscription ne compte pas de personnalité socialiste de premier plan.

Reste la circonscription d'Asnières-Colombes, peut-être la meilleure chance de victoire pour le PS. Le 6 mai, François Hollande n'y a recueilli que 51,14%, mais le socialiste Sébastien Pietrasanta, maire d'Asnières-sur-Seine, espère bien battre le député sortant Manuel Aeschlimann (UMP), confronté à la candidature de Rama Yade. Une occasion de sauver l'honneur ?

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